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En 2013 le romancier et réalisateur Guillaume Nicloux tourne une nouvelle version de « La religieuse ». Tourné en décors naturels et dans des monastères en Allemagne et dans l’Ain, avec des actrices de qualité telles que Pauline Étienne, Isabelle Huppert et Louise Bourgoin, cette nouvelle œuvre est une réussite. ARTE l’a programmée sur sa chaîne, et offert en accès libre sur son site du 25 janvier au 23 février. Au-delà du drame humain, ce film réaffirme la légitimité d’une libre critique des religions.

Selon Gallica, qui propose l’ouvrage en ligne (également disponible en livre de poche), « La religieuse » de Diderot est née d'une mystification. En 1760, pour faire revenir de sa province son ami le marquis de Croismare, Diderot lui écrit en prétendant vouloir secourir Suzanne Simonin, une jeune religieuse enfermée au couvent contre son gré. Ce genre d’abus n’était pas rare. La plaisanterie tourne court, mais Diderot s’en inspire : « Je vais à tire-d'aile, ce n'est plus une lettre, c'est un livre. Il y aura là-dedans des choses vraies, de pathétiques… Je laisse aller ma tête ». Vingt ans plus tard il constate : « Je ne crois pas qu'on ait jamais écrit une satire plus effrayante des couvents ». D’abord diffusée en feuilleton, l’œuvre sera publiée après la mort de Diderot en 1796. Elle reste un classique littéraire et un hymne à la liberté.

En 1966, un des piliers de la Nouvelle Vague, le critique et réalisateur Jacques Rivette, propose une adaptation cinématographique : « Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot » (disponible en version restaurée Blu-ray/DVD) . Avec Anna Karina et Micheline Presle, le film marque d’autant plus qu’il fait l’objet d’une tentative de censure. Des pressions émanant de congrégations religieuses féminismes appuyées par des hommes politiques amènent le secrétaire d'Etat à l'information, Yvon Bourges, à interdire la distribution du film en France et son exportation à l’étranger. Le scandale est énorme. Les milieux artistiques sont unanimes et se mobilisent. Le « manifeste des "1 789" » recueille des signatures dans tous les milieux politiques et même de membres du clergé. Ce film fait partie des quatre analysés par l’anthropologue Jeanne Favret-Saada dans « Les Sensibilités religieuses blessées. Christianismes, blasphèmes et cinéma, 1965-1988 » (Fayard, 2017).
Les libertés d’expression et de création ne se divisent pas…