Billet de blog 30 novembre 2010

Entretiens de Montreuil

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Les Entretiens de Montreuil du 6 novembre 2010 : Intervention de Claire Lévy-Vroelant

Entretiens de Montreuil

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Claire Lév-Vroelant est professeure à Paris 8 et spécialiste du logement. Voici son intervention lors de la première séance des Entretiens de Montreuil qui avait pour thème la ville-monde. Le texte qui suit a été synthétisé.

Illustration 1

Pourquoi Montreuil ambitionnerait d’être ou de devenir une ville monde ?

Qu’est-ce qu’une ville-monde ?

Des éclaircissements sont nécessaires car le terme ville-monde n’est clair qu’en apparence. Une ville-monde, est-ce une ville qui contient le monde ? Dans ce cas, c’est le monde qui est dans la ville : c’est une ville qui attire et une ville qui accueille.

(…)

Les deux dimensions, d’accueil du monde et de participation au gouvernement du monde, sont constitutives de la ville-monde.

La compétition est le régime auquel les villes monde sont soumises. Cela implique qu’elles sont constamment à la recherche de leur propre centralité (on parle d’atouts) et de tout ce qui est susceptible de les faire gagner dans la compétition mondiale. Ainsi, deux problématiques sont souvent identifiées par les acteurs du développement du territoire dans le cadre des métropoles : les « leviers de développement » d’une part, la « mise en réseaux des acteurs comme facteur de compétitivité d’autre part ».

 

Montreuil n’échappe pas à ce contexte, avec des inégalités sur le territoire lui-même

 

Mais une ville, même mondiale, ou qui participe à l’économie-monde, est aussi prise dans l’Etat nation, dans l’histoire de l’Etat nation, et dans la déclinaison locale de la réalité nationale.

La façon dont la France s’est constituée, la colonisation et ses suites, les politiques de l’emploi et de l’immigration, les politiques d’aménagement du territoire et du logement, et plus particulièrement la croissance de la capitale et l’urbanisation de la région parisienne, marquent profondément la structure sociale, économique, urbanistique d’une ville telle que Montreuil. Car la ville est prise aussi dans le développement d’un territoire, Montreuil, d’abord un village aux portes de la capitale, aujourd’hui sous la pression de la poussée parisienne…

 

La première ambition pourrait être, pour Montreuil, de se mieux connaitre elle-même, dans sa place propre dans l’économie-monde, dans la métropole, et donc dans ses héritages, dépendances et marges de liberté (acteurs faibles, acteurs forts, comment compter dans la décision ?) ainsi qu’à travers les échanges qu’elle entretient avec ses voisins et avec le monde.

 

 

2. Pour l’extension du domaine du social

 

Le terme de glocal, contraction de local et de global, est utile car il porte précisément sur la façon dont s’expriment et s’interprètent localement les effets de forces agissant à l’échelle mondiale, ou nationale, ou européenne.

La position de Montreuil aux portes de Paris n’est pas sans rapport avec l’ancienneté de ses attaches européennes, puis mondialisées ainsi qu’avec sa tradition ouvrière et démocratique. Aujourd’hui, le développement de la région parisienne entraine de nouveaux changements sociaux et démographiques, avec l’arrivée de nouvelles populations.

 

A Montreuil comme ailleurs, l’Etat agit contre la société.

Cela signifie moins de protection, moins de redistribution, moins de justice sociale, le creusement des inégalités, le laisser faire pour le marché (marché de l’emploi conduit sans garde fou par les logiques financières et boursières, marché du logement laissé à son libre cours comme s’il ne s’agissait pas d’un bien au moins en partie social), les libertés publiques bafouées, l’inhospitalité érigée en vertu, les étrangers malmenés, les jeunes découragés etc.

Ces logiques antisociales marquent la « feuille de route » de Montreuil comme d’autres villes de son importance.

Montreuil n’est pas seule à les affronter ni ne peut les affronter seule.

La mise en place des intercommunalités est une voie dans la mesure où ce ne sont pas les problèmes, mais les solutions qui sont mises en commun, mais le champ peut peut-être s’entendre au-delà - d’ailleurs il le fait via des réseaux internationaux.

Promouvoir la société contre l’Etat passe certes par la valorisation des activités des associations et de la culture. Mais plus largement, l’enjeu est dans l’identification et dans la promotion des ressources sociales. Des solutions logement sont trouvées dans des contextes autrement plus difficiles. Projets participatifs, initiatives de coopératives, accompagnement de création d’entreprises par le micro crédit, rapprochement par l’apprentissage direct des langues, etc. sont des voies alternatives à la logique de la compétition.

 

La deuxième ambition de Montreuil pourrait être l’extension du domaine du social, au sens de la créativité au service de l’intérêt général

 

3. la qualité de vie comme horizon

Promouvoir la justice sociale et l’accueil de l’autre n’exonère pas du dilemme suivant : faut-il, lorsqu’on est une ville de 100 000 habitants aux portes de Paris, s’affirmer dans la compétition (en entrant dans la course à l’image, en laissant les promoteurs faire grimper les prix, en privilégiant les opérations de prestige, etc.) ou s’affirmer dans la défense de la qualité de vie de chacun ?

Une qualité de vie originale, s’entend, et dont les critères ne sont pas nécessairement alignés sur ceux des agences au service des directions des ressources humaines de grandes firmes et des institutions mondiales !

Une qualité de vie qui permette la coprésence heureuse de populations aux réseaux et aux intérêts divers.

Une qualité d’ambiance qui exclut comme nul et non avenue la gestion théatralisée d’un soi disant « choc des diversités », mais qui intègre la prise en compte de l’autre, une idée de la qualité de vie qui considère comme potentiellement montreuillois tout habitant de la planète, et comme potentiellement habitant de la planète tout habitant montreuillois.

Une qualité de vie par laquelle prime serait donnée aux initiatives privées innovantes dans la mesure où elles sont socialement intéressantes, les modèles existent de par le monde et Montreuil en est riche !

Une qualité de vie qui préserve les lieux de vie et d’habitat populaire et arbitre dans ce sens l’aménagement du territoire ; qui prenne le temps des bons choix au cours des processus des ZAC, entre autre. (…)

En bref, la troisième ambition pourrait être le choix de la qualité de vie et non de la compétition, favorisant le temps long des processus d’engagement démocratique et de co-construction ne sacrifiant pas aux logiques de rentabilité immédiate.


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