Selon le Comité international de la Croix rouge, le nombre de conflits armés a triplé depuis vingt ans. Anne-Cécile Robert rappelle d’emblée ce fait dans son dernier livre « Le défi de la paix. Remodeler les organisations internationales » (Editions Armand Colin). Face à ce drame, elle propose de reconsidérer le rôle des organisations internationales, en particulier celui de l’Organisation des Nations Unies. Elle évoque leur « charme discret » et trop souvent sous estimé ou mal compris. Par son ampleur et sa précision, cet ouvrage est un solide manuel de géopolitique, dont la lecture est de plus agréable parce que claire.
Héritier d’un grand mouvement philosophico-politique né en Europe, l’ONU est à la fois un point d’aboutissement en 1945 et un point de départ, jusqu’à nos jours. Depuis la Révolution française, et le concert européen qui l’a suivi, la diplomatie a mué et les organisations internationales (OI) spécialisées et généralistes se sont multipliées. La liste de quatre pages de sigles données en fin d’ouvrage suffit à la démontrer. L’appétit utilitariste des Etats pour les OI n’épuise pas leur nécessité. Leur action est réelle et les peuples en bénéficient.
L’ONU est la matrice de centaines d’OI, génératrices d’actions positives concertées et grandes pourvoyeuses d’aide humanitaire. Elle va bientôt fêter ses 80 ans. C’est le 25 juin 1945 que sa Charte est signée à l’Opéra de San Francisco. Son Assemblée générale, son Conseil de sécurité, son secrétaire général et la Cour internationale de justice constituent des institutions qui tentent de définir des règles du jeu international humanistes. Le principal objectif de l’ONU, entre idéalisme et réalisme, est le règlement pacifique des conflits entre Etats. Il sera méprisé bien des fois par les grandes puissances : les Etats Unis avec l’invasion de l’Irak en 2003, la Russie avec l’attaque de l’Ukraine en 2022… Cette impuissance relative n’est pas totale.
L’intérêt des peuples est de maintenir vivantes et plus efficaces l’ONU et les OI. La naïveté n’est pourtant pas de mise. Les OI sont parfois instrumentalisées. En leur sein même le « deux poids, deux mesures » est constaté. Les pays occidentaux condamnent à juste titre les crimes de la Russie en Ukraine. Par contraste les reproches adressés à Israël paraissent timides aux yeux des pays du Sud. Les millions de morts en République démocratique du Congo ou les dizaines de milliers de victimes du terrorisme islamiste au Sahel ne reçoivent pas la même attention. L’ingérence est parfois le masque de la volonté de puissance.
Enfin Anne-Cécile Robert analyse la nouvelle configuration mondiale : « L’Occident ne détient plus les clés de la modernité. Pour les OI cela signifie concrètement que leur mode d’organisation faire une place plus juste à tous les continents et civilisations mais aussi que les valeurs partagées en 1945 doivent être réévaluées à l’aune d’autres sources civilisationnelles sans pour autant faire exploser le consensus fondateur ». Tel est le défi actuel. Le maintien des valeurs fondatrices, certes d’origine européenne mais bénéfiques pour tous, doit s’accompagner de la construction d’un véritable multilatéralisme. Malgré des échecs ou des insuffisances, les Organisations internationales jouent un rôle important pour l’humanité. Il justifie notre considération et notre soutien.