Encore une fois, Bolloré a imposé ses vues avec seulement 29,9% du capital de Vivendi. Après avoir scindé le groupe en trois, il a introduit les trois entités en bourse. Une opération qui peut lui rapporter gros.
Le lundi 9 décembre, l’assemblée générale mixte du groupe Vivendi s’est réunie sous la présidence de Yannick Bolloré afin d’approuver le projet de séparation de Canal+, de Havas et de Louis Hachette présenté par le groupe Bolloré. Elle ne laissa paraître aucune d’hostilité au projet avec une majorité écrasante de voix favorables (97,5% de l’assemblée).
Le plan est simple: donner aux entreprises une autonomie leur permettant de répondre à leur propre besoin, une restructuration visant à maximiser la valeur des différentes sociétés, à aligner leurs plans avec leurs marchés respectifs et à créer plus de valeur pour les actionnaires.
“Créer de la valeur”, un objectif attrayant aux yeux des actionnaires qui votèrent presque à l’unanimité pour la scission du groupe.
À l’époque déjà, Vincent Bolloré avait effectué une opération similaire, lors de laquelle il avait coté séparément Universal Music. Une réussite pour le groupe qui a pu récupérer plus de 24 milliards d'euros de plus-values, dont Bolloré avait capté une bonne partie par la distribution d’un important dividende.

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ÉLUDER LES LOIS BOURSIÈRES
Détail crispant : les places où sont cotées les différentes entités, Havas à Amsterdam, Canal+ à Londres et Louis Hachette sur le petit marché Euronext Growth à Paris (non réglementé).
Selon Le Monde “Tout semble avoir été conçu pour permettre au groupe Bolloré de monter au capital de Canal+, de Havas et de Louis Hachette sans payer de prime de contrôle”,le groupe Bolloré détient 29,9% de Vivendi, juste au-dessous du seuil fatidique des 30% qui impose le déclenchement d'une offre publique d'achat (OPA).
Grâce à la cotation des différentes entités, le groupe Bolloré pourra monter au-dessus de 30% dans chacune des ses entreprises sans être contraint de payer une prime de contrôle.
En découvrant le projet présenté par Vincent Bolloré, plusieurs fonds d’investissement minoritaires de Vivendi se sont offusqués. « Tout cela n’a pas d’autre but que de soustraire le groupe Bolloré aux OPA tout en renforçant son contrôle directement via les entités cotées. C’est l’objectif caché de cette opération », a expliqué à plusieurs reprises Catherine Berjal, présidente et cofondatrice de CIAM, fond activiste détenteur de 0,025% de Vivendi. Le groupe a déposé « un abus de droit » auprès du tribunal de commerce de Paris.
Le droit boursier néerlandais n’a pas de réglementation boursière forçant une OPA au-delà des 30%, un avantage anodin pour Bolloré, car ce même droit boursier fait bénéficier aux actionnaires historiques un vote doublé, voire quadruplé, à l’assemblée générale , donnant au groupe Bolloré un pouvoir absolu sur l’entreprise sans payer une quelconque action.
Mais alors, pourquoi Londres pour Canal+ ?
Londres est devenue une place délaissée par les Européens depuis le Brexit, un contexte étonnant quand on sait que c’est ici qu’est placé Canal+, un géant de l'audiovisuel .
Ce placement est peut-être dû d'une part à la faible réglementation boursière londonienne, ne forçant pas une OPA au-delà des 30%, par exemple. Mais Vivendi réfute ce motif en expliquant que Canal+ cherche à élargir son public, ce placement a pour ambition d’attirer des actionnaires internationaux.
En France, Canal+ est victime du succès des plateformes telles que Netflix, Prime Video ou Disney et vise à élargir son audience. Déjà présent en Afrique (il compte 8 millions d’abonnés), le groupe a pris une participation de 35% du groupe Multichoice comptant environ 23 millions d’abonnés. Le groupe avait déjà lancé une OPA sur celui-ci afin d’en acquérir le contrôle total.
Cet emplacement leur permet donc d’avoir une fenêtre sur l’international et en particulier sur l’Afrique du Sud avec l’homme d'affaires Sipho Maseko ancien patron de Telkom, un partenaire de choix face à la méfiance des autorités locales.
EXONÉRATION D’IMPÔTS
Vivendi bénéficie d'un schéma de scission pour le moins déconcertant appelé “scission partielle”. Celui-ci exonère d’impôts les actionnaires sur deux tiers de la valeur de leurs actions: Canal+ et Louis Hachette.
D'après BFMTV, au total, près de 6 milliards d'euros échapperaient à la taxe sur les plus-values au motif qu'ils sont considérés comme des "remboursements d’apports" d’actifs et non pas comme une "distribution" soumise à la taxation des plus-values.
Le groupe Bolloré est le premier à profiter de cette fiscalité allégée, détenteur de près d’un tiers du groupe Vivendi. Vincent Bolloré serait ainsi exonéré d’environ 135 millions d’euros pour la scission de Louis Hachette et ne paierait que 200 millions d’euros sur les plus de 600 millions dus pour Canal+.