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Palerme. le 2...... 1950. Alors que je quittais mon hôtel à pied pour me rendre dans un musée qui se trouvait dans la vieille ville, je discernais sur ma droite une ouverture improbable qui donnait sur une immense esplanade cernée par d'imposants hangars aux yeux vides. Au milieu de cette étonnante étendue en plein cœur de la ville était posée, telle une cerise, une misérable baraque de pizza en tôle aux couleurs acidulées. Je voulus prendre une photo. Je n'en eu pas le temps. Une voiture américaine aux vitres fumées arriva en soulevant des tonnes de poussière. La voiture s'éloigna vers un des hangars. Le conducteur se gara de telle façon que le coffre arrière de son véhicule fit face à une minuscule porte de fer. De loin je vis le conducteur descendre de sa voiture. Il ouvrit la petite porte de fer, puis le coffre arrière et se mit à charger "des choses". Quelles choses chargeait cet homme? J'étais bien trop loin pour pouvoir le discerner. Je me sentis tout à coup comme un intrus. Je rangeai mon appareil photo et pour tenter de donner une raison à ma présence, je vins m'asseoir sur l'unique tabouret de bar de la baraque à Pizza. La tronche du pizzaiolo, cet improbable espace, l'imposante voiture aux vitres fumées, ce chargement mystérieux, tout collait. J'étais dans un film. En grand large, en Panavision. Le chargement terminé, l'homme déplaça sa voiture puis vint vers nous. Il marchait d'un pas d'une lenteur inquiétante. La chaleur devenait suffocante. Il arriva à ma hauteur. Ses lunettes noires étaient sans regards. Il frappa à la vitre de la baraque. Le pizzaiolo qui venait d'enfourner sa pâte dans le four se retourna. Visiblement ils se connaissaient bien. Ils papotèrent en italien. Le serveur ouvrit son four de briques rouges, me tendit ma portion de pizza. Je n'avais plus faim. Je me sentais de trop. J’aurais aimé être ailleurs. Et si j'étais tombé sur des trafiquants. Si le conducteur m'avait vu avec mon appareil photo. Je pris tout à coup conscience de mon isolement. Et s'il me prenait pour un flic qui venait foutre son nez dans leurs petites affaires. Je tendis un billet, je n'attendis pas ma monnaie. Je repartis sans me retourner. Je sentis sur mes épaules une pression terrible. Dès que j'eus disparu de leur angle de vue, je me mis à courir comme un dératé pendant je ne sais combien de temps. Alors que je m'arrêtais pour reprendre mon soufle, j'entendis des cris de rage magnifiques. Je reconnus sa voix. Pier était donc vivant.