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L'utopie

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Billet de blog 20 octobre 2008

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Ancien journaliste, militant écologiste, éthicien, pasteur de la Mission populaire à Montreuil (93), habite à L'Ile-Saint-Denis

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Retour sur les remords et sur l'affaire Rouillan

L'article d'Olivier Abel m'incite à poster quelque chose sur un sujet qui me gêne depuis un moment. Je m'interroge sur le "remord obligatoire" - car il est bien plus question de cela au fond que de la rupture du silence sur les crimes d'A.D - tel qu'il apparait autour de la question des anciens d'Action Directe, et du retour en prison de Jean-Marc Rouillan.

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L'article d'Olivier Abel m'incite à poster quelque chose sur un sujet qui me gêne depuis un moment. Je m'interroge sur le "remord obligatoire" - car il est bien plus question de cela au fond que de la rupture du silence sur les crimes d'A.D - tel qu'il apparait autour de la question des anciens d'Action Directe, et du retour en prison de Jean-Marc Rouillan.

Non seulement, il y a quelque chose d'étrange à vouloir exiger ce sentiment - peut-on exiger d'aimer, de détester, de regretter ? - mais il fait l'impasse sur le chemin vers le remord possible. Je m'explique.
Dans le pasage de l'interview qui vaut à Rouillan de revenir en prison, il dit : "Regrettez-vous les actes d'Action directe, notamment cet assassinat? Je n'ai pas le droit de m'exprimer là-dessus... Mais le fait que je ne m'exprime pas est une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais m'exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique."
Les médias pendant des jours ont repris en boucle que Rouillan ne regrettait rien. Or la phrase " il est évident que si je crachais sur tout ce qu'on avait fait, je pourrais m'exprimer" ne laisse pas entrendre cela : il ne crache pas "sur tout ce qu'il a fait", ce qui laisse entrendre qu'il regrette de 0,5 à... 99%, ce qui laisse une autre marge d'incertitude que "ne regrette rien" qui veut dire... 0% de remord.

Le battage médiatique enferme définitivement Rouillan dans la figure de celui qui ne regrette rien, le monstre abolu. Qui refuse de se laisser bouger sur les faits de l'époque ? Rouillan qui laisse la marge d'incertitude ou les médias qui n'en laissent aucune ?
Mais le plus important est : "par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique". Comment peut-on penser qu'on puisse avancer vers d'éventuels remords sans laisser la dignité - le petit couteau - du passage par le bilan critique ? Est-ce moins noble que le passage par l'illumination ou la conversion au Christ ou à l'Islam qui fait tant craquer les médias et serait gage de "vraie" conversion ? Ce serait un comble dans une société qui se dit pourtant rationelle et politique...

Cela rappelle que cette société qui se dresse sur ses ergots républicains au premier voile musulman à l'horizon fonctionne encore avec des reflexes catholiques, et pas les plus sympathiques : ceux de l'inquisition qui exigeaient l'aveu et le reniement même si cela se passait quelques secondes avant de mourir sous la torture.

Rappelons que Jean-Marc Rouillan et les anciens d'AD ont purgé leur peine au de-là de la peine de sureté dont ils avaient écopé et que la loi n'exige aucune "repentance".

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