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Billet de blog 4 juin 2021

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Martyrs de la Commune ?

Une échauffourée a eu lieu lors d’une « marche des martyrs » samedi dernier, alors que nous commémorions les 150 ans de la Commune. Les Communards ont-ils martyrisé des membres du clergé ? La réponse de l’historien Bernard Noël.

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Samedi 29 mai, à l’appel de plus de 100 organisations, dont la Ligue de l’enseignement et les Cercles Condorcet, 15 000 personnes manifestaient à Paris pour célébrer les 150 ans de la Commune de Paris. Des accrochages se sont déroulés à la périphérie avec des participants à une « marche des martyrs ». Ce genre d’incident est toujours à déplorer. Il ne règle jamais rien. Nous répondrons ici en recourant aux travaux de Bernard Noël.

Illustration 1

Ecrivain, poète, essayiste, critique d'art, Bernard Noël a décrypté tous les documents de première main, en particulier tous les journaux, pour écrire un « Dictionnaire de la Commune » réédité récemment par L’Amourier. Il reste une référence. Dans l’entrée « Anticléricalisme » Bernard Noël  rappelle en particulier que : « L’Eglise s’était liée  à l’Empire avec un empressement des plus intéressés. Surtout elle en avait profité dans le sens de la loi Falloux pour multiplier le nombre de ses écoles. Plus sensibles au sentiment de la justice qu’à celui de la charité, conscients surtout que cette dernière s’accommodait trop facilement des inégalités sociales, les milieux ouvriers, à Paris notamment, avaient fini par tomber dans un anticléricalisme sans nuance, au point de ne voir dans le clergé qu’un instrument d’oppression particulièrement insinuant et dangereux. L’une des premières décisions de la Commune fut de décréter, le 2 avril, la séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’était une mesure qui allait dans le même sens que la laïcisation de l’enseignement, mais elle ne suffit pas à apaiser une rage anticléricale… ».

Illustration 2

Le 6 avril 1871 la Commune a adopté un décret sur les otages. Bernard Noël replace ce décret et ses suites dans leur déroulement factuel historique dans son entrée « Otages » : « Ce décret suscita l’indignation de tous les journaux bourgeois, celle de Victor Hugo (cf. le poème « Pas de représailles »), celle de Thiers, bien sûr, de son Gouvernement et de l’Assemblée. Il semble toutefois avoir fait réfléchir un instant les Versaillais, qui suspendirent les exécutions sommaires, mais pas pour longtemps. On arrêta bien des otages, des prêtres surtout (Lissagaray parle, pour la désapprouver, d’une « razzia de soutanes »), des gendarmes, mais on se contenta de les retenir prisonniers… Immédiatement, la Commune proposa l’échange de Mgr Darboy contre Blanqui. Le 12 avril, Mgr Darboy écrivit une lettre à Thiers pour protester contre les exécutions sommaires commises par les Versaillais et pour appuyer la proposition d’échange…

La Commune réitéra plusieurs fois ses offres d’échange. Le 14 mai, elle alla jusqu’à proposer d’échanger tous les otages (il y en avait à ce moment-là 74) contre le seul Blanqui. Thiers refusa… Versailles se remis donc à massacrer les prisonniers, à achever les blessés et à exécuter même une infirmière. La Commune n’appliqua pas pour autant son décret. Il fallut les massacres du début de la semaine sanglante pour que Ferré, poussé par Genton, signât l’ordre d’exécution de six otages (Mgr Darboy, le président Bonjean, l’abbé Deguerry et trois jésuites). La seconde exécution d’otages eut lieu le 26 mai, rue Haxo. Cette fois ce fut un massacre plus qu’une exécution. Furent tués : 11 prêtres et religieux, 35 gendarmes et 4 anciens mouchards de l’Empire. Une douzaine de membres du Comité central et Varlin essayèrent d’empêcher ce massacre, mais ils furent malmenés par la foule, qui ne comprenait plus que l’on puisse faire quartier, alors que les Versaillais tuaient partout, sans pitié.

Il ne s’agit pas d’opposer les morts aux morts, mais  un minimum de justice exige que l’on précise tout de même qu’on ne peut imputer à la Commune, encore qu’elle n’en soit pas directement  responsable, que l’exécution de 56 otages arrêtés sur son ordre. [Bernard Noël ajoute d’autres victimes dont les cinq Dominicains et six employés du couvent d’Arcueil]. Cela fait 85 morts. Le général Appert a avoué le chiffre officiel de 17000 Parisiens fusillés par Versailles ».

Illustration 3

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