Billet de blog 22 août 2024

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Julie Boileau : « Je m’habitue enfin à la sylve tropicale »

Avec « Les femmes s’en vont », Julie Boileau ouvre la série « Femmes de caractère » par un recueil de poèmes tourné vers le rapport à la nature à travers la forêt, où la figure de la femme apparait comme la messagère. Entretien.

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Illustration 1
Julie Boileau en 2022 © François Rochon

F. R. : C’est votre vie dans la forêt amazonienne, liée à votre engagement artistique, qui apparait comme le fil conducteur de votre livre. Celui-ci rassemble trois recueils de poèmes écrits sur plusieurs années, d’abord publiés en livrets d’artistes. Comment est venue cette envie d’écrire, en plus de la photographie, de la peinture et du dessin ? Et comment le texte répond-il à vos créations ?

Julie Boileau : L’envie d’écrire est venue lors de la réalisation du projet « La forêt regardée », lors de mon premier voyage en Guyane. J’ai écrit des « notes poétiques » qui sont devenues le livret d’artiste « Dehors » qui accompagne pleinement le projet photographique. Depuis, j’en ai effectivement écrit deux autres ainsi qu’un monologue pour le théâtre. Aujourd’hui je réfléchis à l’écriture de nouvelles. Mes projets artistiques, principalement visuels, sont toujours empreints d’une réflexion autour du langage, des signes, de leur potentiel infini ou au contraire limitatif. La forêt amazonienne par exemple dissout facilement certitudes et convenances. Les mots en font partie. J’aime donc jouer avec les mots en forêt.

F. R. : Entrons dans le détail de votre intention poétique : la première partie semble en écho à un de vos premiers projets, intitulé « La forêt regardée », une parole qui rappelle notre condition naturelle, puis c’est votre identité de femme qui prend le pas, plus confiante. Enfin, vous entrez dans un rapport moins interrogatif avec le temps, dans tous les sens du terme. Pouvez-vous décrire l’évolution de votre sensibilité poétique sur ces dernières années, puisqu’elle apparait aussi comme un cheminement de votre pensée ?

Julie Boileau : Je ne me suis pas vraiment rendue compte de ce cheminement. Il est sûrement naturel, car il correspond à des moments de vie personnelle et fait lien avec mes projets. La poésie avec son air hautain m’apparait très intime et proche d’un cri. Dehors correspond à ma découverte de la forêt amazonienne, l’ « altérieur » absolu, universel. Puis, le livret Les filles s’en vont, auquel nous avons emprunté le titre pour le livre, s’inspire du Mouvement féminin Chipko en Inde (NDLR: Voir ici). Météo a été écrit avec moins de hauteur. Je m’habitue enfin à la sylve tropicale et je peux parler d’autre chose ? Interprétons-le comme un chemin Forêt, Femme, Présent, une redescente de la canopée à la terre.

F. R. : La photographie de votre couverture représente le corps dénudé d’une femme qui masque son visage de ses mains, probablement les pieds dans l’eau d’une rivière tropicale. Floue, elle est en mouvement tandis que le paysage derrière se présente d’une netteté impassible. Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette image, et pourquoi l’avez-vous choisie pour illustrer votre livre ?

Julie Boileau : Cette image fait partie d’un travail intitulé ‘’Be there’’, sorte de journal intime  photographique réalisé entre 2019 et 2021. La série illustre des moments de ma vie personnelle. Une contemplation des liens que je peux avoir quotidiennement à mon extérieur proche. J’apparais parfois dans les photographies, ainsi que mes proches humains ou animaux. L’image choisie a été réalisée durant une sortie en forêt en canoë, durant une courte pause sur une petite plage dorée. Profitant d’une baignade, j’ai réalisé quelques images de moi dans ce lieu magique. Un bien-être apparait souvent dans ces lieux aquatiques et débordants de vie.

Il existe une deuxième image de ce moment où j’apparais floue également dans la rivière, mon corps allongé se confondant avec les marbrures de lumière et le courant. Ces images représentent donc une femme se donnant entière à un moment et donc à un lieu précis sur Terre. La photographie choisie résonne aussi avec le titre du recueil : la Femme pourrait partir (pour protéger la vie ; dans le sens d’un repli).

F. R. : Votre travail sur le texte s’exprime aussi dans un autre projet en cours, intitulé provisoirement « Un problème d’éthique », avec la metteuse en scène Valérie Feasson. Il reprend l’ambivalence du rapport à la nature que vous défendez entre douceur contemplative et indispensable radicalité pour y accéder. Pouvez-vous nous raconter ce projet et la rencontre créative avec Vélarie Feasson?

Julie Boileau : Oui c’est vrai, ce sont des thèmes qui reviennent inéluctablement dans mes travaux. Ce texte s’intitule finalement « Un chaos en soi ». J’ai rencontré Valérie Feasson par le plus grand des hasards de la vie ! Elle visitait fortuitement l’exposition Des rives atlantiques, qui a finalisé ma résidence longue avec l’association Le Sas.Culture en 2022 à Rochefort. En échangeant sur l’exposition, dans laquelle j’avais décidé de glisser une première version du texte, j’ai appris qu’elle était metteuse en scène. Je lui ai finalement donné le texte. Depuis, elle est venue plusieurs fois en Guyane où nous avons adapté la pièce ensemble et où elle la met en scène pour la première fois.

Une rencontre chanceuse et surprenante de sens !

Pour découvrir le travail de Julie Boileau : voir son site personnel

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