
Denise Bombardier est décédée le 4 juillet à Montréal, ville où elle est née en 1941. Dans « Une enfance à l’eau bénite » (Editions Seuil), elle avec franchise ses premières années dans une famille pauvre, où règnent l’alcool et le catholicisme le plus conservateur. Mais aussi la découverte de sa propre langue, le français, grâce à sa mère. C’est peu dire qu’elle s’émancipera, au point de devenir une des incarnations de la nouvelle identité québécoise, à la fois fière d’elle-même et ouverte sur le monde. Elle sera journaliste et chroniqueuse sur Radio Canada pendant plus de trente ans, essayiste et militante québécoise et féministe, auteure d’une vingtaine de livres… Elle a écrit ses mémoires dans un ouvrage dont le titre est explicite « Une vie sans peur et sans regret » (Editions Seuil).

Québécoise, elle a su montrer dans ses interventions et ses écrits combien l’amour de son pays, de ses gens, de sa culture… est le meilleur antidote à toute forme de xénophobie. Etre soi-même implique une forme de reconnaissance des autres. Le patriotisme est le meilleur ennemi du nationalisme. Elle était une des mieux inspirées pour écrire le « Dictionnaire amoureux du Québec » que lui ont demandé les éditions Plon. A titre d’exemple, on trouve dans l’entrée « New York » cette phrase souvent citée : « « Les Québécois vont à New York pour prendre le pouls de leur américanité. Nullement dépaysés, ils communient avec cette énergie paroxysmique avec d'autant plus d'enthousiasme et de ferveur qu'ils retourneront au Québec se reposer, en quelque sorte assurés de plus de leur spécificité nord-américaine. Lorsqu'ils croisent par hasard des Français à Washington Square, sur Lexington Avenue ou à Battery Park, ils prennent conscience, si cela était nécessaire, de leur identité propre ».

Féministe, elle a dû faire face à une agression sexuelle à l’âge de douze ans. Elle émerge dans le paysage médiatique français avec la verte dénonciation de la pédophilie de Gabriel Matzneff en 1990 lors d’une séquence d’ »Apostrophes », l’émission de Bernard Pivot. En 2011, à la suite de l’affaire Dominique Strauss-Kahn, elle écrit avec Françoise Laborde « Ne vous taisez plus » (Editions Fayard). Elle réfléchit dans d’autres livres publiés au Seuil à « La Déroute des sexes » et à « Nos hommes », toujours dans une perspective à la fois critique et constructive. Elle déploiera le même esprit dans son indispensable « Lettre ouverte aux Français qui se croient le nombril du monde » (Éditions Albin Michel), en précisant « J’aime tout de la France, même l’arrogance des Français »… Elle va nous manquer…
Denise Bombardier parle de la langue française: