Billet de blog 24 octobre 2017

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Calais, un an après: mémoires enterrées et «rêve de futur» implanté

Un an après le démantèlement de la « Jungle » et l'effacement radical de tout ce qui s'y était construit, la politique de la table rase se prolonge en l'inscription grotesque et cynique d'un avenir supposé rêvé par toutes et tous. Parc naturel, parc d'attractions, dragons, varans et iguanes: voici le nouveau paysage et le nouveau peuple que la ville de Calais est, cette fois, «fière d'accueillir».

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Le cauchemar rêvé de Calais

Illustration 1
Le nouveau parc d'attraction qui ouvrira à 3 km de l'ancien camp.

Le 24 octobre 2016 ladite « jungle » de Calais est « démantelée ». Entre 8 000 et 10 000 personnes sont expulsées de la lande des dunes, envoyées pour la plupart d’entre elles dans des Centre d’accueil et d’orientation (CAO). La ville sauvage est détruite, le terrain rasé. Un arrêté sera pris qui en interdit désormais l’accès.

Que pouvons-nous dire de ce démantèlement une année après, jour pour jour ? Non seulement, qu’est devenue la lande, que sont devenus ses habitants, mais surtout qu’est devenue la ville de Calais et que rêve-telle de devenir aux dire de ses élus ?

Et qu’est-ce que tout cela signifie ?

      1. Des réserves et des conservatoires

L’histoire de la ville de Calais se raconte de la façon suivante : une ville fleurissante au XIXème, grâce à l’industrie de la dentelle issue d’Angleterre, a périclité lentement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour se retrouver assaillie de migrants à la fin du XXème siècle quand fut ouvert un tunnel sous la Manche. Devenue la porte d’entrée de l’Angleterre pour celles et ceux qui fuient massacres et misères d’Afrique et d’Orient, la voilà bientôt envahie, submergée d’indésirables. Bloqués à l’entrée du port, bloqués à l’entrée du tunnel, les migrants hagards seront parqués, comme en une réserve, dans la lande des dunes sous la pression conjointe de la Ville et de l’Etat, au début de l’année 2015. Des dizaines de milliers d’exilés y séjourneront parfois quelques jours, parfois de trop longues semaines, entre février 2015 et octobre 2016. Une ville, qui atteindra presque 10 000 habitants durant quelques mois, s’organise à côté de la ville de presque 80 000 habitants. En mars 2016 une première fois, en octobre 2016 ensuite, on la détruit, on chasse sa population et on transforme la lande des dunes en une autre réserve, naturelle cette fois, sous l’autorité du Conservatoire du littoral : que la nature enfin reprenne ses prétendus droits, entre l’autoroute et les usines pétrochimiques.

Deux réserves, donc, se succèdent : l’une d’Indiens et de sauvages exilés ; l’autre de coquelicots et d’oiseaux migrateurs. Deux conservatoires, donc, se regardent en miroir : l’un protège la ville de l'assaut des migrants réputés sales, avides et dangereux en les assignant à résidence dans une lande qui n’est pas aménagée à cet effet — assignation à résidence, oui, mais sans domiciliation — ; l’autre est supposé protéger la nature en interdisant aux humains de la traverser ou d’y séjourner pour offrir aux oiseaux de passages une halte – une domiciliation provisoire sans assignation à résidence, ce qu’on appelle aussi hospitalité. Hostilité pour les exilés migrants, hospitalité pour les oiseaux migrateurs.

Qu’est-ce qu’une réserve ? Un parc, d’abord. Que fait un parc ? D'une part, il artificialise une nature détruite en y substituant son simulacre dompté; d’autre part, il sert à parquer. Que la lande redevienne nature contre les humains indignes qui l’avaient polluée de leur industrie sauvage et excrémentielle par un bidonville surpeuplé, voilà qui effacera toute trace d’une vitalité pourtant urbaine et civile mais inacceptable à certains citadins de la ville d’à côté (voir à ce sujet, entre autres les articles publiés précédemment : La jungle et la ville ou Dans la ville des jungles ). Qu’un parquage succède à un autre, qu’au parc humain d’exilés en déshérence concentrés dans les limites de la lande succède un parc naturel dévolu à la seule population végétale et animale, voilà qui nous apprend à la fois ce que les humains policés font des humains décrétés sauvages — ceux qui pour conserver leur liberté ont dû se soustraire aux ordres policiers —, et la manière dont la nature est instrumentalisée pour enfouir, sous sa vitalité, cette autre vitalité rebelle, celle d’une paradoxale ville d’exilés de passage, qui interroge de façon dérangeante la civilité des urbains établis, implantés, racinés.

Une réserve est ensuite un conservatoire. Que conserve-t-il ? Le parquage des indésirables comme celui des espaces naturels préservés n’est une opération de conservation qu’à condition de procéder par soustraction : soustraire, d’un côté, les exilés au regard et à la fréquentation des citadins puisque, irréguliers et dangereux, ils sont la mauvaise graine des jardins d’Eden à jamais perdus dont rêve une ville qui sait que la désindustrialisation, le chômage, l’absence de politique sociale et culturelle et la corruption généralisée des administrations l’en ont privé à jamais ; soustraire, d’un autre côté, végétaux et animaux à l’industrie des hommes puisque celle-ci ne peut se déployer qu’à condition de les souiller, de les détruire, de les transformer en immondices. On ne conserve que trop tard, et que ce qui est irrémédiablement perdu.

Au lieu de conserver l’impossible ou les restes d’une humanité perdue, on aurait pu imaginer d’agir avec les humains, avec les autres, avec ces étrangers de passage pour s’inventer ensemble un monde partagé ; on aurait pu imaginer d’édifier de concert des mondes humains qu’il ne s’agirait ni d’artificialiser ni de parquer, ni de réserver ni de conserver, mais de faire vivre, avec les autres mondes dits naturels, animaux et végétaux. Mais c’est une tout autre économie que celle-là… 

        2. Des monstres et des héros 

Pour lutter contre l’image honteuse d’une ville assaillie et souillée par une horde d’exilés hideux, il faut autre chose que des coquelicots et des oiseaux de passage. Il faut aussi inverser l’horreur, retourner le stigmate, inventer un avenir radieux qui réactivera la gloire passée de la ville attirante et fleurissante. Il faut imaginer un autre avenir. Et de cette imagination, il résulte apparemment deux choses que Calais entend promouvoir dans les années à venir : que le bord de mer, qui doit redonner le goût de la baignade et de la promenade, soit habité par un dragon géant qui déambulerait depuis sa cage de verre installée à l’entrée du port ; qu’à la ville délabrée, appauvrie, chômeuse et presque désespérée, soit offert un parc d’attraction qu’animeraient les héros de légendes qui peuplent nos rêves : on bâtirait Heroïc Land aux côtés de là où une autre lande avait accueilli un gigantesque bidonville d’étrangers désœuvrés et dangereux.

Inversion des valeurs, inversion caricaturale, et pour tout dire grotesque, de la monstruosité et donc de la visibilité puisqu’un monstre n’est après tout rien d’autre que ce qui se montre ou qu’on montre. Aux hommes et aux femmes infâmes qu’il fallait rendre invisibles en les parquant dans une dune inhospitalière, on substitue un monstre géant qu’on veut en tout visible, enfermé dans une cage de verre à l’entrée du port interdit aux exilés. A l’instar des géants de Nantes qui ont fait la réputation de la ville, François Delarozière (ancien Royal de Luxe et architecte du Channel) est mandaté pour construire ce dragon géant qui pèsera 52 tonnes, coûtera 20 millions d’euros à la ville qui, par ailleurs, bénéficie d’une dotation de l’Etat de 50 millions d’euros pour assurer sa reconversion de ville sinistrée en ville ludique. La Maire de Calais fait profession publique de ce rêve, et il faut bien entendre son propos :

« La population a vécu », déclare-t-elle, « un traumatisme moral, avec ces images renvoyées sans cesse depuis un an. Je veux que ce choc culturel nous propulse dans une nouvelle histoire prospère ». Le dragon en question « va élire domicile dans une halle de verre, à l’entrée du port, où il dormira. Il sera visible de tous les ferrys qui entrent et sortent du port, ce qui poussera, je l’espère, les familles à aller voir ce spécimen. (Libération, 23/10 :2017, p. 6)

Reprenons, besogneusement, car il faut reprendre ce propos mot à mot pour en saisir l’amère et bien involontaire ironie, mais aussi déceler le sens profond de ce qui se joue là.

Il y eut un « traumatisme moral ». Ce traumatisme, ce n’est pas celui subi par les exilés forcés de fuir leurs contrées, rejetés au cours de leurs errances, exposés aux odieux trafics des « passeurs », malmenés par les CRS, et enfin parqués dans la « jungle » faute d’accueil de la part des institutions publiques, non : c’est celui que les images ont provoqué, ces images « renvoyées sans cesse » par des médias complaisants ou des discours insistants. Mais les images de quoi ? Encore une fois, pas des situations à peine vivables des exilés, ou celles encourageantes de leur incessante inventivité, non, les images dévalorisantes d’une ville en proie aux flux migratoires croissants et livrée aux risques auxquels ils ne manquent d’exposer les habitants ! A un choc moral, donc, il convient d’opposer un autre choc, culturel celui-ci. On a peine à le croire, mais cet autre choc est un dragon géant fabriqué de toute pièce, une œuvre d’art animée. Qu’est-il ainsi signifié ? Ce dragon est un monstre. À une monstruosité morale, on substitue un monstre culturel. Ce qui a été monstrueux à Calais, on en conviendra, ce n’est pas l’afflux de migrants souhaitant se rendre en Angleterre mais bloqués au port ou au tunnel par les forces de police françaises subordonnées aux autorités anglaises, non ce qui est monstrueux c’est que cette ville ait laissé ces milliers d’exilés sans secours ni abris, qu’elle les ait laissé édifier par eux-mêmes cette autre ville qu’on appelle bidonville où ils surent se doter des conditions minimales requises par la survie et bientôt s’inventer à partir de rien les institutions sans lesquelles aucun être n’est humain : des églises, des mosquées, des centres d’art, des bibliothèques, des dispensaires, des cafés et des restaurants et même des discothèques… Mais cette monstruosité, il faut la faire disparaître. Il y a deux manières de faire disparaître le trop visible, ce qui se montre exagérément, ce qui ne peut être soustrait au regard : montrer autre chose d’encore plus démonstratif ; ou enfouir le visible.

Le dragon relève de la première manière. Un monstre culturel hyper visible fera oublier un monstre moral qu’on voudrait rendre invisible. Alors on le logera au centre nerveux ou vital de la ville, au port ; alors on le logera dans un hall de verre afin qu’il soit toujours visible, de nuit comme de jour. Pire encore, l’ironie est terrible : il sera visible des ferrys qui entreront dans le port ou le quitteront, ces ferrys qu’en vain les exilés tentent d’emprunter pour traverser la Manche. Inversion totale : au bidonville opaque et relégué dans la lande à l’écart de la ville pour être invisible, on substitue un hall de verre, une sorte de panoptique du monstrueux divertissant, réjouissant, culturel et familial ; on souhaite que les touristes anglais reviennent enfin à Calais voir le monstre alors que les exilés qui voulaient se rendre en Angleterre ont constitué une monstruosité qu’il fallait surtout rendre invisible aux Calaisiens autant qu’aux Anglais ; et l’on rêve que les enfants enfin s’amusent avec les familles à l’exhibition de ce monstre qui cachera le passé dénié et la monstruosité refoulée d’une ville qui ne voulait rien voir de ce qu’il se passait sous ses yeux.

Un dragon ne suffit pas pour réactiver l’imaginaire infantilisant chargé de faire oublier la « jungle » et le rejet des exilés. L’inversion ne peut être accomplie qu’à condition de dresser une stèle aux héros de la Culture : Marvel et Mangas sont les dieux des sociétés de consommation. Alors à la lande des dunes où vécurent dans un héroïque dénuement des dizaines de milliers de migrants dont des milliers d’enfants non accompagnés et livrés à eux-mêmes et aux trafics les plus odieux, on substituera l’Heroïc Land, un parc dit d’attraction, autre déclinaison du parc, parc à thèmes et défouloir pour les enfants d’un monde déréalisé. Rien de tel pour ne plus voir, pour ne pas voir, pour ne plus jamais revoir, que de ne voir que cela, les héros imaginaires de vies fantasmées comme autant d’écrans cachant les vies des êtres infâmes que l’on avait parqués dans la lande des dunes. Un clip video présente cet Heroïc Land à venir à quelques kilomètres de la lande des dunes. Il est juste atterrant.

L’autre manière de faire disparaître le visible est de faire comme s’il n’avait pas eu lieu ou mieux, de faire en sorte qu’aucune trace ne subsiste qui pourrait nous rappeler qu’autre chose a eu lieu que l’actuel lieu de divertissement.

     3. De l’effacement des crimes et du nettoyage des mémoires

Les journalistes ont parfois des bonheurs d’expression. L’un d’eux, dans La Voix du Nord ((23/10/17, p. 42) écrit que l’anniversaire du démantèlement de la « jungle » de Calais aura été « fêté à coup de pelleteuses ». Il y eut en effet des pelleteuses pour détruire les abris des exilés le 24 octobre 2016 ; d’autres pelleteuses aujourd’hui détruisent les bâtiments du Centre Jules Ferry où trouvèrent refuge quelque temps les exilées. Ainsi, comme le dit si bien Fabien Sudry, préfet du Pas-de-Calais, « la page de l’accueil des migrants est tournée. » Y a-t-il jamais eu « accueil des migrants » à Calais ? Certainement pas de la part de l’État ou de la ville. Que signifie que cette page « est tournée » ? Elle signifie l’effacement de ce qui a eu lieu, là, pendant dix-huit mois, l’effacement de dizaines de milliers de vies vécues là, entre souffrance et bonheurs, détresses et promesses, l’effacement d’une civilité et d’une urbanité refusées et déniées. L’effacement de l’histoire de Calais que Calais comme l’État ne surent ni comprendre ni accueillir.

Le Centre Jules Ferry fut un centre de loisir, il accueillit pendant cinquante ans, de 1965 à 2015, familles et enfants. Ce fut pendant un an et demi un refuge pour des milliers d’exilés, ce que l’on nomme officiellement une « mise à l’abri ». Aujourd’hui les pelleteuses ont commencé de détruire les bâtiments qui seront, dit le préfet, « effacés » et « rendus à la nature ». Effacement de la civilité déniée par restitution à la nature vierge de toute histoire

Pourquoi convient-il d’effacer les traces des exils, d’effacer toutes les traces de ce qu’il s’est passé là, les traces de ce qui s’est édifié, inventé, ou de ce qui s’est éprouvé. Pourquoi Calais, et le département, et la région et la nation devraient-ils effacer leur histoire ? Serait-ce un effacement des crimes commis, comme le firent les Nazis avec les camps d’extermination ? On ne peut hélas s’empêcher de songer, en voyant l’actuelle lande des dunes, aux images que nous montrait Claude Lanzmann de paisibles prairies ou forêts là où avaient été édifiés les camps de la mort. Nulle volonté dans ce rapprochement d’amalgamer des situations à jamais différentes, au moins par leur contexte politique et leur signification humaine. Mais il se trouve que c’est ce que voit celle ou celui qui aujourd’hui s’approche de cette paisible dune restituée à la nature, parce que sa propre mémoire est à jamais informée des images de Shoah. Ce qu’on retient, c’est aussi le souci d’un effacement qui comprend jusqu’au souvenir de ce qui ne fut pas fait, ou mal fait de la part de la ville, du département, de la région, de l’Etat, et qui signe l’échec de ces gouvernements, leur incapacité à mener une politique d’accueil, leur renoncement à la politique que sanctionne leur refus de l’hospitalité.

Que faut-il non seulement oublier, mais enfouir ? Que faut-il confier à la nature pour qu’elle recouvre de sa force vitale ces autres forces vitales qui ici, en cette lande, furent admirables autant que détestables ? Y aurait-il lieu, car c’est de lieux qu’il s’agit, de lier l’enfouissement des déchets radioactifs à Bure dans la profondeur de la terre à l’enfouissement des immondices de la « jungle » sous une couverture d’herbes sauvages et de coquelicots ? Dans les deux cas, c’est à la fois la production de l’immonde que l’on enfouit et avec elle le souvenir de cette production. Aux humains à venir, l’humanité n’aura rien légué de ce qu’elle fut et fit ni avec le nucléaire ni avec les exilés ; car elle l’aura caché, honteusement. Et Calais redeviendra ville heureuse et glorieuse en accueillant, à la place refoulée des exilés meurtris, les touristes argentés et frivoles qui consomment en souriant les spectacles décérébrants de dragons et des espèces qui sont annoncées suivre : iguanes et varans ! Car il faut que Calais oublie dans les mondes animaux et végétaux artificiellement reconstruits les duretés et les joies de celles et ceux qui risquèrent leur vie pour vivre librement et crurent trouver à Calais une issue à leur détresse et une récompense à leur témérité. Mais pour eux, aucun bourgeois n’aura été prêt à se sacrifier.

Le devenir rêvé de Calais est un cauchemar : une ville modelée sur le paradigme Dysneyland s’efforçant contre tout principe de réalité d’oublier sa singularité — d’être une porte d’entrée et non seulement de sortie pour l’Angleterre — ; sa dignité — d’être le lieu élu des exilés fuyant la misère et la haine qui croient y trouver accueil — ; son hospitalité — d’être le caravansérail de l’Europe, une ville refuge, une ville havre, une ville à venir qui relie l’île britannique au continent européen. En choisissant les dragons, les iguanes et les varans, en choisissant les coquelicots et les oiseaux de passage, en choisissant les héros d’une infantile persistance, en choisissant la distraction et le divertissement et en confiant à la nature le soin de recouvrir son histoire, Calais est le symbole d’une société qui croit pouvoir fuir dans la consommation de masse l’aveuglement et la détestation auxquels elle a cédé. Le symbole d’un monde qui ne croit plus aux mondes et à celles et ceux qui les font exister.

Pourtant, entre la maitrise du passé – que l'on veille à refouler et faire disparaître – et celle du futur – que l'on modèle selon le rêve supposé d'une société du divertissement – il aurait été possible de simplement faire véritablement l'expérience du présent et de mesurer à quel point Calais a pu être, pendant un temps qui n'est pas encore complètement achevé, la nouvelle capitale d'une jeunesse européenne active, pensante et innovante. Durant des semaines et des mois, jeunes anglais, belges, français, espagnols...  sont venus remplir les auberges, les hôtels et les cafés ; ont remis les chauffeurs de taxi au travail en leur faisant faire des dizaines d'allers-retours entre la « jungle » et la « ville » ; ont pu préférer, aux stations balnéaires diverses, la ville de Calais pour venir y passer leurs weekends et congés. Nouvelle capitale de l'hospitalité, ville jeune, dynamique, peuplée par des idées nouvelles et des gestes de solidarité qui, plus que de charité, témoignent avant tout d'un monde en train de se faire à la croisée des mondes, d'une cosmopolitique qui ne peut que se nommer aussi une xénopolitique. C'est sur ce rêve là qu'il nous faut tenir, un rêve qui n'a rien d'un fantasme mais qui s'est tissé du fil des expériences et qui constitue la réalité contemporaine que nous nous fabriquons, nous et les autres, les autres avec nous, bien plus que ce que d'autres nous assignent et nous imposent comme étant « notre rêve d'avenir » : une start up nation dont les places publiques n'ont plus d'autres nom que parcs d'attractions.

 Camille Louis et Etienne Tassin 

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