Billet de blog 17 mars 2009

Sophie Dufau (avatar)

Sophie Dufau

Journaliste

Journaliste à Mediapart

La colère des universités

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I-POURQUOI LA COLERE

Pensées par leurs opposants comme des projets sarkozystes, les réformes en cours à l'université et dans les organismes de recherche trouvent leur origine dans des stratégies ébauchées par l'Union européenne. Et, en Italie comme en Finlande, grèves et manifestations se succèdent. Entretien avec Isabelle Bruno, maître de conférences en science politique, sur les effets de l'importation d'outils managériaux venus du privé.

 

Alors que le gouvernement continue de réécrire le décret sur le statut des enseignants-chercheurs dans l'espoir de déminer le conflit à l'université, la question de l'emploi prend une place prééminente dans les revendications des contestataires.

A en croire l'Elysée, les universitaires ne seraient pas évalués. Or comme l'expliquent dans le détail tous nos témoignages, ici, c'est «tous les quatre ans»; là, c'est à chaque fois qu'il faut «passer un échelon». En réalité, la communauté scientifique bruisse de plaintes contre l'excès d'évaluation. Bureaucratisation, temps perdu pour la recherche, «logique de mise en concurrence et d'individualisation des carrières»: l'hyper-évaluation tourmente l'université française. Et devient une question centrale du conflit opposant les enseignants-chercheurs à l'exécutif, figeant les universitaires sur la défense d'un statu quo dont beaucoup souhaitaient pourtant sortir.

A l'origine de la mobilisation dans les universités, deux réformes indépendantes l'une de l'autre : la modification du statut des enseignants-chercheurs et le nouveau parcours de formation des enseignants du secondaire et du primaire.

Une hausse des frais d'inscription, un manque de place récurrent en cité U et des loyers inabordables: les étudiants sont d'autant plus touchés par la crise qu'ils dépendent de familles elles-mêmes en difficulté et de bourses dont le montant n'a pas suivi l'inflation. A bout d'arguments, les assistantes sociales du Crous conseillent de travailler mais, là encore, pas évident de trouver en période de crise. Au moment où les enseignants du secondaire manifestent une nouvelle fois contre les projets de Xavier Darcos, enquête et reportage à Aix-en-Provence. Pour regarder le reportage multimédia, cliquez sur la photo.

Jeudi 20 novembre, des maîtres de conférences et des personnels d'université se joindront au cortège des enseignants de l'éducation nationale. Plus d'un an après le vote de la loi LRU, les enseignants-chercheurs s'apprêtent à vivre un bouleversement de leurs conditions de travail.

Valérie Pécresse se réjouit d'une hausse de 6,5% de son budget alors que les syndicats dénoncent une baisse d'un demi-milliard... Malgré les effets d'annonce, les moyens sont comptés.

Surprise à l'université d'automne de Sauvons la recherche, le congrès annuel du mouvement de chercheurs qui se termine dimanche 5 octobre: ce sont les chefs d'entreprise qui s'inquiètent de l'affaiblissement de la recherche publique. Et Albert Fert, prix Nobel de physique, trouve qu'on parle trop de rentabilité.

Le limogeage de la directrice du département de sciences humaines et sociales du CNRS annonce-t-il un gros temps de disette budgétaire pour l'organisme public? Déjà, huit des neuf directeurs scientifiques adjoints de ce département ont démissionné. La communauté scientifique s'inquiète.

Recul du gouvernement ou défaite de la communauté scientifique? L'adoption, après quelque six mois de controverses, par le conseil d'administration du CNRS mardi 1er juillet de la réforme le transformant en une fédération d'instituts marque une étape importante de l'évolution de l'organisme. Mais laisse ouverte les questions qui fâchent : quels crédits pour les années à venir? Combien de postes statutaires?

Alors que le CNRS est en pleine tourmente, le prix Nobel de physique 2007 prend la défense de l'organisme, qu'il décrit comme le "moteur principal" de la recherche en France. La ministre de la recherche, Valérie Pécresse, a reçu vendredi associations et syndicats pour tenter de calmer la crise. Dans cet entretien à Mediapart, Albert Fert détaille les forces actuelles de la recherche française, les liens qu'il estime être insuffisants entre privé et public et les pistes d'une réforme.

Prévu jeudi matin, le conseil d'administration du CNRS – qui devait marquer une étape dans la reconfiguration de la recherche française – a été bloqué par plus d'un millier de chercheurs et reporté. Catherine Bréchignac, présidente de l'organisme, reste déterminée à enclencher une réforme qui doit éclater le CNRS en six instituts thématiques. Mediapart dresse l'état des lieux du débat.

Vieux problème mais nouvelles questions: comment donc évaluer excellence et médiocrité dans la recherche, comment se confronter aux classements internationaux? Un nouveau système d'évaluation va se mettre en place, lié à la réforme de la recherche publique. Il pourrait introduire des évaluations quantitatives, sur la base des fréquences de publication et de classements des revues scientifiques. Cette perspective provoque de vifs débats, en particulier dans les sciences humaines et sociales.

Wendelin Werner, médaille Fields 2006, s'inquiète de voir appliquées des coutumes managériales dans l'organisation de la recherche publique en France.

II-UNE CONTESTATION ET DES ACTIONS SPECTACULAIRES

Le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche s'enfonce dans la crise. Pour Jean-Louis Fournel, président de Sauvons l'université, outre la politique et l'attitude du gouvernement, la gauche y a sa part de responsabilité en ayant échoué depuis vingt ans à penser l'université. Document vidéo.

Inaudible depuis le début du conflit dans les facultés, le PS est-il victime de ses divisions apparues au grand jour sur la loi d'autonomie? Pour Bertrand Monthubert, nouveau secrétaire national socialiste à l'enseignement supérieur et ancien président de Sauvons la recherche, le gouvernement commet une erreur idéologique en voulant mettre en concurrence les universités. Entretien.

A la quatrième semaine de grève à l'université, la contestation s'étend désormais aux laboratoires des organismes de recherche. En signe de protestation contre les propos de Nicolas Sarkozy sur leur niveau "médiocre", des scientifiques de l'institut Cochin ont envoyé par courrier leurs publications à l'Elysée. Reportage vidéo.

Dans un appel solennel prononcé lundi 9 février à la Sorbonne, une heure avant l'annonce par la ministre Valérie Pécresse du report de deux mois du décret sur le statut des enseignants-chercheurs, douze présidents d'université exigent le retrait de «tous les projets controversés» dans l'enseignement supérieur et l'éducation nationale. Reportage vidéo.

L'IUFM de Paris, école des futurs enseignants du primaire et du secondaire, est en grève depuis la semaine dernière. C'est l'un des premiers instituts de formation des maîtres à rejoindre le mouvement des universitaires contre les réformes en cours. Reportage sous forme de diaporama.

Nouveau revers pour la ministre Valérie Pécresse: Axel Kahn, le président de l'université Paris V, un des principaux soutiens de la loi votée en 2008, dont le projet de décret met le monde universitaire dans la rue, exhorte désormais Nicolas Sarkozy à lâcher l'affaire. Il a pris publiquement position, samedi 7 février, sur les ondes d'Europe 1. «Il faut reprendre le dialogue», a-t-il demandé.

Au lendemain du vote de la grève «générale, illimitée, reconductible» par la coordination nationale des universités, réunissant les représentants de 74 établissements, le mouvement se poursuit sans qu'une estimation précise ne soit encore possible. La ministre de l'enseignement supérieur a exclu tout recul sur les textes qui fâchent la communauté scientifique. Et en signe de protestation, des chercheurs ont organisé un lancer de chaussures contre le ministère.

A la Sorbonne, lundi après-midi, entre 300 et 350 personnes réunies en assemblée générale par la coordination nationale des universités ont débattu pendant plus de quatre heures pour établir leur stratégie de lutte. Avant de voter une grève «générale et illimitée». La ministre des universités Valérie Pécresse doit tenter de leur répondre aujourd'hui. Reportage.

A l'occasion de la journée de grève des enseignants-chercheurs, une AG improvisée de juristes du collectif pour la défense de l'université s'est tenue, lundi 26 janvier, à l'université Paris II. Dans un univers académique habituellement peu contestataire, c'est un fait exceptionnel. Reportage audio à télécharger et podcaster.

Plusieurs milliers de chercheurs dans la rue pour la «marche de tous les savoirs» organisée mardi 27 mai pour proclamer, en référence directe à la Gay Pride, leur fierté d'appartenir à une communauté scientifique qui souhaite rester autonome du pouvoir politique. Entretien audio avec Georges Debregeas, vice-président de Sauvons la recherche et initiateur de l'«Academic pride».

III- REPORTAGES DANS DES UNIVERSITES EN CRISE

La réécriture du décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs suffira-t-elle à apaiser le mouvement des universités contre le gouvernement? Valérie Pécresse reçoit, vendredi 27 février, les présidents d'université puis les syndicats dans l'espoir d'un accord. Mais le Snesup, majoritaire dans le supérieur, boycotte le rendez-vous. Surtout, la colère des universitaires dépasse le seul décret: suite et fin de notre reportage vidéo à l'université du littoral-côte d'Opale.

Les enseignants-chercheurs organisent une nouvelle journée de mobilisation, jeudi. Reportage vidéo à l'université du littoral-côte d'Opale (Ulco), petite fac de proximité du nord de la France: 11.000 étudiants, 38% de boursiers, 40% de précaires chez les personnels non enseignants.

Parfois la vie à l'université ressemble à des façades de bâtiment enveloppées de filets pour éviter que des pierres ne s'éboulent, à des fils électriques qui pendent dans le vide, à des salles de cours taguées, à des radiateurs attaqués par la rouille, à des faux plafonds troués, à des couloirs sans lumière. Mediapart a reçu un document qui témoigne de l'état de misère dans lequel vivent certaines universités françaises. Bienvenue à Aix-Marseille I, sur le campus lettres et sciences humaines de l'université de Provence.

«Des pépètes pour les pipettes!» C'est la signature d'un style politique: Sauvons la recherche a réussi l'alliage entre scientifiques et mobilisation. A l'occasion de son université d'automne, du 3 au 5 octobre, entretien avec Isabelle Sommier, spécialiste des mouvements sociaux, sur l'histoire de cette mobilisation et ce qu'elle a changé dans le milieu de la recherche.


Alors que la réforme de l'Etat menace le palais de la Découverte, trois chercheurs soutiennent ce «service public de la connaissance» qui sait aussi offrir des «shows scientifiques» au grand public. Entretiens vidéo.

Le Palais de la Découverte victime de la réforme de l'Etat? (27 avril 2008)

Au nom de la réforme générale des politiques publiques, le palais de la Découverte et la Cité des sciences doivent être regroupés en une seule unité administrative. Cette réforme met en péril la spécificité d'un musée unique en France, créé sous le Front populaire pour offrir au grand public l'accès aux savoirs fondamentaux de la science.

IV- UNE MINISTRE EN PREMIERE LIGNE

Recul, retrait ou maintien du cap? Sur le décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs comme sur la réforme de la formation des enseignants et des maîtres, le gouvernement peine à afficher une politique claire de réforme des universités. Les compromis esquissés ne sont plus suffisants, et l'ampleur du divorce entre les universitaires – de droite comme de gauche – et les ministères concernés rend une sortie de crise improbable. Les deux camps sont en pleine confusion.

Quelle part de responsabilité porte la ministre Valérie Pécresse dans l'intensité de la crise qui secoue l'université depuis bientôt trois mois? Manque d'écoute des membres de son cabinet, lenteur de réaction, erreurs dans la rédaction du décret sur le statut des enseignants-chercheurs... Au lendemain d'une nouvelle journée de manifestations qui ont réuni près de 40.000 personnes, la défiance entre le ministère et les universitaires atteint chez certains son paroxysme. Enquête sur Valérie Pécresse, cette ministre que l'on disait talentueuse et qui s'est aujourd'hui enfermée dans une impasse.


La contestation contre le projet de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs et celui sur la formation des enseignants s'intensifie ainsi que le montre notre carte des universités en grève, mise à jour quotidiennement. Après avoir organisé mardi matin "un lancer de chaussures contre le ministère" hier, les opposants aux réformes ont manifesté dans une vingtaine de villes. A Strasbourg, la visite de la ministre Valérie Pécresse a nécessité l'intervention des CRS.

Valérie Pécresse se réjouit d'une hausse de 6,5% de son budget alors que les syndicats dénoncent une baisse d'un demi-milliard... Malgré les effets d'annonce, les moyens sont comptés. Discussion aujourd'hui à l'Assemblée du budget 2009 pour l'université et la recherche.