Billet de blog 7 janvier 2013

Le Printemps des Poètes

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Vénus Khoury-Ghata, présentée par le peintre Serge Bouvier

Dans son dernier recueil "Où vont les arbres ?", Vénus Khoury-Ghata nous livre un implacable procès de la guerre. C’est beau, c’est fort, cela transpire néanmoins d’espoir en sachant « que nous n’avons pas cessé de mourir » !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans son dernier recueil "Où vont les arbres ?", Vénus Khoury-Ghata nous livre un implacable procès de la guerre. C’est beau, c’est fort, cela transpire néanmoins d’espoir en sachant « que nous n’avons pas cessé de mourir » !

Dans un bref avertissement, Vénus nous dit qu’elle a renoncé à la prose pour raconter son pays incendié, le Liban, par quinze années de guerre. Le poème l’a emporté et c’est tant mieux pour nous.

L’arbre, les arbres vont être au fil d’une lecture envoûtante, nos compagnons de misère. La mère, les enfants nous hantent et le poème imprègne une telle force que nous sommes haletants. Les saisons nous accompagnent et la guerre est là en filigrane oppressant. Pas de militantisme incantatoire, pas de lyrisme échevelé mais seulement, et c’est beaucoup, des incandescences sourdes et froides.

Les métaphores apparemment simples sont inattendues et notre logique est battue en brèche. La mère, n’est-ce pas la terre du Liban ?, nous désarçonne. Rien n’est sur-écrit. Nous partageons les affres traversés par ce pays et la lecture que je me suis plu à reprendre maintes fois nous laisse mots et cailloux dans la gorge.

Vénus nous livre des constats glaçants émaillés d’images qui traversent les poèmes avec à la fois préciosité et réalisme qui vont au-delà de l’effroi de la quotidienneté de la guerre. Au hasard, elle nous souffle : « la mère voulait vendre ses enfants mais aucun chemin n’en voulait ». Vénus Khoury-Ghata nous livre un implacable procès de la guerre. C’est beau, c’est fort, cela transpire néanmoins d’espoir en sachant « que nous n’avons pas cessé de mourir » ! Lecture d’un trait, lecture furtive voire verticale, lecture au hasard des pages, vous pouvez tout tenter. Les arbres vous garrottent et vous en sortirez plus forts, plus vrais. Vous sortirez de la gangue de l’entre soi, vous quêterez la beauté dans la noirceur de la peur.

« nous étions ce qui n’était plus alors qu’on nous croyait identiques

à nous-mêmes

réversibles par temps d’humidité

que notre progéniture était succession de cailloux et nous autres

fracture dans la continuité

viendra un jour où personne ne viendra en nous

ni ne tournera le loquet de notre écorce

que nous tomberons des pages avec les mots » … page 65

Poèmes ancrés à une terre, poèmes universels et intemporels pour éviter le rapetissement qui nous guette.

Par Serge Bouvier

La photo est une encre de Chine et aquarelle de Serge BOUVIER.

"Où vont les arbres ?" de Vénus Khoury-Ghata, Mercure de France, 2012

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