Billet de blog 20 févr. 2010

Lucile Chevalier
étudiante à l'IJBA
Abonné·e de Mediapart

Aquitaine: les 5 trucs d'Alain Rousset

Pourquoi le président sortant ne peut pas perdre.

Lucile Chevalier
étudiante à l'IJBA
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourquoi le président sortant ne peut pas perdre.

Leçon n° 1: Son costume sur mesure

« Patron de la région, ça lui va comme un gant », décrète une ancienne collaboratrice. Et ministre ? "Il en aurait les capacités. Mais objectivement, non! »

Alain Rousset, en 2007, se voyait déjà un maroquin entre les mains. Au côté de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle, il se mettait sur les rangs. Le 6 mai, Sarkozy à l'Elysée, l'espoir de portefeuille s'envole...A-t-il loupé le coche ? « Pas vraiment, ils étaient très nombreux sur le coup. Pour peser nationalement, il faut avoir du charisme, du talent, de l'ambition et un espace politique. Alain Rousset n'avait rien de tout ça », analyse Renaud Dély, chef du service politique de l'hebdomadaire Marianne.

A contrario, « il a le profil type pour être président de région ». Et dès lors qu'il s'agit d'Aquitaine, une pluie de louanges s'abat sur lui : « L'Aquitaine c'est son sang, il la rêve » (une collaboratrice), « C'est un candidat 100% région. L'Aquitaine, il la vit nuit et jour » (Alain Anziani), « l'Aquitaine, c'est son bébé » (Philippe Dorthe). «Alain entretient une relation charnelle avec l'Aquitaine. Il l'aime », renchérit Ludovic Freygefond. On ne peut pas lui contester non plus sa bonne gestion des affaires. « Il est très impliqué dans les dossiers, un grand technicien. Il n'aime pas l'à-peu-près », poursuit le premier secrétaire fédéral. Des aptitudes professionnelles incontestées grâce auxquelles il tacle son principal adversaire Xavier Darcos à coups de citations d'experts, de chiffres, et d'études.

Leçon n° 2 : le staff

Pour cette campagne, Alain Rousset retourne aux sources, et s’appuie sur des vieux de la vieille.

Alain Anziani sénateur, le chef d'orchestre. Le directeur de campagne fait partie du premier cercle d'Alain Rousset.Formés à la même école, les cabinets Labarrère et Madrelle, on les appelle avec Gilles Savary et François Deluga, les 4 mousquetaires. Alain Anziani, c'est Athos, le sage. Premier secrétaire fédéral de Gironde pendant 14 ans (plus long mandat depuis la guerre), il est l'homme de l'expérience, connaît l'évolution des rapports de forces, et apporte le recul nécessaire à Alain Rousset. Son rôle est de donner le rythme de la campagne.

François Deluga, le pitt-bull. « Deluga, c'est la réplique », le définit Anziani. Le député de La Teste est dans l'action. Il joue les attaquants de l'équipe, tacle l'adversaire, et encourage Rousset à sortir les dents. Lors du débat à l'IEP le 28 janvier dernier, il soufflait au candidat de trancher sur l'affaire Frêche.

Ludovic Freygefond, le relais auprès des militants. Directeur de sa communication politique, il traduit le parler entreprises d'Alain Rousset pour lui donner une couleur socialiste. Premier secrétaire fédéral, il a largement participé à la constitution des listes, une liste plus ouverte aux militants et respectant scrupuleusement les différents courants présents dans le département. Plus jeune que le reste de l'équipe, il fait partie de la relève.

Isabelle Boudineau, la gardienne de l'image. Ancienne directrice de cabinet d'Alain Rousset à la CUB, elle fait dans cette campagne office d'attachée de presse. Intermédiaire entre Rousset et les médias dont il se méfie, Isabelle Boudineau soigne l'image de son candidat.

Jean-Jacques Corsan, le faire-valoir rural. Dans un staff de campagne plutôt urbain, Jean-Jacques Corsan, 13e sur la liste et président de la Communauté de Communes Coeur de Médoc fait office de rat des champs. Il met en lumière une des facettes de Rousset, le chasseur proche de la nature, qui élève des moutons dans la vallée d'Aspe.

Leçon n° 3 : les discours

« Au meeting, son discours était très ancré à gauche », s'enthousiasme Philippe Dorthe. Exit l'image du VRP des entreprises? « L'économie et l'industrie ont toujours été ses marottes depuis son passage à Elf Aquitaine où il avait pour mission l'industrialisation du bassin de Lacq. Mais il a toujours été profondément à gauche. Il l'assume enfin », confie une proche. Le discours ne fait pourtant pas le moine : l'innovation et l'emploi restent ses thèmes principaux de campagne. A charge pour Ludovic Freygefond d'expliquer aux fédérations et aux électeurs qu'être pour l'innovation n'est pas être contre les services publics, thème si cher à la gauche.

Leçon n° 4 : le tempo

17 juin 2007, Alain Rousset s'offre le fauteuil de député de la 7e circonscription de Gironde. Tous les regards se tournent vers lui. Ses proches le pressent : et pourquoi pas la mairie de Bordeaux. Rousset hésite, mesure le pour, le contre, et se décide un peu tard à y aller. « La campagne était mal ficelée. On n'était au courant de rien. Les militants n'ont jamais été consultés pour la création des listes. Je me demandais même s'il voulait vraiment gagner » se rappelle une militante bordelaise depuis 20 ans, encore désabusée de cette aventure, qui s'est soldée par la cuisante défaite au premier tour du candidat PS. Même rancœur chez ses collaborateurs politiques, " Alain est trop hésitant, il prend beaucoup de temps pour prendre une décision, confie une proche, et des fois ça le perd, comme pour les municipales. Il a trop attendu. »

« La campagne de 2010 est l'antimodèle de celle de 2008. », estime Jean Petaux, politologue et grand gourou des plateaux de télé. De lèvre, Alain Rousset est devenu tortue et a appris à partir à temps. Il prend même une longueur d'avance en publiant ses listes le premier. Il en va de même pour son programme, présenté à la presse le 8 février dernier alors que quelques kilomètres plus loin, Jean Lassalle, tête de liste Modem n'en est qu'à présenter ses listes.

Leçon n° 5 : Son avenir

« En tant que président de l'Association des régions de France (ARF), il pèse sur tous les ministères. En cas d'alternance en 2012, Alain figure sur la short list des ministrables », prévoit Philippe Dorthe. La région, un tremplin ? Selon Renaud Dély, « la région n'est pas la meilleure des institutions. Mieux vaut une grande ville ou une circonscription pour accéder aux médias nationaux ». La région est une institution jeune, et les frontières de ses compétences sont encore trop modestes pour interpeller l'opinion. Seuls 30% des Français connaissent leur président de Région (40% des Aquitains) nous apprend un sondage LH2 pour la presse régionale et France Bleu. Mais les médias ne sont pas faiseurs de rois, pas besoin de passer sur TF1 pour être ministre. « Il a l'oreille du monde de l'entreprise,et il connaît extrêmement bien les dossiers économiques. Cela lui ouvrira des portes », pronostique une proche. Rousset rêve de politique nationale. Ses proches et les élus girondins lui ouvrent tout grand la porte du placard régional.

Texte Lucile Chevalier et Clémence Pierre. Photo de Jérôme Perrot.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte