Dans le débat engagé sur la transition énergétique et malgré l’engagement de François Hollande de remettre en cause la suprématie absolue du nucléaire dans le « bouquet » électrique français, « deux mots restent pour l’instant totalement tabous : l'uranium et le plutonium ». Or ne pas aborder ces questions d'urgence « revient à préempter gravement l’avenir », relève Benjamin Dessus, président de l'association de scientifiques Global Chance.
Dans le débat qui s’est tant bien que mal engagé sur la transition énergétique, et malgré l’engagement de François Hollande de remettre en cause la suprématie absolue du nucléaire dans le « bouquet » électrique français, deux mots restent pour l’instant totalement tabous : l'uranium et le plutonium.
Dans les 94 pages de sa présentation du bilan énergétique de la France en 2011, le Service observation et statistiques du ministère de l’Ecologie évite soigneusement ces mots qui fâchent. L’uranium totalement importé qui alimente nos centrales disparaît au profit d’un terme abscons et totalement faux d’« électricité primaire », qui regroupe en fait les énergies renouvelables électriques et la chaleur (et non pas l’électricité) produite par la fission de l’uranium dans les chaudières des réacteurs nucléaires. Et la page consacrée à la facture énergétique de la France évoque naturellement les factures pétrolières et gazières, mais ignore totalement la facture de l’uranium importé. Même chose pour le plutonium obtenu par retraitement des combustibles uranium usés qui est sensé être réutilisé dans nos centrales nucléaires sous forme de mélange avec de l’uranium, le MOX, dont le sigle ne figure même pas dans le répertoire des abréviations de ce document.
Et pourtant, la question du plutonium est au cœur des programmes nucléaires civils des pays concernés, d’autant que les stocks de plutonium inemployé en provenance du secteur civil dépassent désormais ceux de plutonium militaire… Les stocks de plutonium existants ou à venir (civil et militaire) dépendront très largement des programmes de ces différents pays.
Qu’adviendra-t-il par exemple du stock de plutonium de La Hague si, comme l’a promis François Hollande, la part du nucléaire tombe en 2025 de 75% à 50% ? Jusqu’à quand peut-on alors continuer le retraitement sans accumuler du plutonium, alors que c’est une matière particulièrement dangereuse et les réacteurs autorisés à utiliser le MOX seront peut-être tous fermés d’ici 2025 ? Que va-t-on faire du MOX irradié (qui n’est pas aujourd’hui retraité) et dont on sait qu’il n’est pas stockable à grande profondeur avant un refroidissement d’une centaine d’années de plus que pour les combustibles à uranium. Existe-t-il d’autres solutions que le stockage en piscine ? Que faire du plutonium non transformé en MOX pour en diminuer la dangerosité (prolifération et environnement) ? Comment font nos collègues étrangers qui sont confrontés à ce même type de problèmes ?
Il est urgent d’aborder ces questions. Ne pas le faire revient à préempter gravement l’avenir et à remettre pratiquement en cause la possibilité de faire varier la trajectoire nucléaire française.
C’est pourquoi, devant le mutisme total de l’administration et des industriels sur ces sujets majeurs, Global Chance a décidé d’organiser, le 19 mars, avec l’International Panel on Fissile Materials (IPFM) un séminaire qui a pour but de dresser un panorama général de la situation mondiale, de confronter les stratégies de différents grands pays et d’en tirer des enseignements pour la France.
L’IPFM, créé en 2006, est un groupe indépendant d’experts en matière de contrôle d’armement et de non-prolifération. Le panel est basé à l’Université de Princeton, aux Etats-Unis. Les coprésidents sont le professeur Frank von Hippel et le professeur émérite R. Rajaraman de l’Université Jawaharlal Nehru, New Delhi. Les membres du panel représentent 17 pays. Sa mission est d’analyser les bases des initiatives politiques destinées à sécuriser, consolider et réduire des stocks d’uranium hautement enrichi et de plutonium. Ces matières fissiles sont en effet les ingrédients principaux des armes nucléaires et leur contrôle est indispensable pour prévenir la prolifération des armes nucléaires et leur acquisition par des organisations terroristes.
Voici le programme de ce séminaire qui devrait nous permettre de mieux comprendre les enjeux et les risques qui s’attachent à l’industrie du plutonium et du Mox et les pistes de solutions envisagées au niveau international pour en minimiser les divers dangers:
Plutonium – ressource énergétique ou fardeau mondial?
Programme du séminaire du 19 mars à la Fondation pour le progrès de l’homme, 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris
- 9h00-9h15, Introduction: Benjamin Dessus, président de Global Chance.
- 9h15-9h45, Panorama international - nature et origine de l’impasse plutonium et quelques options de sortie: professeur Frank von Hippel, président de l'International Panel on Fissile Materials (IPFM).
- 9h45-10h15, L’échec de l’industrie du plutonium au Royaume-Uni: professeur Gordon MacKerron, directeur du SPRU, University of Sussex
- 10h15-10h45, Le combustible MOX et ses risques: Jean-Claude Zerbib, ingénieur radioprotection, ancien du CEA, et André Guillemette, ingénieur, ancien de la DCN, Cherbourg
- 11h00-11h30, L’approche allemande - abandon du retraitement et stockage à sec: Klaus Janber, ancien PDG de la GNS
- 11h30-12h00, Les défis non relevés de la stratégie française du plutonium: Mycle Schneider, consultant international
- 12h00-13h00, Débat
La modération des présentations et des échanges sera assurée par Bernard Laponche, polytechnicien, docteur ès sciences, membre de Global Chance. Les participants disposeront d’une traduction simultanée anglais-français. Inscription gratuite auprès de globalchance@wanadoo.fr
Benjamin Dessus, président de Global Chance