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Billet de blog 2 janvier 2023

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Droit de mourir dans la dignité : un combat humaniste, laïque et juste

La Ligue de l'enseignement a signé une tribune sur le droit de mourir dans la dignité.

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Une Convention citoyenne sur la fin de vie a été lancée en décembre dernier. Son  pilotage a été confié au Conseil économique, social et environnemental. Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, membre du CESE,  préside le Comité de Gouvernance. Françoise Sturbaut, présidente de la Ligue de l'enseignement, et Jean-François Chanet, vice-président en charge de la diversité, de l'égalité et de la laïcité, ont signé la tribune ci-dessous, intitulée "Droit de mourir dans la dignité : un combat humaniste, laïque et juste". 

Illustration 2

Les combats laïques sont multiples et touchent à la fois à la liberté des individus et à l’égalité des citoyens. Ils trouvent racine dans l’idéal d’émancipation humaine, collective comme individuelle, et se nourrissent de l’autodétermination. Nulle conscience enfermée dans les affres des déterminismes, cadenassée par un chemin imposé dès l’enfance ou étouffée par des pressions communautaires n’est libre et ne peut réaliser de véritables choix. Outre une simple séparation organique des Églises et de l’État, le principe de laïcité, qualifiant notre cadre républicain français dès l’article premier de notre Constitution, s’inscrit aussi et surtout dans un processus antérieur à la loi de 1905. Il remonte à la logique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le long processus de laïcisation du droit qui en découle agit ainsi en France, au moins symboliquement, comme une sorte d’effet cliquet sur de nouveaux droits modifiant certaines normes dont le seul fondement était d’essence morale religieuse. De l’égalité du droit de vote à la légalisation de l’avortement, de celle du divorce au mariage pour tous, de la liberté des funérailles au choix du patient de refuser un traitement dans les étapes les plus importantes de sa vie privée, un processus de laïcisation s’est opéré au profit du choix de la personne. La multiplication des libertés dans la vie personnelle du citoyen s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui sans rien enlever à ceux qui décident légitimement de continuer à s’imposer des règles religieuses tout aussi personnelles. Ces « respirations laïques » n’ont pas de tabou et doivent bénéficier au citoyen jusqu’à son dernier souffle. C’est ainsi que nous nous engageons pour le droit de mourir dans la dignité car il est un combat laïque.

Combat laïque d’abord, car il s’agit de permettre à chacun, en fin de vie et en grande souffrance, de faire un choix qui suppose une conscience libre et éclairée. La question ne devient intime que lorsque ce choix est possible et qu’il est encadré par la loi. Elle est donc d’abord une question publique avant de devenir une question personnelle. Même dans la mort, aucun objecteur de conscience, quelle que soit la nature de son refus, n’a légitimité pour assujettir l’ensemble des consciences à un dogme qu’il jugerait vrai, indérogeable et inviolable. Si la République laïque doit assurer la liberté de conscience de chacun, elle doit assurer cette liberté de la conscience humaine sans paternalisme.

Combat laïque ensuite, car les visions de la mort dans notre société, si elles sont le résultat d’une histoire très complexe, aussi universelle que singulière, doivent beaucoup aux représentations qu’en ont faites les cultes. Depuis des mois d’ailleurs, différents responsables religieux font entendre leur voix sur ce sujet. Qu’ils expriment la position de leur Église dans notre démocratie pluraliste est leur droit le plus légitime, mais qu’ils se prévalent de leurs croyances pour tenter d’empêcher ce débat, d’interdire l’échange à coup d’anathèmes et de menacer nos institutions au nom de leur foi, est inacceptable. La seule ligne rouge du législateur en la matière est fixée par notre bloc de constitutionnalité, seul verrou qui permet de dire que la volonté des représentants du peuple aurait pu franchir une ligne infranchissable. Aucune croyance n’a ici légitimité à entraver la reconnaissance d’une liberté individuelle nouvelle.

Combat laïque enfin, car il respectera la conscience de chacun, patient comme médecin. Tout comme le combat pour l’IVG, une telle pratique ne pourra être imposée à quiconque. Ni au soignant qui bénéficie d’une clause de conscience, encore moins à l’individu lui-même qui ne peut faire un tel choix qu’en fonction de sa volonté. Le double visage de la dignité est ainsi préservé par une telle avancée. La dignité subjective qui permet à l’individu de fixer ce qui est digne pour lui-même selon sa conscience ; la dignité objective qui fondera les critères d’accès à ce droit et qui en réservera la jouissance aux personnes en fin de vie.

Signataires de ce texte, la diversité que nous représentons dans le champ de la question purement laïque ne manquera pas d’être soulignée. Pourtant, dans ces controverses entre différentes sensibilités qui se réclament de ce principe républicain, l’espace d’un instant, il nous apparaît décisif de nous unir pour un combat que nous estimons éminemment humaniste, laïque et juste : le droit de mourir dans la dignité.

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