« C’était un grand soldat et notre premier président » confie, plein de fierté, un homme dans la foule. A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la mort de Mustafa Kemal, dit Atatürk, la place du leader politique dans le cœur de la population turque n’a pas diminué, bien au contraire.
Des centaines de personnes s’étaient données rendez-vous lundi 10 novembre à 9h05 précises pour lui rendre hommage au Palais de Dolmabahçe, l’endroit même où il décéda en 1938. Des fanions à l’effigie d’Atatürk, des drapeaux turcs, deux minutes de silence observées dans tout le pays, les sirènes et l’hymne national, tout était réuni pour célébrer la mémoire du fondateur de la république turque.
Il se démarque par sa carrière militaire de résistant contre l’adoption du traité de Sèvres en 1920, puis comme commandant de l’armée lors des victoires qui aboutissent au départ des troupes britanniques du pays. Influencé par la Révolution Française, il instaura ensuite des réformes radicales comme l’instauration de la laïcité et surtout de la république turque, ce qui lui vaudra en 1934 le nom de « Père des Turcs ».
Un garde républicain touché par l’émotion
Si depuis dix ans, le gouvernement en place cherche à nuancer l’impact de cette figure en modifiant notamment le programme scolaire, l’émotion qui entoure la cérémonie illustre une Turquie toujours « kémaliste ». Le passage dans la chambre où Mustafa Kemal est décédé, constitue sans doute le moment le plus émouvant du cérémonial.Même un garde républicain, stoïque, n’a pu retenir son émotion, obligeant un officiel à venir lui essuyer le visage.
Des groupes scolaires ont fait également le déplacement, les élèves reprenant en chœur des chants à la gloire du leader turc. D’autres, comme Önder, sont présents tous les ans. Etudiant en Sciences Politiques et né le 10 novembre 1983, il hérite d’un prénom qui signifie « leader », un hommage de son père à Atatürk. Il faut pour lui célébrer « l’action modernisatrice et progressiste » d’un homme d’action.
Les critiques sur le côté militariste de son pouvoir sont pour lui infondées autant que la biographie du leader charismatique peintedans le dernier film de Can Dündar, « Mustafa ». Ce documentaire, qui fait polémique en Turquie, présente un personnage politique isolé, en proie aux excès de l’alcool et du tabac. Des critiques difficiles à accepter pour Ônder : « il ne buvait pas autant de rakı que ça ». Il ajoutera comme une évidence, regardant autour de lui, « Comment pouvait-il être seul alors qu’il était si aimé ? ».
Cécile Danjou et Adrien Godet