Lorsque j’ai effectué le passage en revue de ces dix dernières lectures, j’ai été réjoui par l’éclectisme, moi qui ne m’intéresse en principe qu’à l’histoire et aux polars (je cite toujours en référence l’édition dont je dispose, pas l’originale).
1. Florence Dugas, Dolorosa Soror (érotique), éd. La Musardine, Paris 2014. Il s’agit du récit, paraît-il vécu, de Florence, étudiante qui tombe amoureuse d’un de ses profs, dont nous ne connaîtrons que les initiales, J-P. Celui-ci lui présente une autre de ses conquêtes, Nathalie ; cette dernière sera à son tour attirée par Florence, toutes deux ne s’épanouissent pleinement que sous le fouet.
C’est admirablement bien écrit, on s’y croirait.
J’ai été intrigué, en cours de lecture, par ce qui m’a paru être des allusions subliminales à Histoire d’O (importance de la photographie, prénom Nathalie proche de Natalie, d’autres détails discrets), j’ai donc effectué des recherches sur l’auteur, et appris que Florence Dugas était le pseudo de Jean Paul Brighelli (songeons aux initiales J-P, l’initiateur et maître), un personnage controversé, mais talentueux, c’est possible, nègre d’Un Homme en Colère (2002), attribué à Jean-Louis Borloo, suffisamment ambigu pour ne pas contrarier un avenir ministériel, quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle, Chirac ou Jospin. Il est aujourd’hui proche des souverainistes de Nicolas Dupont-Aignan.
2. Tariq Ramadan, Mon intime conviction (essai religieux), éd. Archipoche, Paris 2009.
Une présentation simple et accessible de la pensée du théologien musulman. Ce n’est pas son seul bouquin, il est plutôt prolixe, mais ici, il s’agit d’un condensé, toujours utile en ces temps de jugement rapide…
3. Lionel Olivier, Le Crime était signé (policier), éd. Fayard, Paris 2015, Prix du quai des Orfèvres 2016 ( oui déjà, c’est comme les dictionnaires, on peut acheter le Larousse 2016 dès août 2015).
Une enquête policière remarquable sur la découverte, hélas, nous sommes ce que nous sommes... excitante, du cadavre dévêtu d’une jeune fille dans le coffre d’une voiture.
4. Jean-François Laé, Dans l’œil du gardien (enquête sociologique), éd. Du Seuil, Paris 2015, coll. Raconter la vie.
On suit un gardien de « cité », dans les « quartiers ». Intéressant. Libé en avait fait une critique : http://next.liberation.fr/livres/2015/06/28/que-reste-t-il-du-travail-gardien-de-la-cite_1338901
5. Patrick Buisson, 1940-1945, Années érotiques, t. 1 Vichy ou les infortunes de la vertu ; t. 2 De la grande prostituée à la revanche des mâles (essai historique), éd. Albin Michel, Paris 2008.
C’est le fameux et fumeux Patrick Buisson, éminence noire de Sarkozy. A Bruxelles, on ne le connaît pas, et ses œuvres sont soldées dans la rue à la devanture d’un bouquiniste pour 3 € (Sic transit gloria mundi…). Intéressant et bien documenté. Le mec n'a pas que des défauts. Il est vrai que ses amis peuvent lui parler des dessous de la collaboration plus facilement que d'autres.
6. Christine Angot, Un amour impossible (roman, fut goncourable), éd. Flammarion, Paris 2015.
Incroyable mais vrai, Christine Angot quitte le registre du parler cru et parle d’une blessure intime, la relation incestueuse que lui imposa son père. Si Angot analyse très bien ce père, elle me semble elliptique quant à la mère. Ce sera peut-être le sujet d’un prochain roman. Qui alors pulvérisera le Goncourt.
7. Yves Pourcher, Pierre Laval vu par sa fille (essai historique), éd. Tallandier, coll. Texto, Paris 2014.
Les cénacles exquis de la IIIe République et de l’Etat Français, vus par la lorgnette du journal intime de Josée, fille de Laval, mariée au Comte de Chambrun. L’horreur se produit au coin de la rue, et elle ne voit rien, rien ne change, courses à Auteuil, essayages chez les couturiers, dîners mondains. Cela peut paraître inouï, mais Nicolas Sarkozy a inauguré sa présidence au Fouquet’s, dans un pays où il y a cinq millions de chômeurs…
8. Henning Mankell, L’homme Inquiet, une enquête du commissaire Willander (policier), éd. Du Seuil, Point, Paris 2010.
Enquête policière sur un meurtre et une disparition inquiétante, ou éclairante si le disparu est l’assassin. Le contexte est celui de la guerre froide, cela se passe en Suède, pays qui n’est pas membre de l’OTAN, où les sous-marins russes effectuent des repérages secrets, et sont-ils les seuls ?
Mankell est mort récemment.
9. Le dahlia noir (BD), de Miles Himan, David Fincher, Matz, d’après le roman éponyme de James Ellroy, éd. Rivages/Casterman, Paris 2013.
Une BD remarquable sur l’affaire d’une starlette, le dahlia noir, retrouvée morte, atrocement mutilée à Los Angeles, juste après la guerre, sur fond de flics corrompus, d’entrepreneurs véreux, de mafieux, pédés, putes, politiciens à l’image de cet univers. Superbe !
10. Le meilleur pour la fin : Simonetta Greggio, Dolce vita 1959-1979 (roman-polar situé dans un contexte historique véritable), éd. Le Livre de Poche, Paris 2015.
Simonetta Greggio est une Italienne qui écrit directement en français. La trame du roman, c’est l’affaire Moro, l’instrumentalisation vraisemblable des Brigades Rouges par les « services » italiens ou américains, afin de faire échouer le compromis historique qui aurait dû permettre la participation du Parti Communiste au pouvoir. Le tout sur fond de confession d’un vieil homme, prince de son état, dont la vie ne fut que recherche cynique des plaisirs, oh, ma foi, les collusions entre la mafia et le pouvoir, il le savait, n’est pas idiot tout de même, l’essentiel était de baiser, de boire du champagne et de jouir pleinement de ce que l’existence offre de meilleur.