Billet de blog 8 juillet 2025

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Quand les océans s’assombrissent : un phénomène qui inquiète les scientifiques

Une récente étude publiée dans le magazine Global Change Biology nous alerte d’un phénomène préoccupant : l'assombrissement des océans. Cet assombrissement a un impact inquiétant sur la biodiversité marine puisqu’il est à l’origine d’une réaction en chaîne qui impactera durablement notre capacité à lutter contre le réchauffement climatique.

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Une récente étude publiée dans le magazine Global Change Biology nous alerte d’un phénomène préoccupant : l'assombrissement des océans.

Au cours des 20 dernières années, 21 % des océans – soit l’équivalent de l’Europe, de l’Afrique, de la Chine et de l’Amérique du Nord réunies – se sont assombris. Cet assombrissement a un impact inquiétant sur la biodiversité marine puisqu’il est à l’origine d’une réaction en chaîne qui impactera durablement notre capacité à lutter contre le réchauffement climatique. 

À l’aide de données satellites de la NASA, combinées à des modélisations sophistiquées, une équipe de chercheurs a démontré que 21 % des océans ont perdu en clarté entre 2003 et 2022, témoignant d’un changement extrêmement brutal. Cette tendance, qui avait d’abord été associée aux régions côtières, s’étend jusqu’aux grands océans, notamment dans le nord-est de l’océan Atlantique et le nord-ouest du Pacifique. Des changements importants ont été observés dans les régions les plus touchées par le changement climatique.

Une zone photique menacée, quel impact écologique ?

La zone photique correspond à la zone en surface des océans par laquelle pénètre la lumière à travers l’eau, permettant ainsi la photosynthèse, soit la production de dioxygène par les algues et autres végétaux photosynthétiques. À mesure que la lumière pénètre moins profondément dans les océans, la zone photique tend à s’affiner. Les chercheurs ont observé un rétrécissement de cette dernière de plus de 50 mètres dans 90 % des zones océaniques, alors même qu’elle abrite 90 % de la vie marine. Il s’agit d’un danger important pour le phytoplancton, à la base de presque toutes les chaînes alimentaires, qui se développe essentiellement dans la zone photique et voit son espace vital se réduire peu à peu. La diminution de cette espèce marine nous confronte à un autre problème majeur, puisque le phytoplancton produit la moitié de l’oxygène de la planète, y compris celui que nous respirons. Il est également pertinent de souligner que la nuit, même si le niveau de lumière est plus faible qu’en journée, ce faible éclairage reste vital pour les espèces marines. Il a un impact conséquent sur la vie de certaines espèces marines, particulièrement sensibles aux changements même subtils des niveaux de lumière.

Origine de cet assombrissement

Les causes évoquées par les scientifiques sont complexes et diffèrent selon qu’il s’agisse des zones côtières ou des zones océaniques. De fait, en zone côtière, le ruissellement agricole causé par la saturation des sols entraîne un écoulement des engrais et des pesticides utilisés dans les cultures.

Ainsi, lors des précipitations extrêmes souvent aggravées par le réchauffement climatique, ces produits, chargés en nutriments et en sédiments, sont entraînés vers les littoraux. Cela favorise la prolifération du phytoplancton et des algues qui absorbent d’avantage de lumière et participent ainsi à réduire la zone photique. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les régions pratiquant l’agriculture intensive.

En zone océanique, le changement climatique est également mis en cause. Le réchauffement des eaux de surface, les changements dans la circulation des courants et les modifications dans la prolifération des algues ont leur part de responsabilité. Ainsi, les pertes les plus marquées concerneraient la partie supérieure du Gulf Stream ainsi que les eaux autour de l'Arctique et de l'Antarctique.

Des tendances contrastées au cœur de résultats inquiétants

Malgré un phénomène généralisé qui tend vers un assombrissement des océans à l’échelle mondiale, les résultats obtenus par les satellites et analysés par les scientifiques restent contrastés. L’étude révèle que les zones de la mer du Nord et de la mer Celtique, les côtes orientales de l’Angleterre et de l’Écosse, les côtes du pays de Galles et les éléments nordiques de la mer d’Irlande sont tous devenus plus sombres au cours des deux dernières décennies. Cependant, environ 10 % des océans, soit 37 millions de km², se sont éclaircis. C’est le cas par exemple de l’ouest de l’Irlande. Les scientifiques n’ont pas encore élucidé les mécanismes qui expliquent ces variations.

On retrouve sur le site de l’université de Plymouth une mise en garde des auteurs principaux de l’étude, les chercheurs Thomas Davies et Tim Smyth, qui ont émis des inquiétudes quant aux conséquences environnementales de ce qu’ils nomment « the Ocean Darkening ». En effet, le Dr Thomas Davies a déclaré : « Nous dépendons aussi de l’océan et de ses zones photiques pour l’air que nous respirons, le poisson que nous mangeons, notre capacité à lutter contre le changement climatique, ainsi que pour la santé générale et le bien-être de la planète. » Le Dr Tim Smyth a, lui, écrit les propos suivants : « Si la zone photique se réduit d’environ 50 mètres sur de vastes parties de l’océan, les animaux qui ont besoin de lumière seront forcés de se rapprocher de la surface, où ils devront rivaliser pour la nourriture (…) et les autres ressources. Cela pourrait entraîner des changements fondamentaux dans l’ensemble de l’écosystème marin. »

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