Billet de blog 8 juillet 2025

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L’instrumentalisation de l’immigration, entre opportunisme électoral et populisme

Dans le débat politique français, l’immigration est souvent moins une réalité à comprendre qu’un outil pour faire campagne. Derrière certains slogans se cache une véritable instrumentalisation.

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Dans le débat politique français, l’immigration est souvent moins une réalité à comprendre qu’un outil pour faire campagne. Derrière certains slogans se cache une véritable instrumentalisation.

Depuis 2022, la question migratoire est revenue en tête de l’agenda politique, alors qu’elle avait cédé la place dans les préoccupations des Français à des problèmes tels que le dérèglement climatique, la guerre en Ukraine, le retour de l’inflation, ou les conditions de travail. Et quand Jordan Bardella dit qu’un “refoulement systématique” des bateaux de migrants qui arrivent sur les côtes européennes est une nécessité pour la sécurité nationale, il lance la machine de l’instrumentalisation politique de l’immigration. L’instrumentalisation, au sens strict, consiste à traiter une réalité ou un groupe humain comme un simple outil au service d’un objectif extérieur.

La logique d’instrumentalisation est donc effective dans les discours du Rassemblement national : l’immigration n’est plus abordée comme une réalité sociale ou humanitaire, mais comme un problème à évacuer Le terme « refoulement systématique » évoque une réponse mécanique, autoritaire et surtout déshumanisée. Si l’on s'intéresse (même de manière superficielle) à la politique, on entend forcément parler de l’immigration. Ce sujet devenu capital à la scène politique actuelle est très connoté. Mis en avant notamment par l'extrême droite qui prône une politique très sévère en matière d’immigration, il est maintenant une des principales motivations du vote des Français (d’après les statistiques de l’IPSOS).

Lors des campagnes – notamment aux présidentielles en 2017 et 2022, et en 2024 pour les européennes avec Jordan Bardella –, le RN a mis l’immigration au coeur de son discours, liant systématiquement ce thème à l’insécurité, le chômage, la perte d’identité nationale, ou encore au terrorisme. Marine Le Pen déclarait régulièrement vouloir "stopper l'immigration massive" et instaurer la "priorité nationale", des slogans ensuite martelés sur CNEWS et BFMTV, une stratégie de saturation et de terreur qui explique la peur de l’immigration qui grandit dans l’opinion publique. Depuis Jean-Marie Le Pen, cette volonté de parler d’immigration à tort et à travers engendre un lourd décalage de la fenêtre d'Overton et donc un déplacement du débat public.

Il y a des années, il semblait irréaliste et politiquement incorrect d'affirmer clairement une volonté d'“immigration zéro” ou de “priorité nationale”. Maintenant c’est une des mesures sur lesquelles l'extrême droite rassemble le plus de soutien. On peut donc maintenant se demander quels sont les effets de cette instrumentalisation. Pour commencer, on note une forte déshumanisation des personnes migrantes qui sont réduites à des chiffres ou des menaces. Pourtant si l’on se penche sur le sujet, on comprend facilement que les raisons de départ sont liées à des facteurs complexes et multifactoriels et non à une volonté d’installer un “grand remplacement” ou des idéologies islamistes.

Des conflits, des inégalités d’accès à l’éducation et à la santé ainsi qu’entre les sexes, des lois et sociétés répressives ou inhumaines (l’homosexualité reste illégale dans plus de 62 pays, la polygamie est légale ou tolérée dans de nombreux pays, ce qui engendre des règlements de comptes intrafamiliaux, et des structures familiales de maltraitance/non-respect des droits de l’enfant) sont les principales raisons de départ et ne sont pas toutes comptées comme rentrant dans le droit d’asile.

De plus, il est difficile pour un adolescent non accompagné arrivant d’un voyage traumatisant et ne parlant pas français de faire les démarches administratives lui permettant de ne pas être en illégalité sur le sol français à sa majorité. On voit aussi une forte volonté de détournement de l’attention. Focaliser le débat sur un thème précis (ici la question migratoire) permet de ne pas apporter de réponses sur d’autres problèmes comme le logement, la santé, l’écologie ou la situation géopolitique actuelle. En conclusion, on voit que l’utilisation de l’immigration comme outil de terreur ne sert qu’à cacher l’échec des politiques européennes de lutte contre la migration clandestine, qui sont sources de violences, souffrances et morts dans les routes migratoires et aux frontières. Et on oublie de mettre en avant tous les aspects positifs de l’arrivée des personnes migrantes dans nos sociétés, notamment en termes de mixité culturelle, de force de travail et de contribution à la durabilité de notre système social.

Sources : Mediapart, IPSOS, infoMIE, Migrinter, Observatoire de la migration de mineurs, IC migration, CIMADE

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