Billet de blog 15 avril 2008

Gérard PHILIPPART (avatar)

Gérard PHILIPPART

Chef d'entreprise et consultant Universitaire

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La Justice ! La prison !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La Justice ! La prison !Lorsque plus rien ne motive intensément la presse, alors on reparle des prisons.Depuis de nombreuse années, (et surtout après l’affaire dite « d’Outreau » certaines associations qui faisaient « la une » des médias sont devenues muettes pour ne pas dire autistes.Mais, la vérité c’est que globalement 62.000 personnes sont emprisonnées en France pour un peu plus de 50.000 places disponibles.Ou en sontles grandes déclarations concernant les peines alternatives ? Ou en sont les plus de 2500 dossiers de personnes considérées comme injustement emprisonnées ?Quel sont les moyens mis en œuvre pour gérer la sortie des personnes emprisonnées ?Que fait-on des personnes libérées ?Cadres Supérieurs ou anonymes, tous ont été traumatisés par l’emprisonnement, qu’ils le reconnaissent ou non.La privation de liberté, qu’elle soit justifiée ou non, n’autorisepas l’humiliation.La prison humilie, infantilise, déstructure ……. !

Au nom de la Justice, la société emprisonne et supprime du même coup le droit inaliénable de vivre.

Les rôles essentiels de la prison que sont :

« L’amendement et le reclassement social des condamnés» ne sont que partiellement appliqué par les Administrations qui en sont en charge.

Quel est donc le sens de la peine ?

Voilà une question au sujet de laquelle personne n’ose se prononcer au risque de soulever des tempêtes.

L’enfermement reste aujourd’hui la peine de référence même si de nombreux Magistrats reconnaissent que la détention n’est pas l’unique réponse pénale et doutent de son efficacité dans de nombreux cas de petite et moyenne délinquance.

Environ 30% des détenus sortent de prison sans argent, sans emploi etsans toit.

Dans ces conditions, 60% d’entre eux auront à nouveau affaire à la Justice et 40% retourneront en prison.

Un peu d’histoireC’est en 1791 que les inventeurs de la prisons utilisent le terme « Réhabiliter autant que punir »

Nous sommes à la fin du XVIII éme siècle, et les pouvoirs successifs se posent déjà la question du sens de la peine.

A peine un siècle plus tard, alors qu’il se préoccupe de la misère humaine

Victor Hugo écrivait « les misérables » et sa célèbre injonction : « ouvrez une école vous fermerez une prison ! »

Au XXI éme siècle et malgré les multiples atermoiements politique on ferme des écoles et l’on construit des prisons.

Une existence après la prisonLe plus difficile pour un détenu libéré est de s'apercevoir que le monde a changé sans lui et qui lui faudra faire un travail considérablesur lui même pour comprendre et réduire au maximum la différence socio - culturelle qui s’est installée entre le jour deson incarcération et son retour au sein de la société civile.Le plus souvent, les proches n’acceptent pas la prison et donc, à sa sortie, le prisonnier reste seul avec lui-même. Cette absence de soutien s’explique par une certaine honte ou incompréhension de la famille.

Il faut ne pas oublier la « vox populi » qui privilégie par essence l’idée qu’il n’y a pas de « fumée sans feu » et que par voie de conséquence « condamnée » veux dire coupable.

A la fin de la détention, quelque soit la décision de Justice, la condamnation est toujours là. Dans d’autre cas, trop d’attention de la famille et de l’entourage peut étouffer la volonté de se réinsérer.

Chaque personne incarcérée pour une courte peine ou pour une longue peineest légitimement en droit de se demander si il existe une relation sociale et civile après la prison.

L’Administration Pénitentiaire dont une des missions est le reclassement social des condamnés ne fait en réalité que gérer le quotidien pour éviter les débordements, elle ne favorise pas réellement la réinsertion.

L’incarcération déshumanise la personne elle infantilise le détenu et sans compter les humiliations et les brimadesqui peuvent être exercées sur certains prisonniers, elle éloigne la personne de son éventuelle volonté de rédemption.

La réinsertion passe par la prise de conscience de son acte lorsque l’acte de délinquance ou de criminalité a été avéré, néanmoins, la grande majorité des personnes qui commettent des actes délictueux doivent être accompagnées par des spécialistes pour accepter qu’un délit ne puisse en aucun cas être assimilé à un acte de la vie ordinaire.

Il faut alors se poser la question du devenir des innocents qui vivent la détention au même titre que les coupables avec le sentiment de l’injustice qui dans de nombreux cas exacerbe la haine et le besoin de vengeance.

Il existe incontestablement une souffrance psychologique du prisonnier qui est exacerbée par l’incarcération mais certainement latente au moment du délit

La prison vous oblige à cesser de vivre, il faut donc parler d’une existence possible et non pas de vie après la prison.

L’expression d’un prisonnier libéré et libre

« Une vaste réflexion sur les motifs qui m’ont conduit à détruire quarante ans de labeur acharné pour m’élever naturellement sur l’échelle sociale.

L’omniprésence de la notion de danger qui, avant mon emprisonnement était un moteur de progression, devenu un frein permanent à mon évolution intellectuelle.

La notion de culpabilité au regard de mon espace sociétal composé de ma famille et de ceux que je définissait comme mes «amis » qui en réalité ne m’acceptaient que pendant la période qui correspondait à leurs critères tribaux.

Exclu par la société de participer au combat économique actuel pour cause d’incompatibilité de normalité, je participe activement au Monde associatif qui prétend remettre « l’être Humain » au centre du débat.

Au plan personnel, comme dans ma responsabilité associativeje ne fais aucune démarche sans essayerd’imaginer que les conséquences demes décisions puissent me conduire à nouveau vers la « case prison ».

Le mot « PRISON » fait partie intégrante de ma vie au quotidien, de mes réflexions à cours, moyen et long terme et de engagements que j’assume en mon nom personnel et au nom de l’association dont je suis le représentant.

Ma modeste qualification scientifique, me laisse à penser que l’emprisonnement modifie irrémédiablement l’équilibre atomique du système biologique des personnes incarcérées et pour ce qui me concerne jele vérifiechaque jour par une certaine forme de suspicion naturelle vis-à-vis des personnes vierges de l’incarcérationqui m’interroge sur ma période d’emprisonnement, alors que ce sentiment disparaît totalement dans ma relation avec les personnes qui ont connu l’incarcération.

Lorsque la réaction de celle ou de celui qui apprend l’existence de ma vie carcérale est compatissante, neutre ou suspicieuse, j’ai la certitude que mon existence se scinde en deuxmodèles sociaux différents qui font de moi deux personnes qui doivent cohabiter dans la même enveloppe. »

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