Ce texte a été sujet du bac de français, en Juin 2006, sur l'académie de Montpellier. Il date donc un peu. Mais je vous le livre car il reste, hélas, d'une actualité déconcertante.
Je voudrais aujourd'hui revenir sur la grande blessure, la grande indignation qui a, à juste titre, suivie la mort du petit Romain à Avignon. Quelle tragédie, quelle horreur. On en reste, sur le moment, sans voix. Plein de dégoût. Puis comme l'on n'est pas de ceux qui souffrent le plus - sa famille, ses proches, cette enfant qui se trouvait à ses cotés au moment du terrible drame - on se hasarde à l’analyse, ou à de simples réflexions.
Qu'y a-t-il finalement de pathétique dans cette histoire, hormis la mort absurde de Romain. C'est justement l'absurdité des faits. On peut en effet trouver au moins trois victimes dans cette affaire : Romain bien sûr, sa petite amie et...l'assassin !!! L'assassin : un gosse de dix-sept ans. Un gosse fort dangereux assurément, mais un gosse tout de même. Et l'on peut s'interroger sur une société qui laisse à ce point se développer chez de jeunes adultes une violence qui ne peut qu'avoir un fondement, une raison. Comment en sommes nous arrivé là ? Comment des enfants se trouvent pris à ce point dans l'engrenage de la violence ? Il ne s'agit pas de remettre en cause l'horreur de l'acte, ni de dédouaner sont auteur : fort heureusement tout le monde ne tue pas le premier venu à coup de hache ! Pourtant je ne peux m'empêcher de penser aussi à ce gamin de dix-sept ans. Seul, perdu à jamais lui aussi. Ne doutons pas de son désarroi, ne doutons pas qu'il ressent son destin, plus que jamais difficile à porter. D'une certaine façon l'on peut dire qu'il est déjà jugé.
Comme je l'ai dit, il ne s'agit en aucun cas de minimiser l'acte. Comment, d'ailleurs, le pourrait-on ? Mais il me semble utile à tous, de faire preuve de miséricorde, de compassion. Et peut-être, plus tard, beaucoup plus tard, de pardon. Pardonner : se libérer du fardeau de la rancoeur ou de la haine. Le pardon : ouvrir à tous l'espoir d'un monde meilleurs, d'un monde ou les enfants ne s'entretueraient pas pour un mot de travers, une cigarette, une mobylette. Le pardon : une valeur chrétienne à coup sûr, mais aussi et surtout une valeur humaniste, une valeur de libération de l'être au-delà de lui-même, au-delà de ses souffrances, au-delà de l'oppression des faits, aussi monstrueux soient-ils.
Le jour du jugement, le jury constatera de lui-même la lourde tache qui lui incombe : rester serein dans un climat qui n'amène que difficilement la compassion pour le prévenu. Car il est probable que ce coupable recevra la punition à laquelle il ne peut échapper.
Mais comment tout cela a-t-il pu se produire ? Il n'est plus possible de laisser à la dérive des enfants de cet age, sans espoir, sans avenir, avec des rêves aussi terribles plein la tête : l'assassinat. Car à travers cette tragédie c'est l'ensemble d'une société qu'il faut pointer du doigt, cerner, sans pour autant bêtement et facilement la condamner. Il nous faut en connaître l'ensemble des méandres et dérives qui souvent nous submerge tous. Non, le coupable ne peut être seul responsable d'une violence qui, à coup sûr, le dépasse. Et de très loin...
Comment l'aider, le soutenir, lui, l'assassin ? Oui, comment soutenir un assassin ? C'est la tache de tous, de chacun de nous, d'être vigilants quant aux dérives, d'être vigilants face à l'horreur qui submerge un trop grand nombre de personnes, d'enfants. La misère, hélas, donne à voir parfois la monstruosité. De cette monstruosité dont on a, à tort, le sentiment qu'elle est naturelle, invincible : faisons de nos faiblesses la force nécessaire à une mise à plat de nos erreurs. Et gardons nous bien de crier haro sur un baudet de dix-sept ans. Car c’est à l’évidence l’état de droit qui doit subsister, dans cette affaire comme dans tant d’autres : oui, le criminel aura son avocat.