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Japon, un séisme mondial

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Billet de blog 29 décembre 2011

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...un nouveau témoignage de la vie quotidienne au Japon, quelques mois après la triple catastrophe...

....sur le site "Netoyens.info"

"Nos « résolutions » pour les vingt années à venir"
Par Laurent Mabesoone le mercredi 28 décembre 2011, 00:00 - Japon

Aujourd’hui, c’était l’anniversaire de mon épouse. Comme je viens de commander un moniteur-doseur de radionucléides pour contrôler la radioactivité des aliments qui m’a coûté l’équivalent de trois mois de salaires, je n’ai pas pu lui acheter de « vrai cadeau » cette année ; seulement une écharpe jaune, couleur du mouvement antinucléaire au Japon.
Les anniversaires, c’est souvent l’occasion de faire le point et de prendre des résolutions…
Ces temps-ci, tant de connaissances ont finit par quitter le Japon.
Alex puis Nelson Surjon et même des Japonais comme Mochizuki Iori, etc… Chacun a une situation matérielle, professionnelle et familiale différente. Il ne sert à rien de se poser en censeur.
Seulement, est-ce que nous ne regretterons pas un jour d’être restés au Japon, nous, même si, en fait, nous n’avons pas vraiment le choix…
Nous n’avons « pas vraiment le choix » pour les trois raisons suivantes :
Mon travail de poète et d’écrivain de langue japonaise, de chargé de cours en littérature japonaise comparée, ici, au Japon, comme celui de mon épouse chez Fujitsu, nous retiennent dans ce pays.
Nous avons acheté il y a deux ans l’appartement de nos rêves et il nous reste 8 ans de crédit à rembourser.
Notre fille de trois ans ne parle que le japonais et une vie précaire à la suite d’un retour dans un pays inconnu et très différent la fragiliserait certainement voire la traumatiserait.
En plus, il reste des « raisons positives » pour vouloir rester :
Les relations humaines sont si bien réglées, l’attention apportée à l’autre et au bien commun est si exemplaire dans la culture japonaise qu’il est difficile de se « réadapter » à l’Occident après vingt années passées ici. J’ai l’impression que je ne pourrai plus jamais faire mienne cette sorte de « brutalité » qui est souvent la règle dans les rapports humains en Occident, cela risquerait même de me plonger dans un état dépressif, d’ « étranger chez lui ».
Je ne voudrais pas priver ma femme de son pays d’autant plus qu’elle ne parle pas du tout français et ne connaît presque pas la culture française, ni la priver de sa famille.
Mais attention, ceci ne veut pas dire que nous ignorons la réalité comme la majorité des habitants de l’est du Japon. Au contraire, notre choix est d’autant plus difficile que nous sommes particulièrement bien informés sur les risques que nous encourrons :
Dans l’état actuel des choses, si le Japon ne sort pas très rapidement du nucléaire, même avec une demi-douzaine de réacteurs en marche, comme c’est le cas actuellement, nous courrons droit au second accident sismico-nucléaire. Par exemple, la centrale de Kariwa Kashiwazaki exploitée par Tepco, à 60 km de chez nous, fait toujours fonctionner deux réacteurs. Or, en 2007, un tremblement de terre y a déjà causé un accident classé niveau 4. Si cette centrale n’est pas arrêtée, avant que nous ayons remboursé notre appartement, nous aurons d’autres doses de radioactivité dont nous devrons tenir compte pour notre fille. C’est la raison pour laquelle nous continuerons toujours à participer à toutes les manifestations possibles. Nous continuerons à porter au quotidien nos rubans jaunes, vêtements jaunes et autres badges tout en utilisant toutes les occasions possibles pour promouvoir le mouvement antinucléaire au Japon. C’est vital, pour notre fille.
Il faut, parallèlement à cela, protéger les enfants des effets de l’accident passé. À l’échelle collective : séances citoyennes et gratuites de mesure de radioactivité des aliments [1], pression sur les autorités pour le problème des cantines scolaires. À l’échelle individuelle : alimentation riche en Kalium pour réduire l’assimilation du césium par les enfants, nutriments à base de pectine de pomme pour aider l’évacuation du césium. Se moquer totalement des campagnes de soutien à l’agriculture du Nord-Est, être très strict pour les enfants sur l’origine des produits.
Conclusion :
Les fait sont avérés maintenant. D’après l’ICRP, quand 10 becquerels de césium 137 sont ingérés quotidiennement durant 600 jours, le corps humain en retient 1400 becquerels en permanence. Ceci donne 50 Bq/kg de masse corporelle pour un enfant de 28 kg. D’après Youri Bandajevsky, à partir de ce niveau de contamination, 80% des enfants en Biélorussie ont fini par développer des maladies cardiaques ou viscérales, sans compter les cancers et les leucémies.
Pour notre fille de 14 kg, il faut donc réduire la contamination par voie alimentaire ou respiratoire à moins de 5 Bq par jour. C’est excessivement difficile à tenir quand on vit dans l’Est du Japon, mais nous le ferons.
Voici nos « résolutions » pour les vingt années à venir.
Notes :
[1] Je commencerai à en faire dès février prochain, ici à Nagano.

Texte original ici :

http://www.netoyens.info/index.php/contrib/28/12/2011/chroniques-anti-nucleaires-nos-resolutions-pour-les-vingt-annees-a-venir

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