Billet de blog 11 juin 2009
L'accord de Nouméa a surmonté les clivages électoraux
Par Alban Bensa et Hamid Mokaddem(anthropologue directeur d'études à l'EHESS Paris et professeur de philosophie à l'IFM.NC de Nouméa)Le 10 mai 2009 se sont tenues en Nouvelle-Calédonie les élections provinciales en vue d'un renouvellement des trois assemblées de Province (Sud, Nord et Iles Loyautés) et, par là, des mandats au Congrès de la Nouvelle-Calédonie et au Gouvernement de cette collectivité d'outre-mer dont le statut est en évolution constante depuis bientôt trente années.
(anthropologue directeur d'études à l'EHESS Paris et professeur de philosophie à l'IFM.NC de Nouméa)
Le 10 mai 2009 se sont tenues en Nouvelle-Calédonie les élections provinciales en vue d'un renouvellement des trois assemblées de Province (Sud, Nord et Iles Loyautés) et, par là, des mandats au Congrès de la Nouvelle-Calédonie et au Gouvernement de cette collectivité d'outre-mer dont le statut est en évolution constante depuis bientôt trente années.
Ce scrutin de liste à un tour n'appelait aux urnes que les « citoyens de Nouvelle-Calédonie », seuls concernés par les élections provinciales et, à terme (à partir de 2014) par les référendums d'autodétermination. La loi constitutionnelle de 2007 distingue en effet ce corps électoral de celui (ouvert à tous les résidents) sollicité pour les élections municipales, législatives et présidentielles. C'est ainsi près de 18.000 habitants en Nouvelle-Calédonie, arrivés après 1998, qui ne prenaient pas part à ce vote. Rappelons que ce corps électoral restreint a été défini, dans un souci légitime et fort de décolonisation, par l'Accord de Nouméa (en 1998) afin que seules les personnes partageant véritablement l'histoire longue de la Nouvelle-Calédonie puissent s'exprimer sur son avenir.
Les élections du 10 mai ouvrent l'avant-dernière mandature, avant celle qui décidera ou non du transfert des compétences régaliennes de l'Etat français (monnaie, justice, défense et ordre public, relations internationales), qui accorderait alors une pleine souveraineté à la Nouvelle-Calédonie.
A mi-parcours de la période (1998-2019) que couvre l'Accord de Nouméa et alors que l'économie de la Nouvelle-Calédonie est à nouveau en pleine expansion sous l'impulsion de grands projets miniers, ces élections ont permis de dégager les nouvelles tendances de la conjoncture politique entre rassemblement autour de l'essentiel (l'Accord de Nouméa) et inquiétude quant au rééquilibrage économique et à l'avenir institutionnel de cet archipel du Pacifique.
Le scrutin, qui s'est déroulé dans le calme, donne encore lieu à une forte participation. Sur 135 932 inscrits, avec une participation de 72,5 %, les partis « indépendantistes » obtiennent 36 900 des suffrages dans les trois provinces réunies contre 55 026 suffrages aux partis « anti-indépendantistes » ; et 42,6 % des sièges d'élus indépendantistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie contre 57,4 % des sièges anti-indépendantistes. Cette répartition attribue de nouveau la majorité des 3/5e à ces derniers. Le référendum sur la souveraineté de la dernière mandature (2014-2019) donnera la victoire à la majorité des 3/5e. À trois, Calédonie ensemble, Avenir ensemble-LMD, et RPC pèsent nettement plus lourd en faveur d'une solution consensuelle négociée que le Rassemblement-UMP seul partisan d'un référendum anticipé. Le scrutin du 10 mai 2009 montre que s'est accrue en sept ans la proportion de ceux qui, au sein des formations loyalistes, s'efforcent de penser la sortie de l'Accord de Nouméa en termes de dialogue avec les indépendantistes plutôt que d'opposition.
Dans la Province-Sud :
A- Les non- indépendantistes de gouvernement se présentaient, sous trois bannières distinctes, correspondant chacune à des paris différents sur les transformations en cours de la situation politique de la Nouvelle-Calédonie (1).
1) Le Rassemblement UMP (RUMP), mené par Pierre Frogier, a martelé très tôt et très fort avec l'appui des médias l'idée d'une renégociation indispensable et au plus vite de l'Accord de Nouméa afin d'éviter qu'un « référendum couperet » place en 2014 face à face les partisans et les adversaires de l'indépendance sans autre porte de sortie. L'argument était quelque peu fallacieux dans le cadre d'un scrutin qui portait seulement sur le renouvellement des assemblées de Nouvelle-Calédonie (celle des trois Provinces, Sud, Nord et Iles Loyauté et l'Assemblée Territoriale) et pas sur l'indépendance ; d'autant plus que c'est seulement au moment du transfert des cinq dernières compétences de l'Etat français que se posera vraiment cette question, soit, pour le dernier des trois référendums prévus, pas avant 2018 ! Pierre Frogier, en décalage avec le véritable enjeu de ce scrutin, est allé jusqu'à parler de « purger l'idée d'indépendance », pensant ainsi sans doute séduire un électorat qui aurait, lui aussi, réduit l'Accord de Nouméa à la question de l'indépendance. Mais en mettant en avant la nécessité d'un barrage à l'application complète de l'Accord de Nouméa, le leader du RUMP a développé une stratégie de la tension et du contournement du cadre politique et juridique de la Nouvelle-Calédonie d'aujourd'hui qui n'a pas été porteuse sur le plan électoral : le RUMP, avec 15 sièges à l'Assemblée Territoriale, en perd 3, par rapport à la précédente mandature.
2) Calédonie Ensemble, parti issu de la scission d'Avenir ensemble, aux affaires entre 2004 et 2007 et emmené par Philippe Gomès a bénéficié du faux pas de Pierre Frogier. En défendant le bien fondé de l'Accord de Nouméa, Calédonie ensemble a opté pour une position plus réaliste pour la droite calédonienne et pour l'avenir économique de la Nouvelle-Calédonie : ne pas être favorable à l'indépendance sans renier pour autant la négociation avec les indépendantistes kanak. Philippe Gomès a même dialogué à la radio avec Paul Néaoutyine, président indépendantiste de la Province Nord et leader de l'une des composantes principales du mouvement indépendantiste et cet entretien a donné lieu à une publication (Le débat. Philippe Gomès-Paul Néaoutyine). Les deux acteurs politiques se sont affichés l'un et l'autre comme les continuateurs de l'Accord de Nouméa. Grâce à cette stratégie d'ouverture et d'apaisement, L'Avenir ensemble, avec 11 sièges au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, a fait une percée significative, au grand dam des anti-indépendantistes radicaux. Philippe Gomès se trouve ainsi dans une confortable position pour devenir président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
3) L'Avenir ensemble, entraîné par Harold Martin, avait comme Pierre Frogier, calé sa stratégie sur la peur de l'indépendance. Mais il n'a finalement obtenu que 3 sièges.
Si l'on mentionne, pour mémoire, l'effondrement du Front National Calédonien, qui avait pourtant rassemblé jusqu'à près de 20% des voix sur Nouméa lors du référendum pour ou contre l'Accord en 1998, il apparaît nettement qu'en Province Sud, la droite, quand elle n'a pas eu d'autre programme que de se montrer hostile à l'indépendance, n'a pas fait recette. Celles et ceux qui ont fait campagne contre l'Accord de Nouméa ont échoué. Les analyses posant cet accord comme un pari sur l'intelligence sont parvenues au fil de plus de dix années à emporter la conviction. La sagesse l'a emporté sur la surenchère.
Depuis les élections, les quatre partis de la droite anti-indépendantiste (RUMP, Avenir Ensemble, Calédonie Ensemble et RPC) se sont alignés sur le mot d'ordre lancé depuis Paris par l'Etat Ump : se souder autour d'un « pacte républicain » afin de se répartir les pouvoirs au sein des institutions locales : la présidence de la Province Sud pour Pierre Frogier, la présidence du Congrès de la Nouvelle-Calédonie pour Harold Martin et la présidence du Gouvernement pour Philippe Gomès, Déwé Gorodey, indépendantiste de l'UNI retrouvant sans doute la vice-présidence. On signalera l'ascension de Philippe Gomès. Les notables calédoniens ont dû reconnaître la performance de ce cadre formé par le RPCR de Jacques Lafleur bien qu'allochtone natif d'Alger mais ancré depuis plusieurs décennies en Nouvelle-Calédonie.
B - Du côté indépendantiste, quatre listes se sont présentées aux suffrages en Province Sud :
- celle du Parti Travailliste qui demande une accélération de la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa et l'avancée de la date des référendums tout en critiquant la gestion des indépendantistes engagés dans les institutions depuis 1998. La liste menée par Madame Goyètche n'ayant pas franchi la barre des 5% n'a donc pas d'élus en Province Sud.
- Sous le sigle du FLNKS, la liste réunissant des membres de l'Union Calédonienne et du Palika et défendant l'Accord de Nouméa est parvenue à obtenir 4 sièges, ce qui marque l'entrée des indépendantistes dans l'assemblée de la Province sud.
- La liste Ouverture citoyenne, menée par Louis Mapou et Marie-Claude Tjibaou, a tenté de rassembler au-delà du strict camp indépendantiste des gens attachés à la construction, vaille que vaille, de la Nouvelle-Calédonie. On a vu ainsi cohabiter des membres du Palika, de l'UC, du Parti socialiste calédonien et un ancien militant du RPCR Laurent Chatenay en réponse à l'appel lancé par l'Accord de Nouméa à l'élaboration d'une « nouvelle citoyenneté ». Mais cet effort électoral, engagé tardivement, n'est pas parvenu à obtenir de siège.
En Province Nord, les indépendantistes, majoritaires, présentaient trois listes distinctes :
- La liste de l'UNI, celle du Président sortant Paul Néaoutyine, aux affaires depuis 2002 et alors élue largement, s'est vue talonnée de très près par celle de l'Union calédonienne (UC) menée par une figure montante de ce parti, Gilbert Tuyénon. Ce jeune maire de Canala fait ainsi son entrée sur une scène politique plus large. Par ailleurs, le Parti Travailliste est parvenu à obtenir trois sièges, limitant de fait l'ancienne prépondérance de l'UNI.
Le recul de l'UNI correspond à un rajeunissement des cadres de l'UC et à un réajustement de son discours économique ; à l'usure sans doute aussi d'un pouvoir sur tous les fronts depuis sept ans. Le gouvernement provincial est certes parvenu avec détermination et autorité à prendre en charge efficacement la gestion du nickel et la mise en place de l'usine du nord, mais s'est peut-être un peu, dans le même moment, coupé d'un électorat jeune et impatient.
Le Parti Travailliste a grignoté des voix mais c'est la montée en puissance de Gilbert Tuyénon au sein de l'Union Calédonienne et, sur la l'avant-scène indépendantiste, qui est ici surtout remarquable. Son discours nouveau en faveur d'un rééquilibrage entre la côte Est (plus rurale) de la Nouvelle-Calédonie et la côte Ouest (davantage sous l'emprise des projets industriels) a séduit, tout comme son souci de voir les capitaux accumulés par la Province Nord, fruits d'une gestion certes habile du Président sortant mais jugée trop prudente, utilisés plus largement au profit de la population.
Du côté loyaliste, le Rassemblement UMP (RUMP) s'est divisé en deux listes. Stratégie fatale qui ne donne à la droite de la Province Nord que deux sièges à l'Assemblée : Léontine Ponga pour le RUMP et Gérard Poadja se présentant sur une liste Province pour tous (proche de Calédonie Ensemble de Philippe Gomès). Eric Babin en refusant de soutenir une liste soutenue par un Kanak (Gérard Poadja), a privé le RUMP de l'apport des voix mélanésiennes loyalistes. Cette division a été d'autant plus fatale aux loyalistes du nord que, finalement, selon des alchimies dont l'histoire des clans et des chefferies ont parfois le secret (2), la voix de Gérard Poadja, trop isolée pour peser au nom d'un groupe, a été prépondérante pour permettre à l'indépendantiste Paul Néaoutyine d'être réélu président de la Province Nord.
Aux Iles Loyauté, les indépendantistes ont raflé la mise en éliminant du paysage les loyalistes. L'Union Calédonienne des Îles, menée par Néko Hnépeun, a obtenu 6 sièges contre 4 de la liste UNI (issue du Palika) conduite par un dissident de l'UC, Jacques Lalié. Les militants Palika de Maré n'ont pas soutenu la liste UNI en précisant que Jacques Lalié ne faisait pas partie du Palika. Leurs voix se sont reportées sur Nidoïsh Naisseline du LKS qui réussit ainsi à avoir 2 sièges sous l'étiquette de « Développement Autochtone ». On doit souligner l'entrée dans la Province des Îles du Parti Travailliste de Louis Kotra Uregéi avec 2 sièges. Néko Hnépéun, avec l'aide de Développement Autochtone, est reconduit à la présidence en échange des dossiers solides demandés par le LKS (Développement Autochtone), notamment celui des transports maritimes et aériens, atout politique et économique vital. La présidence des Îles s'exerce donc selon le commentaire de Jacques Lalié « avec le LKS ».
Nidoïsh Naisseline au grand dam de l'USTKE, syndicat lié au Parti Travailliste, récupère la présidence de Aircal (Air calédonie). Le refus catégorique de Nidoïsh Naisseline de payer les 50 jours de grève des militants de l'USTKE fait que ces derniers ont durci leur position en occupant deux avions parqués sur le sol lors du week-end de la Pentecôte. Ancien directeur de cabinet du ministre de l'Outre Mer jusqu'en 2008, Christian Estrosi, Yves Dassonville actuel Haut commissaire de la République, a décidé de faire régner avec fermeté l'ordre public et le GIGN. Les gardes mobiles et les CRS ont fait évacuer manu militari l'aéroport de Magenta. Gérard Jodar, patron de l'USTKE, avec quelques militants sont emprisonnés et seront jugés dans les prochaines jours en comparution immédiate.
Dans la Province des îles, aucun parti anti-indépendantiste n'a d'élu. Simon Loueckhotte jouant son poste, s'est présenté en se ralliant à l'Avenir ensemble. Il garde quand même un siège dans le prochain gouvernement grâce à son poste de sénateur de la République.
Les combinaisons politiques provinciales entre UC/LKS (3) dans les îles et la victoire difficile de Paul Néaoutyine dans le Nord attestent d'un retour de la tension entre les deux principales composantes indépendantistes (UC et PALIKA-UNI). Durant la campagne électorale, les deux partis ne se sont pas faits de cadeaux. De fait, pour les élections des 11 membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, deux listes s'affrontent : le FLNKS (UC) et l'UNI (Palika associé à l'Union Progessiste Mélanésienne, UPM, qui a obtenu un siège en Province Nord ). Derrière la bipolarisation des deux blocs politiques indépendantiste/anti-indépendantiste, subsistent donc des clivages profonds au sein du mouvement indépendantiste, reposant pour l'essentiel sur la compétition interne entre le Palika et l'Union Calédonienne. Cette situation présage d'une gestion animée des Provinces Nord et Îles pourtant à dominante indépendantiste.
Mais plus globalement, les élections du 10 mai montrent que l'Accord de Nouméa est entendu, reconnu et respecté, malgré sa laborieuse application, notamment dans le domaine des transferts de compétences de l'enseignement du second degré, gros dossier de la prochaine mandature.
L'USTKE, syndicat majoritaire dont la branche politique est le Parti Travailliste entre désormais dans le jeu de l'Accord de Nouméa alors qu'il estimait en avoir été écarté. On peut dire qu'aujourd'hui, en Nouvelle-Calédonie, personne ne conteste plus sérieusement la légitimité de l'Accord mais chacun veut tirer ce processus à son avantage.
Les élections du 10 mai en Nouvelle-Calédonie ont donc mis en compétition une vingtaine de listes. Même si la répartition globale des voix quant à l'avenir souhaité pour la Nouvelle-Calédonie reste la même (pour l'indépendance, 40% ; contre l'indépendance 60%,), cette fragmentation - qui est habituelle à chaque scrutin calédonien - laisse toutefois apparaître un net soutien des indépendantistes et des loyalistes au processus de l'Accord de Nouméa. Cette assise de plus en plus solide de l'Accord devrait permettre la poursuite du transfert de compétences et des efforts de rééquilibrage économique, notamment avec la construction de l'usine du nord et l'exploitation du nickel du massif du Koniambo. Ce cadre politique, confirmé par un souci que partage une majorité de Calédoniens toutes communautés confondues, de construire le pays au mieux avant de décider de son avenir politique, marginalise les options les plus radicales. L'accélération de la marche coûte que coûte vers l'indépendance prônée par le Parti Travailliste ou, à l'inverse, le repli un tantinet déphasé sur le maintien de la « Calédonie dans la République française » à rebours de la logique des Accords qui laisse l'avenir ouvert, conservent toutefois une certaine capacité de déstabilisation. Ces options extrêmes et symétriques se soutiennent finalement l'une l'autre, à tel point qu'on a pu dire localement que la répression parfois excessive contre les militants du Parti Travailliste apportait un soutien indirect à ce parti et par contre coup aux adversaires les plus radicaux... de l'indépendance.
La fragmentation de l'électorat en de multiples listes atteste aussi dans chaque camp d'une diversification intéressante des analyses, symptômes certes d'ambitions politiques mais aussi de vrais problèmes.
En Province Nord, la fin de l'hégémonie du Palika au profit de l'Union Calédonienne et dans une moindre mesure du Parti travailliste (PT), montre que la logique de développement industriel risque de laisser au bord de la route les populations les plus rurales, notamment sur la côte est. Le retour en force aux affaires de l'UC et l'entrée à l'assemblée du PT permettront sans doute d'améliorer le débat, autour notamment de la question sociale et écologique.
En Province Sud, l'émergence au sein du pôle loyaliste d'une voie pragmatique, autour de La Calédonie ensemble de Philippe Gomès, bat en brèche les discours anti-indépendantistes les plus martiaux, même si ces derniers sont soutenus par le gouvernement Sarkozy.
Ce développement d'une autonomie de pensée et d'action des Calédoniens, confortée par l'Accord de Nouméa, ne doit pas pour autant faire oublier une situation économique globale préoccupante. Les risques de pollution par la mine du Sud (Goro) récemment rappelés par un accident majeur (une fuite d'acide chlorhydrique), le creusement des inégalités et l'accroissement sauvage de la population en raison de l'installation incontrôlée de gens venus de France et restant largement extérieurs et imperméables à la logique de l'Accord de Nouméa, peuvent nourrir des inquiétudes. Ainsi la reprise de l'utopie coloniale (« la Calédonie c'est la France ») ou, à l'inverse, le repli sur l'idée d'une autochtonie kanak irréductible qui nie les progrès liés à la mise en œuvre des Accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998) peuvent constituer des risques non négligeables de dérapage. Il semble que loyalistes et indépendantistes aient voulu se prémunir de ces dangers par leurs votes du 10 mai. Reste à savoir si Paris saura prendre la mesure de cette modération lucide. La visite annoncée du président Sarkozy sur le « caillou » en juillet prochain servira à cet égard de test.
Rappelons que L'Etat a insufflé l'idée d'un « pacte républicain » aux trois partis politiques loyalistes (RUMP, Avenir Ensemble et Calédonie ensemble) pour qu'ils se partagent les pouvoirs locaux : Province sud, Congrès de la Nouvelle-Calédonie et Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie). Paris tient à la stabilité des institutions politiques issues de l'Accord de Nouméa, comme à la continuation du processus initié par cet accord afin d'éviter les désordres internes nuisibles à la présence de la France dans le Pacifique, acceptée par les pays anglophones de la région depuis la fin des essais nucléaires français en Polynésie.
(1) Il faut rappeler que ces élections concernaient les électeurs du corps électoral spécial en Province Sud, pour les Provinciales de 2009 il y a eu 72 584 inscrits contre 86 581 inscrits pour les Municipales de 2008. Le Rump a totalisé 15 603 voix en 2009 contre 21 058 voix en 2008. Les deux partis Calédonie ensemble et Avenir ensemble ont totalisé 21 364 voix contre 17 004 voix en 2008. La scission de l'Avenir ensemble et le différend entre Didier Leroux/Harold Martin d'un côté et Philippe Gomès de l'autre a profité au RUMP.
(2) Cf A. Bensa et A. Goromido, Histoire d'une chefferie kanak, Paris, Karthala, 2005.
(3) Le LKS, Libération Kanak Socialiste, issu d'une scission avec le Palika il y a trente ans, s'est longtemps présenté comme un parti indépendantiste modéré. Surtout implanté aux Iles Loyautés, il n'avait pas, au moment des événements qui secouèrent la Nouvelle-Calédonie entre 1984 et 1988, adhéré au FLNKS.
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