Billet de blog 6 mars 2010

Cedric Sanchez
Abonné·e de Mediapart

«Soirée Marine» pour les frontistes d'Ile-de-France

Dîner de famille mardi 2 mars pour les militants FN de la région. Le père en campagne, c’est Marine Le Pen qui était « invitée d’honneur » du banquet, entourée des têtes de liste Ile-de-France. Et décidément, la « Marine nationale » fait recette auprès des frontistes locaux.

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Dîner de famille mardi 2 mars pour les militants FN de la région. Le père en campagne, c’est Marine Le Pen qui était « invitée d’honneur » du banquet, entourée des têtes de liste Ile-de-France. Et décidément, la « Marine nationale » fait recette auprès des frontistes locaux.

Il ne manquait plus que le sable. Dans cette grande salle kitsch du XVe arrondissement de Paris, tout donnait l’impression qu’on était sur une plage de Bora Bora. Les palmiers, le bruit des fontaines, les lumières en guise d’étoiles et même la température à 25° ont transporté les quelques 500 personnes présentes sous les tropiques le temps d’un soir.

Pourtant, il était bien question, en principe, de l’Ile-de-France à ce « grand dîner régional » organisé par le Front national. Une autre idée de l’exotisme. Mais plus que la politique, c’était une occasion pour tous les militants locaux de se retrouver, de discuter avec leurs têtes de liste et, surtout, de voir Marine Le Pen.

Le clou de l’évènement, c’était elle. Dès son arrivée, environ trois-quarts d’heure après l’heure de rendez-vous, une autre atmosphère envahissait la salle. Un vent d’excitation. A l’entrée, les quelques caméras de journalistes venus suivre l’évènement l’accueillent, les convives s’enflamment. « Marine ! Marine ! », entend-on de tous les côtés, et même un « ah, voilà notre Marine nationale ! ». Les flashes crépitent, la vedette est arrivée : le show peut commencer.

Le discours d’introduction est fait par le régional de l’étape, Ludovic de Danne, tête de liste à Paris. Au pupitre, entouré d’une vingtaine de drapeaux tricolores, il présente et chante les louanges de l’invitée d’honneur et de ses principaux colistiers. Dont Micheline Bruna, tête de liste dans le Val-d’Oise, « qui fera face au pitoyable Ali Soumaré ». « A elle, son casier judiciaire est vide » rassure-t-il son public. Une par une, il vante les mérites de toutes les têtes de liste régionales. Et d’une deuxième de liste, l’inévitable Marion Maréchal-Le Pen, petite-fille du président du parti, « ravissante étoile montante du mouvement ».

Place aux victuailles : un tartare de saumon, suivi d’une aumônière d’agneau. Et place aux questions existentielles, car les tracts à l’entrée expliquent qu’avec le Front national, « les Français [seront] premiers servis ». Etant donné que presque tout le monde est français ici, par où commencer ?

Les invités sont attablés par fédérations départementales. Deux exceptions : la table « VIP » où siège la future présidente du FN, entourée de Marie-Christine Arnautu, tête de liste régionale, et de sa nièce Marion. Et la table « presse », où a échoué une adolescente adhérente au FNJ (Front national de la jeunesse), faute de place. Par chance, elle sera sauvée entre l’entrée et le plat principal par son petit ami, qui a accouru en valeureux prince charmant.

A peine les fourchettes posées, les choses sérieuses commencent. Les enceintes font exploser une Marseillaise remixée façon dernier film de Steven Spielberg. C’est la guerre ? Non, mais presque. C’est l’heure du discours de Marie-Christine Arnautu, très offensif. Surtout quand il s’agit de ses adversaires écologistes (voir encadré). Mais puisqu’on est en famille, elle en profite pour souhaiter un joyeux anniversaire à deux des militants présents. En oubliant l’une d’entre elles : Micheline Bruna, sa tête de liste dans le 95. Erreur vite réparée avec une embrassade.

Ensuite, c’est Marine Le Pen qui investit le pupitre, au moment où arrive sur toutes les tables le dessert. La salle a les yeux braqués sur la tête de liste Nord-Pas-de-Calais, hormis les quelques gourmands obnubilés par leur sorbet. Le discours est classique, un état des lieux de la France et de « l’anomie » qui y règne. Une prestation longue de trente-cinq minutes, mais pas assez pour endormir ses fans, qui pour la plupart se lèvent et scandent encore des « Marine ! Marine ! ». Puis le traditionnel hymne national, chanté à l’unisson par les participants. Sauf trois journalistes restées assises, qui se feront regarder de travers pendant toute la chanson par une demi-douzaine de militantes de la table voisine.

Fin officielle, mais on reste papoter avec les amis et se faire prendre en photo avec l’égérie du parti. Les gens font même la queue pour poser devant la caméra avec elle, ou pour avoir un cliché officiel (retouché) dédicacé. Dans une moindre mesure, Marion Maréchal-Le Pen aussi est très demandée, et nombreux sont ceux qui viennent l’encourager ou la féliciter. « C’est rare de voir une fille aussi ravissante en politique » vient lui souffler un admirateur d’une quarantaine d’années, le regard séducteur.

A la sortie, deux personnes tiennent un drapeau français en guise de panier de la quête, où les convives ont laissé pièces et billets. Un rappel ironique des difficultés financières du parti.

Cedric Sánchez

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Marie-Christine Arnautu contre "les schtroumpfs verts"

A force d’entendre toujours taper sur les mêmes, l’électeur frontiste aurait pu se lasser. Bien sûr Marie-Christine Arnau tu réserve une petite pique à « la gouvernance régionale UMPS », accusée de voter comme cul et chemise. Mais la nouveauté, c’est le véritable lynchage verbal à l’encontre d’Europe Ecologie.

Dans les premières minutes du discours, paf, elle s’attaque à « la grande arnaque du réchauffement climatique », citant Claude Allègre. Après avoir évoqué le sujet majeur frontiste, à savoir l’insécurité, la tête de liste francilienne se met à parler d’écologie, « le fer de lance de ces dictateurs déguisés en schtroumpfs verts ». La métaphore schtroumpfesque est quelque peu obscure, mais c’est un succès de salle, surtout lorsque Marie-Christine Arnautu se met à « décrire l’avenir » proposé par les Verts.

Un avenir plutôt chaotique, décryptage :

« Vous serez interdits de voiture » : simplificateur, mais classique.

« Vos propriétés seront réquisitionnées pour les sans-papiers » : un doux amalgame Rouges-Verts, efficace à l'applaudimètre, mais d'une incongruité assez notoire. Ne renvoie à aucune mesure citée dans le programme d'Europe-Ecologie, même de loin.

« Vos enfants seront élevés par la collectivité » : tiens, un appel à l’imaginaire hippie.

« Vous vous éclairerez à la bougie » : oui, bon, pas très original.

Et le clou du spectacle : « Pour supporter tout ça, vous aurez quand même le droit de fumer du cannabis, qui sera en vente libre ». Éclat de rire généralisé.

Marie-Christine Arnautu devient plus sérieuse et s’approprie les idées écologistes, qui auraient « leurs racines dans le mouvement national ». Et de fustiger ces écologistes alter-mondialistes qui encouragent la globalisation, « la disparition des frontières », alors qu’« un véritable écologiste devrait se battre pour que la production se fasse au plus près ». Au plus près, c’est-à-dire en France. Et c’est là que se dessine le lien entre idées écolos et extrême droite. Un renouvellement de la rhétorique frontiste, qui elle aussi se met à surfer sur la tendance développement durable. A suivre.

Plana Radenovic

Jusqu'au 21 mars 2010, 13 étudiants en journalisme du Celsa couvrent la campagne des élections régionales en Ile-de-France. Retrouvez tous nos articles sur notre site :PariRegionales.fr

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