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Les Cercles Condorcet

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Billet de blog 27 octobre 2023

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Aux confins de l’Europe, le Haut-Karabagh.

Fin septembre, l’armée d’Azerbaïdjan a occupé le Haut-Karabagh, territoire peuplé d’Arméniens. La plupart de ceux-ci, plus de 120.000 personnes, ont été contraints de fuir et de se réfugier en Arménie. Une épuration ethnique qui pose la question du rôle politique de l’Europe dans son propre continent.

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Illustration 1

Le Caucase est de nos jours divisé en trois pays : l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Les géographes ont parfois discuté de l’inclusion de cette région montagneuse dans l’Europe. Celle-ci est aujourd’hui admise. Certains anthropologues ont même considéré au XIX° siècle que les Georgiens incarnaient le plus beau type humain d’Europe. Les statistiques des pays anglo-saxons utilisent le terme « Caucasien » pour désigner les personnes d’origine européenne dans leurs recensements.

Illustration 2

En Azerbaïdjan, la région du Haut-Karabagh était massivement peuplée d’Arméniens. En 1921, Staline rattache ce territoire à la République soviétique d’Azerbaïdjan. A la suite de la dislocation de l’URSS, en 1991, et de trois guerres, les habitants votent leur constitution en République, l’Artsakh. Celle-ci ne reçoit pas de reconnaissance internationale. En 2023, après un blocus de neuf mois, l’armée azerbaidjanaise investit la région en deux jours, les 19 et 20 septembre. Terrorisés par les violences et les menaces, environ 120.000 habitants fuient en Arménie. L’UNHCR, agence de l’ONU pour les réfugiés lance une campagne pour leur venir en aide.

La volonté d’épuration ethnique est dénoncée par de nombreuses voix, dont celle de la ministre française de l’Europe Catherine Colonna. Une aide humanitaire est apportée par la France et une aide militaire est annoncée. Mais l’Union Européenne reste quasi inerte. Une affirmation politique est pourtant nécessaire. L’Arménie, pays pauvre qui doit accueillir des compatriotes représentant 5 % de sa population, reste menacée. La géopolitique locale joue contre elle. La force d’interposition russe n’a rien pu faire fin septembre. La Turquie et l’Azerbaïdjan, aux liens politiques, militaires et culturels forts, peuvent tenter de créer un couloir en s’appuyant sur une région située au sud de l’Arménie. De plus la tension entre l’Azerbaïdjan et l’Iran, qui compte une minorité d’environ 20 millions d’Azérie, ont conduit Israël à armer l’Azerbaïdjan.

Illustration 3

Le Caucase et ses peuples sont peu évoqués dans les médias. Un ouvrage collectif « Religion et politique dans le Caucase postsoviétique » coordonné par Bayram Balcı et Raoul Motika propose un riche tableau de la situation en montrant notamment comment des traditions ethnico-religieuses ont été réinventées à l’épreuve des évolutions intérieures et des influences extérieures. Des dizaines de peuples cohabitent depuis des millénaires au Caucase. Dans une région qui ne compte que 29 millions d’habitants, les linguistes estiment le nombre de langues à entre 60 et 70, certaines étant très proches les unes des autres. Elles sont classées en trois familles : caucasienne (la plus courante étant le géorgien), indo-européenne (Arménien…) et  turque (Azeri…). A ces trois langues principales correspondent approximativement trois Etats avec une religion historiquement dominante : Arménie (Christianisme), Géorgie (Christianisme) et Azerbaïdjan (Islam).

L’ouvrage collectif ambitionne d’explorer les facteurs d’analyse des renouveaux religieux, chrétien et musulman mais aussi juif, yezidi, molokane ou bahai dans l’ensemble caucasien. Ces renouveaux religieux sont analysés dans leurs principales composantes et leurs sources locales à la lumière des influences extérieures et nombreuses interactions multiformes qui lient les deux phénomènes. Il s’agit aussi d’observer comment le politique, héritier souvent laïque d’un ancien régime athéiste, se positionne en matière religieuse pour comprendre les nouvelles politiques identitaires nationales. Les velléités impérialistes des puissants voisins iranien, turc et russe sont présentées. Ce remarquable tableau de la situation au Caucase nous mets au pied du mur : tous les peuples européens se doivent d’être solidaires des autres peuples pour construire ensemble un avenir pacifique et prospère.  

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