Depuis mai 2005, le juge italien Luigi Tosti, magistrat nommé au tribunal de Camerino (région des Marches) refusait d’instruire des procès dans la salle d’audience où se trouvait un crucifix accroché au mur.
Le 18 novembre de la même année, il est condamné à sept mois de prison et à un an d’interdiction de fréquenter les salles d’audience ! Le Conseil supérieur de la magistrature avait de son côté suspendu son traitement. La présence de crucifix dans les tribunaux était imposée par une circulaire de 1926, signée par le ministre fasciste Rocco. Cette circulaire a été invalidée en 2000 par la Cour de Cassation qui stipulait que « les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, de race, de langue ou de religion ». Une campagne internationale de soutien au juge Tosti fut lancée. Fin de ce long et éprouvant feuilleton judiciaire : le juge Tosti vient d’être acquitté par la Cour d’appel de l’Aquila.

Les relations entre les Eglises et l’Etat italien
L’unité nationale italienne, le fameux Risorgimento (Résurrection) s’est construite en mettant fin aux Etats pontificaux. Elle se termine par l’annexion de la ville de Rome en 1870. Héritière de la Rome antique, du conflit complexe entre guelfes, partisans de l’Eglise, et gibelins, partisans de l’Empereur germanique, constituée suivant le modèle de la Révolution française, l’Italie moderne naît par l’action de républicains anticléricaux dont l’exemple le plus fameux est Giuseppe Garibaldi. Le roman " Le Guépard " de Giuseppe di Lampedusa, porté à l’écran par Luchino Visconti, décrit bien cette période décisive. Refusant le fait accompli, le pape et ses successeurs se considèreront comme " prisonniers " au Vatican et refusent la loi des garanties qui assurait, sans territoire, une existence officielle à l’Eglise. C’est en 1929 que Benito Mussolini signe avec la papauté les Accords (ou Pacte) du Latran, qui comprenaient un traité politique créant l’Etat de la Cité du Vatican, une convention financière au profit de ce nouvel Etat et un concordat, traité international entre le Vatican et l’Etat italien. Il faut bien distinguer cet Etat et le Saint Siège qui une instance internationale habilitée notamment à signer des traités (dont les concordats). C'est, par exemple, avec le Saint Siège que la République française a rompu (en 1904) puis repris (en 1921) les relations diplomatiques.

En 1947 une nouvelle Constitution est adoptée. Elle déclare dans son article 7 " l’Etat et l’Eglise catholique indépendants et souverains " tout en intégrant les Accords du Latran avec l’aval du Parti communiste alors puissant. L’article 19 de la Constitution stipule " Chacun a le droit de professer librement sa foi religieuse, sous quelque forme que ce soit, individuelle ou collective, d’en faire propagande et d’en exercer le culte en privé ou en public, pourvu qu’il ne s’agisse pas de rites contraires aux bonnes mœurs ". En revanche le " blasphème " est interdit par le Code pénal (article 724). Les Accords du Latran ont été revus en 1984. Ils affirment " Les principes du catholicisme font partie du patrimoine historique du peuple italien " sans qu’on puisse distinguer s’il s’agit d’un constat ou d’une prescription.
Cette révision précise que l’Etat continuera l’enseignement de la religion dans les écoles publiques. Cet enseignement est contrôlé par l’Eglise mais est censé ne pas être prosélyte. Il peut faire l’objet de dispenses. Il existe un enseignement confessionnel, relativement faible, qui touche environ 7 % de la population scolaire, surtout dans les classes maternelles. Le ministre de l'Intérieur a évoqué la question des écoles privées dispensant des cours en arabe le 5 janvier 2007. Il a souhaité qu'un "contrôle de l'Etat soit exercé sur le personnel employé par ces écoles, afin de vérifier notamment l'application des "critères de qualité". Des propositions et des polémiques sont nées autour du port de signes religieux, qui reste libre.
Le ministre de l'Intérieur s'est également prononcé en janvier 2007 pour un meilleur contrôle du financement de la construction des mosquées. Il a avancé l’idée d’une Fondation qui contrôlerait la provenance et l'utilisation des fonds. Le mariage religieux (catholique, vaudois…) a valeur civile. Le divorce est possible depuis une loi de 1970. C’est à l’occasion du vote de cette loi que la Cour constitutionnelle a donné la priorité aux normes constitutionnelles sur les normes concordataires. Toutefois des crucifix décorent les salles d’écoles et de tribunaux. Le juge Luigi Tosti avait entamé son combat contre cette présence depuis 2005.
Les contribuables peuvent attribuer 0,8 % de leur revenu imposable à l’Etat ou à une confession religieuse de leur choix. La moitié des contribuables n’exprime aucune préférence mais, d’office, huit pour mille de leur impôt est également prélevé et réparti au prorata du huit pour mille de ceux qui ont indiqué un destinataire. L’Eglise catholique étant désignée comme bénéficiaire par 36 % des contribuables, elle reçoit 72 % du montant général, soit plus d’un milliard d’euros. L'Eglise est également exemptée du paiement de la taxe foncière pour ses activités considérées comme ayant un caractère commercial, telles que l’hébergement des pèlerins. C’est sur cette situation que la Commission européenne a procédé à une demande d’informations auprès du gouvernement italien, en faisant état d’une suspicion de « distorsion de concurrence ».
Sur la base de l’article 8 de la Constitution, les cultes peuvent conclure des " intese " (ententes) avec l’Etat. C’est le cas pour les minorités protestante et juive. Les associations musulmanes n’ont pas réussi à se fédérer pour se voir reconnaître une légitimité de représentation. Des divisions nationales subsistent, la nouvelle génération émerge à peine et si les Italiens convertis sont très actifs, ils sont parfois coupé de la base. Aucune entente avec le culte musulman n’a été conclue à ce jour.
Source: Portail laïque de la Ligue de l'enseignement