Billet de blog 11 avril 2009

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Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

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Education, la France un mauvais élève

  Les dernières mesures du Ministre de l’Education nationale éloigne la France des « buts de l’éducation » énoncés par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies :

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Les dernières mesures du Ministre de l’Education nationale éloigne la France des « buts de l’éducation » énoncés par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies :

§ 9: L'éducation doit également avoir pour but de veiller à ce que chaque enfant acquière les compétences essentielles à la vie et qu'aucun enfant n'achève sa scolarité sans avoir acquis les moyens de faire face aux défis auxquels il sera confronté au cours de sa vie. Les compétences essentielles ne se limitent pas à la capacité de lire, écrire et compter, mais consistent également en compétences propres à la vie, soit la capacité de prendre des décisions rationnelles, de résoudre les conflits de façon non violente et de suivre un mode de vie sain, d'établir des liens sociaux appropriés, de faire preuve du sens des responsabilités, d'une pensée critique, de créativité et d'autres aptitudes donnant aux enfants les outils leur permettant de réaliser leurs choix dans la vie.

(…)§12 : Il convient de souligner que le type d'enseignement qui vise essentiellement à accumuler des connaissances, incitant à la rivalité et imposant une charge excessive de travail aux enfants risque d'entraver sérieusement le développement harmonieux de l'enfant dans toute la mesure de ses dons et de ses aptitudes. (…)§15 :L'éducation dans le domaine des droits de l'homme devrait consister à faire connaître la teneur des instruments relatifs aux droits de l'homme. Néanmoins, les enfants devraient également faire l'apprentissage des droits de l'homme en constatant l'application dans la pratique des normes dans ce domaine, tant dans la famille qu'à l'école et au sein de la communauté(…)§18 :La mise en oeuvre effective du paragraphe 1 de l'article 29 nécessite un profond remaniement des programmes scolaires pour tenir compte des divers buts de l'éducation, et une révision systématique des manuels scolaires et des matériaux et techniques d'enseignement, ainsi que les politiques en matière scolaire. La méthode qui consiste uniquement à superposer au système existant les buts et les valeurs énoncés dans l'article sans tenter d'apporter des changements plus profonds est clairement inappropriée. Les valeurs pertinentes ne peuvent être intégrées efficacement dans les programmes d'enseignement et être ainsi adaptées à ces programmes que si les personnes qui doivent les transmettre, les promouvoir et les enseigner et, dans la mesure du possible, les illustrer, sont elles-mêmes convaincues de leur importance. Ainsi, il est essentiel de mettre en place, à l'intention des enseignants, des gestionnaires de l'éducation et d'autres responsables de l'éducation des enfants, des plans de formation avant l'emploi et en cours d'emploi, permettant de promouvoir les principes énoncés au paragraphe 1 de l'article 29.
Quatre points flagrants : 1. Hiatus entre le Socle commun et les programmes 2008La loi d’orientation et de programme de l’école d’avril 2005 proclame comme mission essentielle du système éducatif français d’assurer la réussite de tous les élèves, de mieux garantir l’égalité des chances et de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes. En juillet 2006, un décret établit « le socle commun de connaissances et de compétences » qui apparaît dans le code de l’éducation. Les programmes d’enseignement devront s’y adapter.Si dans le texte, le Socle commun affiche une certaine ambition de connaissances et de compétences, les différentes circulaires et les derniers programmes de 2008 ne permettent pas à tous les enfants et les jeunes d’acquérir ce socle commun.En effet, le socle commun vise pour tous « de saisir la complexité du monde, de prendre sa place dans la société et de participer à ses évolutions » et les programmes de 2008 ne le permettent pas. En effet, ils se focalisent sur le « lire-écrire-compter » en simplifiant et morcelant à l’inverse de la transversalité et de la pluridisciplinarité indispensables à l’accès à la complexité et en choisissant l’empilement des connaissances. Ce centrage sur le « lire-écrire-compter » se fait qualitativement mais aussi quantitativement puisque le volume horaire consacré aux autres domaines regroupés sous le terme « culture humaniste » diminue avec la suppression de deux heures d’enseignement par semaine. Certaines pratiques, notamment artistiques et culturelles sont externalisées et confiées à des « partenaires » locaux. Ces pratiques ne faisant plus partie de l’enseignement obligatoire, deviennent inabordables pour toute une partie de la jeunesse : différences territoriales, sociales, culturelles... Le fossé culturel entre les enfants se creuse davantage.Les évaluations nationales jalonnant la scolarité portent essentiellement sur les mathématiques et le français. 2. L’éducation aux droits de l’homme, de l’enfant, au droit et à la citoyennetéL’éducation à la citoyenneté s’est réduite à l’instruction civique qui avait disparu des programmes de l'école primaire depuis plus de cinquante ans. L'accumulation passive de connaissances, dispensées par des leçons, ne peut remplacer la pratique quotidienne de la citoyenneté par une participation active et responsable des enfants aux différents moments de leur vie scolaire, aux espaces de débats démocratiques, avec l’élaboration des règles collectives pour vivre et travailler ensemble. Les droits de l'enfant sont exclus à la fois des connaissances et des pratiques. Les journées nationales de sensibilisation ou de commémoration proposées, sont insuffisantes pour responsabiliser les enfants et permettre la formation de citoyens. 3. Des mesures de discrimination positive qui risquent fort de tourner en défaveur des élèves en difficultéPour les réseaux « ambition réussite » regroupant les établissements ayant une population d’élèves en grande difficulté, des établissements situés dans les quartiers périphériques des villes, il y a augmentation de moyens. Cependant le nombre d’établissements s’est réduit depuis 2005, laissant un nombre important d’écoles, de collèges et de lycées en souffrance. Seuls les meilleurs élèves de ces établissements « ambition réussite » pourront poursuivre des études supérieures. Etre scolarisé dans un établissement de quartier « difficile » offre peu de chances de réussite scolaire. Peu d’entres eux pourront acquérir le Socle commun.L’assouplissement de la carte scolaire permet à certaines familles de changer d’établissement, mais pour la majorité des familles des quartiers populaires, la proximité de l’école reste une priorité, voire une obligation : moyen de transport, coût de la restauration méridienne ….Cette mesure privilégie les familles initiées et socialement favorisées.Pour les élèves en difficulté, un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) peut être mis en œuvre. C’est un dispositif qui ne devrait pas exister en soi, puisqu’il devrait être inhérent aux démarches d’enseignement : la personnalisation des apprentissages. Souvent, c’est un constat tardif et négatif avec des remédiations thérapeutiques ou rééducatives et une responsabilisation de l’échec renvoyée à la famille et à l’enfant. Ceci est en contradiction avec l’estime de soi et la confiance en soi.Depuis 2008, le temps possible de scolarité n’est plus le même pour tous. Les deux heures d’enseignement supprimées sont proposées par l’enseignant aux familles des enfants en difficulté en soutien scolaire. Ces heures seront ajoutées au temps commun, cette surcharge de travail scolaire se fera au détriment des activités culturelles ou sportives pratiquées pendant ce temps par les autres enfants. Des stages de rattrapage sont également proposés pendant les vacances scolaires aux élèves des deux dernières années de primaire en difficulté. Ces deux mesures sont discriminatoires et renforcent l’inégalité scolaire. Au collège, un dispositif d’initiation aux métiers en alternance est proposé aux jeunes (DIMA). Pendant une année scolaire ils reçoivent une formation en alternance tout en poursuivant les acquisitions du socle commun. Dans la réalité, ce choix est proposé aux jeunes en grande difficulté qui quitteront le circuit scolaire à 16 ans. Moins d’école pour eux, moins de temps pour acquérir les connaissances et compétences attendues. Ce dispositif est également discriminatoire.

4. La formation des enseignants

Les IUFM, instituts universitaires de formation disparaissent. Si le niveau universitaire demandé pour accéder au professorat augmente (de Bac + 3 à Bac + 5), la formation spécifique, pédagogie, didactique et psychologie enfantine, n’existe plus. Elle sera remplacée par le compagnonnage lors des premiers mois d’enseignement. Alors comment ces jeunes professeurs pourront-ils exercer des méthodes d’enseignement fidèles à la conception de l’éducation énoncée dans la Convention ainsi qu’aux buts de l’éducation cités au paragraphe 1 de l’article 29 ? L’année 2008 représente un recul de l’ambition de l’éducation pour tous. La scolarité obligatoire avec les nouveaux programmes et les différentes mesures ne donnant pas à tous la possibilité d’acquérir les compétences essentielles qui ne se limitent pas au seul « lire-écrire-compter » mais également à celles qui permettent de comprendre le monde, à celles qui permettent de faire preuve d’esprit critique, de créativité, celles propres à la vie en société, enfin toutes les aptitudes donnant aux enfants les outils permettant de réaliser leurs choix dans la vie.La politique éducative mise en œuvre est inégalitaire : les réussites et les échecs scolaires sont davantage reliés aux origines sociales des élèves. Les enfants des quartiers défavorisés sont et seront de plus en plus scolarisés dans les mêmes établissements, les différentes mesures de soutien et de rééducation scolaire renforçant encore davantage les inégalités culturelles. La mixité sociale dans les lieux d’éducation est compromise.

L'année 2009, la France au rapport !

La France sera auditionnée le 26 mai 2009 à Genève pour rendre compte de ses actes vis à vis de la Convention des Droits de l'enfant.DEI-France (Défense des Enfants International) a élaboré un rapport alternatif avec la participation et/ ou le soutien d’autres ONG (AFMJF, ANAFE, ATD, Quart Monde, FCPE, France Terre d’Asile, ICEM pédagogie Freinet et OCCE), rapport qu’elle a remis au début de novembre 2008 au Comité des Droits de l'Enfant des Nations Unies. Pour lire le rapport : http://www.dei-france.org/rapports/2008/index_rapport2008.html

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