Depuis le coup d’État de février 2021, la Birmanie est empêtrée dans une guerre civile entre la junte militaire au service du Conseil administratif de l’État (SAC) et ceux partisans d’une démocratie fédérale comme le gouvernement d’unité nationale (NUG) allié à différentes organisations ethniques armées (OEA). Malgré cela, le général Min Aung Hlaing (qui dirige le pays) a annoncé en mars dernier vouloir faire des élections sous la supervision de l’armée. Cette annonce est déjà décriée par une grande partie de la communauté internationale.
Alors que le dictateur birman Min Aung Hlaing rencontrait le président biélorusse à Minsk, il a affirmé la nécessité de « fournir l'assistance [...] à la tenue d'élections générales démocratiques multipartites libres et équitables par la Tatmadaw (armée birmane soutenant la dictature), en vue de l'émergence d'une Union fondée sur des systèmes démocratiques et fédéraux, après la mise en œuvre des mesures prévues par l'état d'urgence (qui prévoit des élections 6 mois après sa fin) » dans le journal The Global New Light of Myanmar, journal détenu par le pouvoir en place. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des élections ont lieu en pleine guerre, toutes dans des conditions très peu démocratiques, alors que le gouvernement militaire continue d’affirmer, sans preuve solide, que l’élection de 2020 a subi des fraudes (la justification du coup d’État d’après l’armée birmane).
Les réactions internationales
Le président Alexandre Loukachenko a annoncé vouloir aider à la préparation des élections, notamment avec la présence d'observateurs sur le territoire birman pour surveiller cette élection. Cette aide rentre dans une amélioration des échanges diplomatiques et commerciaux entre les deux États après la visite de Min Aung Hlaing à Minsk.
Les chancelleries occidentales ainsi que les ONG de défense des droits de l'homme considèrent-elles que ces élections sont une mascarade du fait d’aucune réelle opposition libre et du morcellement du pays entre tous les différents groupes armés ?
Tandis qu’au sein de l’ASEAN (communauté des pays d’Asie du Sud-Est) le sujet des élections pose question. En effet, le président philippin a déclaré lors d’un sommet de l’ASEAN en Malaisie qu’il espérait que les élections ouvriraient la voie pour un cessez-le-feu. Alors que le ministre des Affaires étrangères malais a lui affirmé avant même le début du sommet qu’il n’y avait aucun intérêt à ce que la Birmanie organise des élections si son peuple n’y participe que très partiellement et que ce n’était qu'une tentative du régime de faire un « blanchiment » des actions de la junte.
La Chine, qui possède plus de 2000km de frontière avec la Birmanie, « joue très clairement un double jeu en Birmanie », selon le journaliste Antoine Védeilhé, aidant à la fois la junte militaire et des groupes rebelles pour ses intérêts économiques et voyant d'un très bon œil ses élections qui lui permettraient de sécuriser un accès aux pétroles des eaux birmanes ainsi qu’un accès privilégié à l’océan Indien.
Tandis que le NUG est composé d'anciens élus. est déchu. a évidemment décrié l’idée alors que l’ancien parti d’Aung San Suu Kyi (lauréate du prix Nobel de la paix en 1991 et toujours détenue dans les prisons birmanes), qui avait gagné les élections en 2020 et est la seule véritable opposition au régime, a été dissout après le coup d'État.
D’après l’association La Communauté birmane de France, la junte étant illégitime, elle veut renforcer son pouvoir par des élections. D’après Solène Khin Zin Minn, qui m’a accordé une interview, cette envie de justifier son pouvoir par des élections vient des récentes pertes de territoire de la junte : en effet, l’armée birmane a « beaucoup de difficultés » sur le terrain face à la résistance acharnée des résistant·es birman·es, avec de récentes pertes à la frontière chinouse par des armées anti-junte. À noter aussi que, contrairement au président philippin et à la position générale de l’ASEAN, les résistant·es birman·es n’envisagent pas de cessez-le-feu mais plutôt des négociations avec les autorités birmanes, mais uniquement « avec nos conditions », comme le rappelle Solène Khin Zin Minn, résistante birmane installée en France.
L’enthousiasme des autorités
Malgré le scepticisme de la communauté internationale, le gouvernement birman affirme que 53 partis ont déjà « soumis leurs listes » pour participer à cette élection qui devrait se dérouler dans 267 cantons. Même si la junte ne contrôle pleinement que 21 % du territoire et que 37 % est disputé entre la junte et des factions armées anti-junte, d’après une récente étude de la BBC. Et alors même que les oppositions sont « alignées sur les militaires », d’après Emily Lau, ancienne journaliste et défenseure des droits de l’homme et de la liberté de presse. Ce qui pose d’évidentes questions sur la possibilité d’une réelle opposition libérale et démocratique au régime.