Billet de blog 21 décembre 2022

Chiara Kherra-Masson

Abonné·e de Mediapart

Est-ce que l’art peut sauver la jeunesse ?

Les adolescents d’aujourd’hui subissent différentes pressions : se fondre dans la masse, réussir, supporter la pression du groupe et le regard de l’autre, éviter le harcèlement… Pourtant, quelque chose pourrait bien encore les sauver, non ? Et bien oui ! La réponse, c’est l’art !

Chiara Kherra-Masson

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les adolescents d’aujourd’hui subissent différentes pressions : se fondre dans la masse, réussir, supporter la pression du groupe et le regard de l’autre, éviter le harcèlement… Certains vivent dans l’insécurité ou bien dans la misère.

L’avenir repose pourtant sur leur dos. Par conséquent, ils se réfugient sur leurs écrans et ne font plus attention au monde qui les entoure.

Pourtant, quelque chose pourrait bien encore les sauver, non ?

Et bien oui ! La réponse, c’est l’art !

Toutes sortes d’art. Cela peut être la peinture, le dessin, la photographie, la musique, le théâtre... mais aussi la construction de lego ! Nous sommes allés à la rencontre des jeunes, et voici leurs réponses.

Annukka, volontaire allemande originaire de Leipzig intervenant au collège Martin Luther King de Buc et qui se destine à des études d’art thérapie nous l’explique très bien : « Nous ne devons pas laisser les jeunes se faire une idée précise de ce qu’est l’art. Si pour eux, ce qu’ils font est de l’art alors ça l’est. On n’a pas besoin d’apprendre certaines techniques pour s’exprimer. »

Une citation de Paul Audi illustre très bien cette façon de penser : « créer, s’est expliquer avec la vie ».

Suite à un sondage auprès de collégiens, il est clair que l’art joue un rôle dans leur vie et que d’en pratiquer ou de le fréquenter développe énormément de capacités. Certains ont tout de même peur du jugement et sont conscients que l’art perd de l’importance face aux nouvelles technologies.

Une jeune artiste lycéenne nous a éclairés sur le rapport entre les écrans et les arts. En effet, avec l’apparition de ces nouvelles technologies, l’art devient encore plus vaste et de jeunes artistes peuvent se faire connaître sur ces plateformes.

Cette jeune fille peut autant s’inspirer de films et de séries pour ses chorégraphies qu’un réalisateur peut s’inspirer de tableaux.

C’est « donnant-donnant ».

Même si on peut tout apprendre sur ces réseaux, comme ne rien apprendre du tout…

Selon Sophie Salleron, autrice et conteuse que nous avons contactée, l’art est vital. Il permet de réenchanter le monde, de s’engager, de créer un lien, de ressentir des émotions. En un mot : il rassemble.

L’art l’a sauvée, continuera de la sauver et cette promesse n’est pas si inimaginable !

En effet, l’art a sauvé dans le passé des populations, ne serait-ce que lors de la seconde guerre mondiale où des artistes ont écrit des poèmes engagés ou peint des tableaux comme Liberté de Jean Lurçat en 1943, ou Le Conquérant de Joseph Steib en 1942. Ces poèmes et tableaux ont apporté espoir, ont témoigné, incité à la réflexion, à la révolte ainsi qu’à l’action.

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Liberté par Jean Lurçat en 1943

L’art existe depuis toujours ! Depuis l’âge préhistorique avec l’art rupestre jusqu’à chaque peuple par son langage et sa culture. Il nous a toujours entourés, qu’on s’en rende compte ou non. C’est ce que Sophie Salleron transmet à travers ses spectacles. Elle va d’ailleurs bientôt présenter ses contes et aquarelles inspirés par un voyage en Islande.

Pour elle, l’art permet de développer de l’empathie chez les jeunes. Ça les apaise, leur ouvre des fenêtres et des portes. Cela leur permet aussi d’oser et de sortir du conformisme familial. Cela leur crée un espace de liberté et d’expression dans un monde où tout est balisé et où les injonctions pleuvent souvent.

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Sophie Salleron à la médiathèque de St-Denis d’Oléron

Federica Biscari, danseuse professionnelle d’origine italienne, nous a confié qu’elle utilise quant à elle la danse pour apporter du bien-être aux gens et pour les faire se sentir bien avec leur corps. Elle pense que l’art ne doit jamais mourir mais qu’au contraire, on devrait encore plus le développer dans notre société.

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Photo prise par Philipe Rêve au grand Hôtel-Dieu à Lyon. Canon 5DM3 , Objectif Sigma 24/70 1/640 F2.8 ISO 800

Pour toutes ces raisons, l’art doit être plus accessible à tous. En effet, certains ne sont jamais allés au théâtre ou ne le découvrent qu’au collège ou au lycée lors de sorties scolaires. C’est là qu’interviennent certains artistes, comme Anna Cocconcelli, comédienne italienne, et L’AMATA, sa compagnie située à Versailles Porchefontaine, pleine d’enthousiasme et d’énergie.

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https://www.facebook.com/aidastheatre/photos/pcb.2291417624361682/2291417227695055/

Nous avons pu contacter Anna et avoir son point de vue sur notre société et la place de l’art : « Notre société occidentale et notre démocratie sont nées en Grèce, le berceau de notre présent. L’Homme a toujours occupé son temps à s’inquiéter de sa survie, le premier problème de tous les animaux. Dans les sociétés où ce problème est résolu, l’homme se consacre au divertissement. Le premier divertissement développé par les Grecs est précisément celui de l’art et du théâtre : la représentation de la société observée par la société elle-même. De cette façon, l’Homme en voit les problèmes et essaie ainsi de répondre à certaines questions (…) exprimer son opinion et ses choix. Un peu comme se laver le visage en se regardant dans le miroir ».

Cette définition de l’art et plus précisément du théâtre depuis leurs origines nous a été très bien expliquée. Maintenant, voyons ce qu’elle pense de notre société : 

« Dans la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, le divertissement est si vaste que notre attention est devenue fragile ; si une information ne nous intéresse pas après trois quatre secondes, on passe à l’information d’après. Tout est simplifié, le but étant de devoir raisonner de moins en moins  ».

Ce rapprochement entre le fait de passer à l’information suivante et que tout est simplifié, est tout simplement la métaphore des réseaux sociaux comme TikTok ou Youtube où les shorts et les Pour Toi sont faits pour scroller et ne pas vraiment s’intéresser à l’information telle qu’elle nous est présentée.

Il y a deux semaines Anna et sa compagnie sont partis en Moldavie pour partager leur art avec ce pays, un des plus pauvres d’Europe. Voici ce qu’elle nous confie sur son voyage :

« La possibilité de jouer du théâtre à Chsinau et d’assister à des spectacles montés par des compagnies et des écoles moldaves a été le code exact du rôle que l’art et le théâtre ont dans la société : la représentation d’une société à l’autre et vice versa, la véritable chute d’un mur qui empêche de voir la possibilité pour l’Homme de se regarder dans le miroir et de se laver le visage de son plein gré ».

Illustration 5

Dans cette société décrite par tous ces artistes et jeunes d’aujourd’hui, un message commun : l’art ne pourra peut-être pas sauver le monde mais il pourra sûrement changer chacun d’entre nous. Il peut nous faire vibrer, il est entre nos mains.

Chiara Kherra-Masson

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