Billet de blog 15 octobre 2008

François Danel

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A quand un plan de sauvetage des affamés?

Ce jeudi, les Nations unies organisent la journée mondiale de l'alimentation. Après les «émeutes de la faim», au début de l'année, Nicolas Sarkozy avait proposé la mise en place d'«un partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture». Six mois plus tard, François Danel, directeur général d'Action contre la faim — qui soutient l'initiative — déplore que la crise financière ait occulté la crise alimentaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce jeudi, les Nations unies organisent la journée mondiale de l'alimentation. Après les «émeutes de la faim», au début de l'année, Nicolas Sarkozy avait proposé la mise en place d'«un partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture». Six mois plus tard, François Danel, directeur général d'Action contre la faim — qui soutient l'initiative — déplore que la crise financière ait occulté la crise alimentaire.

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Il aura fallu moins de 15 jours à quelques Etats occidentaux pour investir plus de 1.000 milliards d'euros pour sauver les banques en faillite — ce montant est certainement le prix nécessaire à payer pour sauvegarder l'économie mondiale — alors qu'aucune des promesses qu'ils avaient faites pour venir à bout de la crise alimentaire n'a été tenue.

En juin 2008 plus de 6,5 milliards d'euros de dons avaient été promis lors du sommet de la FAO à Rome. (3 milliards d'euros par an suffiraient pour soigner les 19 millions d'enfants malnutris en danger de mort). 500 millions de dollars ont été versés au Programme alimentaire mondial en juillet. Depuis, rien.

Les victimes de la faim sont en train de devenir les victimes d'une triple peine :

— La première peine qu'ils subissent depuis de nombreuses années est l'abandon quasi-total des dirigeants de l'aide publique internationale.

— La deuxième est survenue avec la crise alimentaire et l'explosion du prix des denrées qui ont rendu l'accès aux produits alimentaires encore plus difficile pour les plus vulnérables. Conséquence directe et malheureusement provisoire de cette flambée des prix, la FAO annonçait en septembre 2008 près de 75 millions de personnes en plus victimes de la faim dans le monde (portant le chiffre total à 923 millions de personnes).

— Enfin, troisième peine encourue de l'avis même des dirigeants de la Banque mondiale : la crise financière. Le directeur de la Banque mondiale, Robert Zoellick parle désormais d'une « crise humaine » qui se répand rapidement dans les pays en développement. Le symbole du milliard des victimes de la faim risque d'être franchi sous peu...

Les zones où frappe la malnutrition sont connues et pour la plupart accessibles. Les produits pour traiter la malnutrition existent et sont extrêmement efficaces. Ils permettent un accès et un traitement aisés aux enfants, même dans les zones les plus reculées. Les protocoles de détection et de prévention sont également au point. La faim n'est pas une fatalité. Seule la négligence collective condamne ces enfants à la mort. Ne restons pas les complices de ce crime !

Après les émeutes de la faim, un groupe interministériel français a porté l'idée d'un partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture qui s'organiserait autour 3 piliers. Le premier est la création d'une coordination internationale permettant d'assurer une meilleure cohérence des politiques mondiales et des actions locales pour la sécurité alimentaire. Le deuxième propose la création d'un groupe international d'experts sur la sécurité alimentaire (GIESA). Enfin, le dernier est un fonds ou une « facilité » permettant de lever des fonds additionnels.

Ce partenariat mondial comprend de nombreuses innovations prometteuses, bien que nous y voyions aussi un certain nombre de points de vigilance dont la part accordée à l'enjeu vital de lutte contre la malnutrition qui nous paraît bien faible.

Aujourd'hui, pour que ce partenariat voie le jour, ce sont les ressources financières qui manquent. Le rôle de la France est déterminant. Malgré une conjoncture économique critique, il nous paraît essentiel que le gouvernement français s'engage sur les 50 premiers millions qui feront boule de neige auprès des autres Etats impliqués dans le projet. Une somme bien dérisoire comparée aux fonds débloqués pour faire face à la crise financière... On nous rétorquera « que ce n'est pas le même chose » ou que « la faim ne fait pas partie des questions stratégiques » : qu'est ce qui est plus stratégique que la vie de près d'une personne sur six sur la planète ?

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