Les inégalités de genre sont très importantes en France. Du point de vue économique, elles constituent la discrimination la plus systématique, qui traverse toutes les classes sociales. Ces inégalités sont encore aggravées par la crise.
Le tableau dressé dans "Déchiffrer la société française" par Louis Maurin, journaliste à Alternatives économiques et directeur de l’Observatoire des inégalités, est sans appel. A l’école le taux de réussite des filles est supérieur à celui des garçons. On compte notamment 69,4 % de bachelières pour 57,8 % de bacheliers. Mais, dès avant le bac, l’orientation est déterminante. Les filles se retrouvent dans les filières littéraires ou médico-sociales, moins rentables scolairement et économiquement. A l’université, les filles représentent les trois quart des étudiants en lettres, et les garçons les trois quart des étudiants en sciences.
L’emploi est encore plus discriminant. Le taux d’activité des hommes est de 74,5 %, celui des femmes de 65 %. On estime à 2,6 millions le nombre des femmes « inactives » (selon le vocabulaire de l’INSEE) non étudiantes de moins de 55 ans. On le sait : le statut de femme au foyer est plus souvent une contrainte qu’un choix de vie. Les emplois qui leur seraient accessibles sont peu intéressants tant du point de vue de la rémunération que de l’épanouissement. Parmi les 1,1 millions de salariés en temps partiel contraint, 890.000 sont des femmes. Elles représentent 80 % des travailleurs pauvres.
Toutes professions confondues, les femmes touchent en moyenne des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes. A poste équivalent, 10 % de moins. Le fait que les carrières des femmes soient souvent chaotiques, entrecoupées de naissances d’enfants, avec des salaires moindres et des recours fréquents au temps partiel, a des conséquences directes sur leur retraite. Elles perçoivent en moyenne un montant de 30 % inférieur à celui perçu par les hommes.
Les inégalités hommes-femmes sont les plus importantes et les plus systématiques
Selon le Conseil économique et social, 58 % des emplois de la fonction publique sont occupés par des femmes. Mais seulement 12 % des 7.800 postes les plus élevés. Cette proportion baisse encore à 7 % pour l’enseignement supérieur et la recherche. Le même plafond de verre se retrouve dans le monde de l’entreprise : des femmes dirigent 19 % des entreprises de moins de dix salariés, 14,5 % des entreprises de celles qui ont entre dix et 200 salariés et 8 % des entreprises de plus de 200 salariés. Les équipes dirigeantes des 80 plus importantes entreprises françaises comptent 5,5 % de femmes.
Le monde politique n’est guère plus glorieux. Il a fallu attendre 2007 pour que la part des femmes à l’Assemblée nationale atteigne à peine 18,5 %, et 2008 pour que celle des sénatrices soit de 20 %. On constate toutefois une évolution remarquable au niveau des conseillères municipales : 48 % (mais 8 % des maires), des conseillères régionales : 47,6 % (mais une seule présidente pour 22 régions) et des députées européennes : 43 %. Dans le monde politique comme dans le monde économique, un constat reste incontournable: il est insuffisant d’afficher une orientation –laborieuse- vers la parité dans hautes sphères tout en laissant se dégrader la situation des femmes les moins favorisées.
La vie quotidienne est également instructive. Même quand les deux époux travaillent, ce sont les femmes qui assurent l’essentiel du travail ménager et de l’éducation des enfants. L’expression « double-journée » correspond à une réalité massive. Les choses ont si peu évolué qu’elles justifient la plaisanterie classique « Entre aujourd’hui et il y a dix ans, la grande différence c’est que les hommes croient qu’ils participent plus ». Selon le ministère de l’emploi, c’est seulement dans 13 % des couples que les hommes s’investissent vraiment. La vie quotidienne peut également être marquée par la violence. Selon Amnesty international, plus de 50.000 femmes sont violées en France chaque année, et près de 250 meurent sous les coups de son conjoint.
L’ampleur et le caractère systématique des inégalités entre hommes et femmes restent trop souvent sous-estimés. La défense des droits des femmes et la lutte contre les préjugés sexistes ont tendance à être reléguées au second plan. Il nous appartient de les mettre au cœur de l’agenda politique.
Charles Conte
Article paru dans "Idées en mouvement", le mensuel de la Ligue de l'enseignement: