Flora Fiszlewicz est chargée de projet Histoire et Mémoire à la Ligue de l'enseignement. Elle anime le site dédié qui propose une large sélection de documents de toute nature sur ce mouvement d'éducation populaire laïque qui a fêté ses 150 ans en 2016 à Strasbourg. Elle suit à Orléans le Festival international Cannes 1939.
Voici le premier article de Flora Fiszlewicz, consacré à l'ouverture du Festival. Elle se déroule au théâtre d'Orléans ce 13 novembre 2019.
Qu'est-ce que le festival de Cannes 1939?

Le 1er septembre 1939, devait s’ouvrir le premier Festival international du film de Cannes. Militant de la Ligue de l'enseignement, Jean Zay était ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts. Il avait œuvré pour la création de cette manifestation de grande ampleur qu’il avait conçu comme une réponse à la fois culturelle et diplomatique des « nations libres » à la Mostra de Venise, dont la programmation était devenue un outil de propagande fasciste. Jean Zay expliquait son projet dans un entretien: « il ne s’agit pas de remplacer la biennale de Venise, ni d’imiter quoi que ce soit. Il s’agit de réunir dans un cadre purement français, l’art et l’élégance de tous les pays du monde (…), à travers une compétition à la fois nationale et internationale ».
Malgré l’urgence de l’organisation de ce premier festival, certains pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS, les Pays-Bas, ou encore la Pologne avaient envoyé leurs films sélectionnés tandis que des délégations d’acteurs prestigieux étaient pressenties pour les représenter. Seulement, le 1er septembre 1939, le clap de fin s’est abattu brutalement le jour même de l'ouverture du festival avec l’entrée des troupes allemandes en Pologne.
Quel était le projet du Festival prévu à Cannes en 1939 ? Olivier Loubes, historien auteur de "Cannes 1939, le festival qui n'a pas eut lieu", nous le rappelle:
Le Comité Jean Zay Cannes 1939, dont Antoine de Baecque est le président, a eu l’idée de (re)donner vie à ce festival et a souhaité présenter, 80 ans plus tard, à Orléans, ville du ministre du Front populaire, ce premier Festival international du film, tel qu’il avait été prévu à Cannes… Pour la cérémonie d'Ouverture, Alex Lutz (César du meilleur acteur en 2019), est le maître de cérémonie. Olivier Carré, maire de la ville d'Orléans, Hélène et Catherine Zay, les filles de Jean Zay, Charlie Rivkin président et CEO de Motion Pictures, et Amos Gitai ont chacun pu rendre hommage à Jean Zay et à son œuvre et montrer leur attachement à l'histoire et à cette manifestation devenue mythique. Hélène et Catherine Zay ont pu lire des extraits des mémoires de leur père et ont eu une standing ovation par plus des 1000 personnes présentes ce soir là, Jean Zay restant très apprécié et connu des Orléanais.
Pour conclure cette séance d'ouverture, le président du jury de Cannes 1939, Amos Gitaï, a témoigné: « C’est pour moi un grand honneur et une mission importante de présider ce jury et de décerner le Grand Prix Jean Zay Cannes 1939. J’en suis très heureux. D’abord, car le Festival de Cannes a pris une place dans ma vie. Pour moi, comme pour de nombreux cinéastes autour du monde, cette manifestation a contribué à nous faire connaître, nous permettant de continuer à travailler. Ensuite, remonter aux sources du Festival de Cannes, jusqu’en 1939, c’est donner du sens à l’histoire : comprendre que cette manifestation de cinéma est née comme un acte politique, un geste de refus des fascismes, un appel à la diversité et à la liberté dans le contexte de la montée des périls au sein d’une Europe qui va vers la guerre. Cette histoire m’a paru essentielle, car le cinéma, dans mon esprit, mêle des formes et un récit dans la création d’un acte civique, et le meilleur hommage qu’un cinéaste ou un artiste puisse rendre à sa patrie consiste à exercer ce type d’engagement critique, à entrer ainsi en rébellion contre toute pensée autoritaire. C’est pour cela que j’ai accepté de présider ce jury, pour être fidèle à l’action d’un homme politique de culture et d’engagement comme Jean Zay. »
Un rappel sur notre passé et une réelle interrogation: comment les jeunes générations peuvent-elles s'approprier cette histoire et ces idéaux ? Un festival « des nations libres » peut-il encore exister aujourd'hui? Qu'est ce que cela signifie? Comment transmettre des valeurs historiques dans une société n'ayant que peu de rapport avec celle de 1939 ? Voilà quelques interrogations soulevées durant cette ouverture et qui trouveront peut-être des réponses durant la semaine. Il est à noter que deux prix seront remis le 16 novembre, le prix « Jean Zay » par le jury officiel de ce festival et le prix « regard lycéen » par un groupe d'une dizaine de lycéens venus de toute l'académie.
Hélène Mouchard-Zay à propos de son père et du Festival de Cannes 1939: