Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis, dénonce ledispositif de bourses pour de jeunes étrangers jugés "performants". Un système destiné, selon lui, à «faire oublier par une prime donnée à quelques jeunes triés sur le volet les expulsions de parents sans papiers d’enfants scolarisés, voire de familles entières vers des pays parfois dangereux».
Éric Besson vient de présenter un nouveau dispositif qui offrira des bourses à des élèves étrangers qui, ayant fréquenté des classes pour non-francophones, sont jugés « performants » dans leurs études, cette performance étant mesurée par le fait d'avoir obtenu une mention bien ou très bien au baccalauréat, puis de poursuivre des études en IUT, STS ou en classes préparatoires exclusivement. Exit les autres ! En quoi un élève s’engageant dans des études universitaires de droit, d’économie, de sciences, de lettres ou de médecine serait-il moins méritant…si ce n’est un aveu du gouvernement (et notamment de la Ministre de l’Enseignement supérieur qui a nécessairement validé ce système) qui considère donc les filières universitaires comme définitivement de « seconde zone » ?
La motivation de cette proposition est claire et on devine la réunion de cabinet du Ministre où la commande a été passée : « Trouvez-moi vite quelque chose qui redore notre blason et fasse oublier nos objectifs chiffrés de reconduites à la frontière ». Bref, quelque chose qui permette de trouver malgré tout une validation républicaine inespérée à ce qui continue de déshonorer notre pays : l’appellation dans un même intitulé ministériel de l’immigration et de l’identité nationale.
Enfin, l’annonce : on convoque devant la presse et quelques élèves et leurs professeurs à la hâte...sans leur dire à l'avance quel ministre allait les recevoir. On a du s'assurer qu’il n’y avait pas de majeurs expulsables parmi eux, car cela aurait fait mauvaise impression. A-t-on poussé le sens du détail jusqu’à vérifier que les familles de ces jeunes n’avaient pas été expulsées ou même qu'aucune n'était en voie de l’être ? L’histoire vite écrite pour vendre la grandeur d’âme du Ministre et de sa politique (et en plus voler la vedette à ses collègues chargés de l’Education et se grandir dans le tableau du mérite présidentiel !) ne le dit pas.
Qu’espère ainsi Eric Besson : faire oublier par une prime donnée à quelques jeunes triés sur le volet les expulsions de parents sans-papiers d’enfants scolarisés, voire de familles entières vers des pays parfois dangereux ? Faire oublier ces jeunes majeurs étrangers devenus irréguliers le jour de leurs 18 ans, comme cette réfugiée congolaise que j’ai soutenue afin qu’elle obtienne un titre de séjour pour, après avoir obtenu un bac professionnel, s’inscrire in extrémis en BTS ? Faire oublier les menaces qui pèsent sur ceux qui viennent en aide à des étrangers en situation irrégulière, notamment des familles, et qui courent le risque quotidien d’être inquiétés pour délit de solidarité ? Faire oublier, en plus, la réduction de l’encadrement dans les établissements scolaires, y compris les restrictions de moyens pour les élèves non-francophones dans certaines écoles de ma ville de La Courneuve ?
Ce n'est bien sûr pas sans raison que ce dispositif est médiatisé quelques jours après le lancement d’un débat vicié sur l’identité nationale. Pour tenter de travestir son action, Éric Besson veut valoriser certains étrangers qu’il fait indirectement apparaître comme des exceptions parmi la masse des immigrés - choisis ou subis, on ne sait plus ? - qui sont jugés souvent illégitimes à être sur le sol français. Mais, cette volonté vient heurter la réalité des travailleurs immigrés sans papiers qui permettent tous les jours à des pans entiers de notre économie de fonctionner, notamment dans le secteur des travaux publics et de la restauration, et qui ne sont visibles, comme en ce moment, que lorsqu’ils se mettent eux-mêmes à la lumière. Les ouvriers sans-papiers qui, tous les jours et souvent depuis des années, acceptent des conditions de travail indignes sur de nombreux chantiers, ne sont-ils pas aussi méritants, Monsieur Besson, au point de leur accorder la régularisation de leur situation ?
Plus que de valoriser la promotion sociale et la diversité des réussites, Éric Besson continue de distinguer arbitrairement ceux qui, selon ses critères, sont dignes de mériter le label de « bons étrangers ». A tout ramener à une identité nationale mythifiée, il n’apaise pas la volonté d’égalité réelle exigée par les étrangers et par leurs enfants, eux qui deviennent pleinement citoyens français, mais dont la France peine encore à reconnaître leur histoire et le parcours de vie de leurs parents.
Si ce dispositif de bourses avait existé, il aurait peut-être aidé, à son époque, la jeune Marie Slodowska à faire des études en France...sauf que la politique conduite par Éric Besson ne lui aurait sans doute pas permis d’arriver dans notre pays avec un titre de séjour en règle – elle qui a émigré pour fuir Varsovie soumise à la Russie - et encore moins de régulariser sa situation une fois qu'elle a décidé de vivre sa vie en France quand elle s’est mariée et est devenue Marie Curie.