Question juive, problème arabe. Une somme d’Henry Laurens

« En ma qualité de président de l’Organisation de Libération de la Palestine et de chef de la révolution palestinienne, je proclame que, lorsque nous parlons de nos espoirs communs pour la Palestine de demain, nos perspectives englobent tous les Juifs vivant actuellement en Palestine qui acceptent de coexister avec nous de manière pacifique et sans discrimination ». C’était en 1974. Yasser Arafat prononçait ses paroles à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU. L’objectif était de construire une Palestine démocratique et laïque dans laquelle chacun aurait sa place. Nous en sommes bien loin aujourd’hui où la montée aux extrêmes, les réaffirmations religieuses se traduisent par des dizaines de milliers de morts.

Les Européens, incapables de mettre fin à une guerre se déroulant au coeur de leur continent, sont mal placés pour donner des leçons. Toutefois, des proches, des parents, des divers protagonistes sont nos compatriotes. Nous avons au moins à comprendre ce qui se passe. Henry Laurens, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, étudie le Proche-Orient depuis une quarantaine d’années. Son grand œuvre « Question de Palestine » fait référence dans le monde entier. Son éditeur, Fayard, nous propose le condensé (de 750 pages!) qu’il en a tiré "Question juive problème arabe 1798-2001" Outre l’ampleur de ce travail, c’est sa précision et son impartialité qui la caractérise.

Ce conflit date du début du XX° siècle. A une première colonisation soutenue par la famille Rothschild s’ajoute celle du mouvement sioniste fondé par Théodore Herzl. Les premières violences entre Juifs et Arabes se déroulent en 1908. DE 1922 à 1948 la Palestine est sous mandat britannique. David Ben Gourion affirme en 1929, lors d’un débat avec des intellectuels juifs partisans d’un Etat binational,  : la grande victoire du sionisme est d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Sa ligne l’emporte et c’est lui qui lira en 1948 la proclamation d’indépendance de l’État d’Israël. Des centaines de milliers de Palestiniens ont du quitter leur pays à ce moment. C’est la « Nakba » (catastrophe en arabe).

Depuis la guerre n’a jamais cessé. Henri Laurens en détaille toutes les péripéties. La colonisation des territoires palestiniens se poursuit comme le montre une carte éloquente. Aux périodes d’accalmie succèdent des périodes de violence de plus en plus extrêmes, incluant répression quotidienne, détentions et exécutions arbitraires, condamnations d’Israël par les instances internationales, rôle prépondérant des USA, actes de terrorisme du Hamas, crimes de guerres commis par celui-ci et par l’armée israélienne comme le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a pu le prouver… Le vaste panorama établit par l’auteur s’arrête en 2001. La suite est marquée par l’intensification des références religieuses des deux côtés. C’est l'objet du prochain livre d’Henry Laurens.