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Billet de blog 23 avril 2021

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Censure & Cinéma en France

Les Editions LettMotif publient la revue « Darkness » consacrée à la censure des films. Son dernier numéro a pour titre « Censure & Cinéma en France ». Il réunit avec impartialité une série d’articles qui font le tour du sujet.

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« La censure au cinéma n’est plus institutionnelle, assurément. Dorénavant elle est communautariste, offerte à tous via les réseaux sociaux. Les appels au boycott et les pétitions peuvent en un instant influencer des milliers de spectateurs, les investisseurs et les diffuseurs… Peu importe sa forme et ses modes d’action, car les objectifs de la censure sont toujours les mêmes : modifier, réviser, déboulonner, empêcher, effacer ». Ce constat peut étonner, tant la censure des films fut l’apanage des Etats. Il émane d’un des meilleurs experts, Christophe Triollet, auteur de « Le contrôle cinématographique en France » Editions L’Harmattan.  

Depuis plus de trente ans, Christophe Triollet se bat pour la liberté cinématographique. Son fanzine « Darkness » est cultissime chez les cinéphiles. Depuis 2012 un blog aux publications précises et régulières l’accompagne. On en trouve l’écho sur un compte Twitter. En 2018, Jean-François Jeunet accueille « Darkness » en tant que collection  dans sa maison d’édition LettMotif. Elle se présente sous la forme d’une élégante revue thématique de 450 pages.  Sont parus les numéros consacrés à « Gore & violence » ; « Sexe et déviances » ; Politique et religion » ; « Vidéos nasties » ; « Homosexualité ». Le sixième numéro étant « Censure & Cinéma en France ».

La censure cinématographique est placée sous la haute main de l’Etat. Présentant la trentaine de contributions au numéro, Christophe Triollet rappelle son histoire et donne une chronologie des textes et de la jurisprudence. C’est Clémenceau qui ouvre le bal avec l’interdiction de la diffusion de séquences d’exécution de condamnés à mort en 1909 pour éviter la compassion éventuelle. Les actualités resteront longtemps sous surveillance. Un texte sur les révisions de ses propres contenus par Netflix clôt, pour l’instant, cet inventaire, assorti de 50 pages de « brèves censoriales » qui détaillent par le menu tentatives, succès et échecs des censeurs.  

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Nymphomaniac Interdit aux moins de 18 ans

C’est la question du visa d’exploitation en salle qui est au cœur du numéro. Elle est minutieusement décryptée du point de vue historique et juridique. Elle a connu bien des péripéties relatées en détail. Aujourd’hui, c’est une commission spécifique composite (administration, professionnels, experts…)  qui recommande la classification d’un film pour tous publics (90 % des films) ou assorti d'une interdiction aux mineurs de 12 ans, de 16 ans ou de 18 ans. Cette commission peut proposer un « classement X » (terme non juridique) pour les films à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Et même interdire totalement un film. Ce qui n’est pas arrivé depuis 1980.  C’est le ministre de la culture qui tranche en dernière instance. Et le visa est délivré par le Centre national du cinéma et de l’image animée. Cette classification restreignant le public potentiel a bien sûr des effets économiques importants.

« Darkness » se veut impartiale. Quatre anciens présidents, et la présidente actuelle de la commission de classification, Françoise Tomé, donnent leurs points de vue. De même que le président de l’association « Promouvoir » qui a remporté des succès avec des recours contre les films « Baise-moi », « Ken Park », « Quand l’embryon part braconner », « Saw3D », et même de ceux d’un auteur comme Lars von Trier, « Nymphomaniac » et  « Antichrist »… La plupart des contributions plaident pour la liberté d’expression. Le contrôle cinématographique semble anachronique alors que tous les autres médias sont libres.

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Le Fonds du 11 janvier a été créé après l'assassinat des caricaturistes de Charlie Hebdo

Jean-François Théry, auteur de « Pour en finir une bonne fois pour toute avec la censures », fut membre de la commission durant 20 ans dont 13 ans président. Il analyse finement cette longue histoire. Notamment la mutation technologique qui a deux caractéristiques. D'une part les images fixes ou mobiles sont désormais disponibles partout et pas seulement en salle. D'autre part les professionnels n’ont plus le monopole de leur production. Le système de classification est devenu inefficace. Jean-François Théry conclut: « Il faut renoncer à la méthode du permis/défendu et mettre en œuvre les ressources du droit souple et des bonnes pratiques ». Nous dirons : éduquer à l’image comme le fait la Ligue de l’enseignement.

Une toute autre voie est suivie aux USA. Le 8 septembre 2020 l’Académie des Oscars a modifié les règles de sélection permettant de concourir dans la catégorie du meilleur film. Introduisant en particulier des quotas ethniques pour les choix des professionnels, acteurs, directeurs artistiques, équipes de marketing, de publicité et/ou de distribution et régentant l’histoire, le thème ou le récit principal du film. Cette stratégie d'une institution vitrine du marché du cinéma américain laisse dubitatives celles et ceux qui sont engagés de longue date dans la lutte contre les discriminations et les racismes. D'autant plus que les mises en scène pittoresques organisées en France lors des Césars laissent supposer un certain suivisme. Ce n’est plus seulement une censure, contre la liberté d’expression. C’est la liberté de création qui est remise en cause. Nous sommes à l’heure du choix…

Une autre édition de la Ligue de l'enseignement sur Médiapart:

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Les Cercles Condorcet accompagnent la vie intellectuelle et militante des fédérations départementales de la Ligue de l'enseignement, grand mouvement d'éducation populaire laïque. Une cinquante de Cercles rassemblent environ 2.000 personnes. 
Ils animent une édition sur Médiapart Ne manquez pas de la consulter !

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