Lionel Degouy

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L'utopie

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Billet de blog 2 septembre 2008

Lionel Degouy

Essayiste et pamphlétaire, glandouïste convaincu

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Les parrains. Par Paul Alliès.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Contribution généreuse de Paul Alliès, professeur de science politique à l'université Montpellier I. Article paru dans Libération, le 23 Juin 2006.

Le parti socialiste vient d'inventer une nouvelle règle qui exige le parrainage de 30 membres de son Conseil national pour toute candidature à l’investiture à l’élection présidentielle. Adoptée dans une totale discrétion, elle conduit à s’interroger une fois de plus sur l’assimilation de plus en plus grande de ce parti au système de la V° République tant dans son esprit que dans ses règles.
L’ « esprit » de l’élection présidentielle en 1962 c’est de dépolitiser et de personnaliser autant que possible le choix du « chef de tous les français ». Le premier tour devait donc fonctionner comme une primaire qui, en application de procédures d’ordre public, visait à écarter des candidats extrémistes ou fantaisistes. La première de ces règles était l’exigence d’une présentation des candidats par cent élus nationaux ou locaux sous le contrôle du Conseil Constitutionnel . La loi organique du 18 juin 1976 porta à cinq cents ce chiffre. Il est devenu un possible obstacle à la candidature de personnalités représentant un réel courant d’opinion. Pourtant on a assisté à une élévation régulière du nombre de candidats, de six, sept, douze en 1965, 1969 et 1974 à seize en 2002. L’avènement du « quinquennat sec » a définitivement transformé le premier tour de cette élection en premier tour des élections législatives et encouragera toujours plus de formations à y présenter ses candidats comme à débattre en leur sein de qui est le ou la mieux placé pour l’y représenter.
Dans ce contexte, le Parti Socialiste s’avère incapable de réguler en interne les ambitions de ses candidats. Et il reprend à la fois l’esprit de cette élection en en durcissant les règles. Là aussi la situation a complètement changé au gré des quarante années de pratique d’élections présidentielles. A l’origine, le programme du parti et de la coalition avait valeur de référence. Certes François Mitterrand avait posé dés 1965 une distinction entre d’une part « le programme » qui était l’affaire des partis et concernait d’abord la coalition parlementaire qui le soutenait et d’autre part les « grandes options » qui étaient du ressort du candidat en tant que tel. Cette distinction fonctionna jusqu’en 1981. Puis s’imposa la pratique que le candidat était de plus en plus indépendant du projet politique de son propre parti. On a en tête la phrase de Lionel Jospin ouvrant sa campagne en 2002 : « Mon projet n’est pas socialiste ». Durant les derniers mois une commission dudit projet s’est bien réunie pour aboutir à un texte d’une parfaite incohérence grâce à quoi il fut voté à une quasi unanimité le 1° juillet après une ratification bâclée des adhérents (40 % seulement des nouveaux adhérents « électroniques » prirent part au vote).Cette adoption n’a pas entraîné le moindre arbitrage entre les candidats déclarés. Par contre, subrepticement et entre-temps le seul Bureau national du parti a adopté la règle très restrictive du parrainage. Alors que ce parti reste une formation composée majoritairement d’élus, ce parrainage est réservé aux seuls membres du Conseil national. C’est donc exactement comme si les seuls députés ou sénateurs de la V° République pouvaient donner leur signature aux candidats à la Présidentielle. Le chiffre de trente peut sembler modeste. Mais comme il concerne un «parlement » élu à la proportionnelle au dernier congrès du Mans, ceux qui n’y ont pas accepté la synthèse sur un texte fourre-tout (mais d’où fut exclue par exemple la moindre ouverture vers une VI° République) se trouve pénalisés. Arnaud Montebourg ne peut espérer forcer ces conditions.
La boucle est donc bouclée : ceux qui contestent le plus radicalement les arrangements programmatiques sans lendemain ni conséquence sont éliminés de la course démocratique à l’investiture et, avec eux, ceux qui récusent le cours de plus en plus opportuniste vis-à-vis d’une République archaïque. S’agissant de l’élection présidentielle française dont il reste à mesurer en Europe l’exotisme et les inconvénients, on peut se demander si cette mesure d’autodéfense d’un « groupe dirigeant » aveugle et sourd au désir de changement dans l’opinion n’est pas un cadeau fait à ceux et celles qui incarnent l’avenir de ce parti.

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