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Billet de blog 16 novembre 2019

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La place des femmes dans le cinéma de 1939

Flora Fiszlewicz revient sur le débat à propos de la place des femmes en 1939 dans le cinéma.

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Dans le cadre du Festival Cannes 1939,  Béatrice de Pastre (Directrice des collections des Archives françaises du film du Centre national de la cinématographie), Olivier Loubes (historien) et Natacha Laurent (chercheuse sur les films soviétiques) nous interpellent sur la place des femmes en 1939 le 14 novembre 2019.

Déjà dans l'organisation du festival, il n'y a pas de femmes (quelque soit le pays à savoir les USA, la France ou l'URSS) sauf Susie Burel. C'est un monde d'hommes (Olivier Loubes le signale d'ailleurs dans son ouvrage Cannes 39, le festival n'a pas eu lieu). La place de la femme sur les affiches montrent aussi une certaine représentation de l'idéal féminin. Elle est très mince, filiforme et a les critères de beauté du monde occidental. Les revues idéalisent certaines représentations de la femme parfaite au mépris des autres (aucune actrice URSS ne sera invitée ou même présentées comme icônes dans la sélection en 1939).

Les seules actrices apparaissant dans les revues ou sur la couverture sont principalement Louise Carletti (de L'enfer des anges), Micheline Francey (La charrette fantôme) et Ginger Rogers (Mademoiselle et son bébé). Louise Carletti campe une jeune fille douce, honnête, courageuse, n'ayant que des vertus en bref l'idéal féminin. Micheline Francey a le même genre de rôle avec une femme aimant un homme mais se l'interdisant car en tant que salutiste (personne faisant partie de l'armée du salut), elle doit sauver cet homme de la dépravation et de l'alcool, le principal est de sauver son âme quitte à donner sa vie. Cinémonde sort une édition spéciale en août 1939 sur le festival de Cannes et met sur sa première page le commentaire suivant « On disait que le rôle d'Edith serait trop lourd pour elle... Mais, Julien Duvivier souriait avec confiance. Il avait raison... Micheline Francey est une révélation. Elle a su incarner avec fraîcheur, une pureté d'âme et une douceur incomparable, son personnage de la charrette fantôme, une œuvre remarquable du cinéma français ». Enfin, Ginger Rogers a un rôle un peu plus intéressant et moderne, c'est par la femme que les conventions sociales évolueront. Mais c'est avant tout un film de divertissement, les USA souhaitant avoir du public. Les films de propagande ou critiquant des aspects de la société n'étaient pas désirés dans leur sélection.

Illustration 1
Le magazine "Cinémonde" Août 1939

Dans la sélection de Cannes 1939, il y avait 12 films des USA, 4 de la France et 4 de l'URSS. Le nombre de films permis dépendait de la production audiovisuelle sur l'année par pays, les USA en produisait entre 200 et 300, la France entre 100 et 200 et l'URSS environ 40 par an. Mais, l'URSS avait accepté d'être organisateur de l'évènement et d'y participer à certaines conditions dont celle d'avoir droit au même nombre de films que la France (les conditions avaient été acceptés tout de suite, la France souhaitant le soutien de l'URSS pour ce festival des « nations libres »). Dans les films URSS, nous pouvons remarquer que les femmes sont absentes ou muettes dans Lénine en 1918 et dans Si demain c'est la guerre. La seule ayant de l'importance dans Lénine en 1918 est un personnage faisant peur, montré comme une menace, comme l'ennemi à abattre en la personne de Fanny Kaplan (interprétée par  Natalia Efron). Elle a quelques répliques et, le film étant une reconstitution historique, tire sur Lénine et le blesse gravement.A la frontière montre deux personnages féminins principaux et sachant se battre. Elles sont un peu plus mises en avant mais l'homme reste le maître. En revanche, les tractoristes montrent une exception notable avec le personnage de Mariana Bajan (Marina Ladynina). Elle est très masculine, s'habille en salopette, est entièrement autonome en tenant tête aux hommes et en décidant de comment elle veut vivre et avec qui. Le film repose sur sa gestion du kolkhoze, sur le fait qu'elle est très compétente, elle sait conduire, elle a une moto, elle dirige son kolkhoze féminin sans soucis et a un très bon rendement. Elle fera même un concours avec les hommes du kolkhoze masculin et ne se laisse pas faire. La fin du film, c'est encore elle qui lance le chant en l'honneur de Staline et sur le dernier plan elle est au centre. Cela ne l’empêche pas d'être attirante et d'avoir nombre de figurants. Pourtant, bien que Marina Ladynina ait les critères pour être invitées à Cannes, aucune vedette URSS n'y sera conviée.

Chez nos voisins états-uniens, la femme est très souvent le faire valoir de l'homme dans les films (comme Pacific Express). La femme est en dessous de l'homme. Néanmoins, il est à noter qu'elle est au-dessus des indiens qui eux étaient vraiment montrés comme des sous-hommes (beaucoup de films de la sélection de Cannes 1939 sont des films colonialistes). Outre  Mademoiselle et son bébé, le seul autre rôle étant un peu précurseur est celui de Jean Arthur dans Seuls les anges ont des ailes. Elle incarne un personnage féminin osant tenir tête aux hommes et les invitant même à prendre un verre. Elle ne se laisse pas faire et c'est la seule femme pour lequel Geoffrey Carter (Cary Grant)  demande à ce qu'elle partage sa vie. Il n'a jamais fait cette demande à aucune femme avant.

Suite à cette conférence, plusieurs questions peuvent être soulevées. Le rôle féminin a t-il évolué ou bien est-il toujours stéréotypée ?  Quel est l'idéal féminin maintenant ? Existe t-il toujours ? La femme est-elle encore perçue comme une minorité ? Quelle évolution des genres a eu lieu depuis 1939, du moins dans la représentation audiovisuelle ? Le débat reste ouvert !

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