
En 2013, Reporters Sans Frontières publiait un rapport documenté intitulé : « Blasphème : l’information sacrifiée sur l’autel de la religion ». Il reprenait notamment l’inventaire fait par le Pew Research Center, un centre de documentation statistique américain. Selon celui-ci, 94 pays sur 198 sont dotés d’une législation réprimant le blasphème, l’apostasie ou la diffamation des religions. Évidemment le taux d’application de ces lois est variable suivant les époques et les gouvernements. Mais, dans douze pays, la condamnation à mort est toujours possible.

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La critique des religions, de ses fondements comme de ses accointances politiques, a une histoire plus complexe qu’on ne le croit souvent. La légitimité à les exprimer est incontestable, y compris sous forme de caricature ou de satire. Ce droit est au cœur du débat rationnel permanent indispensable à la vie de toute démocratie. Chacune et chacun est libre d’y participer. Il est difficile d’entendre ses convictions intimes être contestées. Le recours à l’interdit est tentant, facile. « Brûler n’est pas répondre », objectait Desmoulins à Robespierre pendant la Terreur. Cette difficulté n’est pas que celle des tenants d’une religion ou d’une autre. Il n’est pas rare d’entendre des personnes finalement favorables à une certaine censure… à conditions que ce soient des amis à elles qui tiennent les ciseaux ! Nous pouvons toutes et tous être heurtés dans nos engagements les plus profonds. Il faut l’assumer et il faut reconnaître que ce n’est pas toujours facile. Il faut savoir répondre à celles et ceux qui peuvent aussi se sentir offensés pour d’autres raisons que les nôtres dans le cadre d’un échange rationnel collectif. Celui-ci est garanti par la laïcité de la République. « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement » affirmait Rosa Luxembourg.

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Nous devons être à la hauteur de la liberté que nous revendiquons avec force et vigueur. Face à l’offensive actuelle, nous avons à réaffirmer nos libertés en soulignant qu’elles sont celles de toutes et de tous. Pour cela nous devons non seulement veiller au respect du droit libéral en vigueur, mais aussi le revisiter pour identifier les dispositions existantes par lesquelles ces libertés sont mises en cause sous les prétextes les plus divers. Rien n’est jamais définitivement acquis… Depuis plusieurs années, la centaine d’organisations laïques militantes rassemblées dans l’ONG Humanists International défend la liberté d’expression en matière religieuse. Elle publie un rapport annuel sur la liberté de penser et organise un International Blasphemy Rights Day chaque 30 septembre. Ne serait-il pas temps d’en préparer une version française en rassemblant les organisations laïques françaises pour le 30 septembre 2024 ? Et surtout de l’étendre à tous les domaines ? Une façon positive d'Etre Charlie !

La liberté d’expression est la condition impérative du fonctionnement démocratique, du progrès scientifique, de la création artistique. Elle garantit la clarté des décisions des électeurs et des citoyens élus. Elle est indispensable aux échanges intellectuels entre chercheurs. Associée à la liberté de création qui en est une des formes, elle est essentielle dans le monde des arts et des lettres. La liberté d’expression est le fruit d’un combat multiséculaire, toujours recommencé. La grande loi républicaine du 29 juillet 1881 affirme : « L'imprimerie et la librairie sont libres ». Ce principe fut restreint dès l’époque où il fut adopté. Sachons le préserver et le réaffirmer. La liberté d’expression ne se divise pas. Il existe une Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai. La Journée du 30 septembre la conforte en insistant sur la liberté de penser.
Les Cahiers rationalistes, publiés par l'Union rationaliste, ont publié un article "Pour la libre critique des religions" dans le n° 687 Novembre-Décembre 2023.
POUR LA LIBRE CRITIQUE DES RELIGIONS