Le silence des écrits est bavard. Il y a une ou deux décennies, j’allais je ne sais plus où lorsque mon regard a croisé une affiche d’Amnesty international sur laquelle une unique phrase était notée : “Il y a des silences plus insupportables que le bruit”. Cette pause foudroyante dans le brouhaha du quotidien a laissé une empreinte dans ma vie. D’ordinaire, le silence m’apaise, me nourrit, m’éclaire, me régénère mais ce silence-là m’a giflée.
Ce silence-là est pernicieux, il s’installe dans la vie de tous les jours par petites touches. Il débute par des astreintes minimes sur lesquelles nous fermons les yeux pour ne pas être dérangés. S’ensuivent une interdiction par-ci, une censure par-là, et nous voici habillés d’un superbe collier tel le Chien de la fable La Fontaine* :
[...] Le Loup reprit : "Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son Maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons :
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. "
Ce silence-là m’a redit que nous nous devons de ne jamais détourner la tête lorsque la liberté, la justice et tous principes élémentaires de vie sont bafoués.
Ce silence-là nécessite d’être transmué en mouvement, en paroles, en action.
Ce silence-là m’a rappelé mon boulot d’être humain.
* Le Loup et le Chien, Jean de La Fontaine.