
Comme on le sait l’anachronisme est la pire faute de l’historien. Joël Cornette, dont les travaux sur l’Ancien régime français font autorité, n’y sombre jamais. Il est un directeur de collection particulièrement actif, chez Champ Wallon, Armand Colin, et Belin pour la collection « Mondes anciens » dont la quinzaine de volumes parus a assuré la qualité. Un des derniers en date est intitulé « L’Amérique du Nord. De 25.000 ans avant notre ère au XIX° siècle ». Il complète l’imposant « L’Amérique latine précolombienne. Des premiers peuples à Tupac Amaru » dû à l’historienne et anthropologue Carmen Bernand. Le volume consacré à l’Amérique du Nord a été rédigé par l’archiviste et paléographe Jean-Michel Sallmann. Il est tout aussi imposant que le précédent : avec treize chapitres, 400 pages et autant d’illustrations, un atelier de l’historien décryptant le métier à partir de l’étude de la tribu Cahokia (oies sauvages), de l’œuvre de Georges Catlin, le fameux peintre des Amérindiens, et de celle de leur représentation dans le cinéma américain. Des annexes comprennent une chronologie, un glossaire, des sources, des cartes et un index. Voilà qui met en appétit !
Et le lecteur ne sera pas déçu. C’est dans une véritable redécouverte que Jean-Michel Sallmann nous entraîne. Les Amérindiens furent ainsi nommés par le géographe et explorateur américain John Wesley Powell en 1899. Celui-ci est connu pour avoir condamné les représentations négatives qui les affectaient (et qui perdureront dans une partie de la population) et pour avoir décrit avec honnêteté et respect leurs cultures. Dans ses pas et au fil du livre, nous revoyons toute l’histoire de ces centaines de tribus au cours des siècles. De l’origine sibérienne jusqu’au XIX° siècle où leur destin bascule vraiment. Ce sont des chasseurs cueilleurs. Certains se sédentarisent autour de villages, d’un artisanat (vannerie, céramique…) et de l’agriculture (maïs, tabac, tournesol…). Leur conception du monde animiste mue avec l’influence des Olmèques d’Amérique centrale. Le ciel, la terre et le monde souterrain représentés respectivement par un oiseau, un jaguar et un serpent composent le cosmos tel qu’ils le conçoivent. Les sacrifices humains et l’anthropophagie, courants chez les Aztèques, sont beaucoup moins pratiqués par les Indiens des plaines.

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L’évolution des cultures et des peuples amérindiens face aux colonisations espagnole, française et anglaise sont relatées par le menu. Plusieurs chapitres détaillent cette histoire pleine de bruit et de fureur tout en respectant les règles de description des faits et en évitant les anachronismes. La population amérindienne est estimée à environ un million de personnes. Conséquence des guerres et des épidémies, elle était d'environ 40.000 au début du XIX° siècle. Des coureurs des bois aux métis canadiens du XIX° siècle, les relations interethniques sont exposées. Elles ne se limitent pas à la fameuse Pocahontas dont la véritable vie est relatée. En s’appuyant sur l’archéologie scrutant des sites comme celui de Bluefish dans l’actuel Canada, l’auteur nous amène jusqu’à la geste héroïque de Sitting Bull, célébrissime chef de guerre sioux, à la fois ami de Buffalo Bill et soutien du mouvement païen la « Danse des Esprits ».

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La photo de Sitting Bull figure en bonne place ainsi qu’un grand nombre d’autres documents. Les plus étonnants sont sans aucun doute les statuettes humaines retrouvées dans l’actuel Oklahoma, les peintures murales évoquant la supernova de 1054, les pétroglyphes représentant des chevaux (un gibier qui a disparu vers moins 4000 ans pour être réintroduit comme monture lors de la conquête)… et bien sûr la centaine de gravures, peintures et photos dues aux artistes européens dont plusieurs furent fort heureusement des défenseurs des peuples amérindiens.
Film 25 production propose en ligne des vidéos réalisées bénévolement, dont de nombreuses sur les cultures amérindiennes.