Billet de blog 25 septembre 2008

Michaël Zemmour

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Lutte contre la pauvreté: le RSA ne suffit pas

Michaël Zemmour, responsable de l'action sociale au syndicat étudiant UNEF, plaide pour la mise en place d'un véritable statut pour les18-25 ans, exclus des dispositifs d'aide et réduits à choisir entre la dépendance et la précarité, et la mise en œuvre d'une allocation autonomie pour les jeunes adultes en formation et en insertion.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Michaël Zemmour, responsable de l'action sociale au syndicat étudiant UNEF, plaide pour la mise en place d'un véritable statut pour les18-25 ans, exclus des dispositifs d'aide et réduits à choisir entre la dépendance et la précarité, et la mise en œuvre d'une allocation autonomie pour les jeunes adultes en formation et en insertion.

Illustration 1

La mise en place du RSA n'est pas satisfaisante : le gouvernement renonce à poser la question de l'accès à l'emploi à temps plein et du niveau des salaires, et pousse les privés d'emplois à accepter des jobs à temps très partiel sous peine de perdre tout soutient. Mais il y a une autre question à coté de laquelle passe le gouvernement avec le RSA : les moins de 25 ans restent exclus de tout dispositif. Pour en finir avec la précarité des jeunes l'UNEF porte le projet d'un statut social pour la jeunesse et d'une allocation autonomie pour les jeunes en formation et en insertion.

Les jeunes coincés entre dépendance et précarité

En effet, entre 18 et 25 ans, les jeunes de France ne bénéficient d'aucune protection : pas de RMI avant 25 ans, pas le droit de toucher le chômage quand on n'a pas suffisamment travaillé ou qu'on est inscrit à la fac, etc. Quelques dispositifs éparses existent (des bourses en nombre insuffisant d'un montant maximum de 350 euros par mois, des aides au logement qui n'ont pas augmenté depuis 1994), mais de manière générale, en l'absence de statut, les jeunes sont coincés entre la dépendance vis-à-vis de la famille et la précarité des petits boulots et stages qui s'enchaînent. Majeurs civilement les jeunes sont donc mineurs socialement considérés comme de véritables «enfants à charge».

Conséquence de cette situation, la précarité s'accroît : plus de 100.000 jeunes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, et un étudiant sur deux travaille au détriment de ses études. La possibilité de se former, de faire des études, ou même de quitter le domicile familial dépend largement de l'origine sociale et de l'autorisation des parents ! Pour toute une génération, l'ascenseur social fonce...vers le bas. Sur le marché du travail, le constat est le même : les contrats précaires, stages sous-payés, les emplois sous qualifiés et les périodes de chômages s'enchaînent, repoussant l'entrée dans le premier emploi stable à l'âge de 27 ans en moyenne. En ce sens, le CPE ou le SMIC au rabais sont emblématiques d'une mécanique largement à l'œuvre : habituer toute une génération à l'insécurité sociale.

La jeunesse a besoin d'un statut

Comment est-on arrivé là ? Tout simplement parce que depuis une trentaine d'année la société française ne s'est pas rendue compte qu'un nouvel âge de la vie est apparu : entre l'enfance et l'installation dans un emploi stable, la jeunesse s'étale parfois sur une dizaine d'années. C'est le temps de la prise d'autonomie, de la construction de projet et de la formation supérieure et professionnelle. Comme les allocations familiales permettent de protéger l'enfance ou la retraite de protéger le troisième âge contre la précarité et la dépendance vis-à-vis des familles, notre génération a également besoin d'être couverte par un véritable statut qui fasse à la jeunesse sa place dans la société.

C'est la raison pour laquelle l'UNEF ne revendique pas l'extension du RSA ou d'un revenu minimum au moins de 25 ans, mais véritablement la reconnaissance d'un statut et la mise en place d'une allocation d'autonomie, prestation universelle destinée à permettre à chaque jeune de se former et d'accéder à l'autonomie quelque soit sa situation sociale ou familiale. Ce qu'attend notre génération, ce n'est pas une aumône, c'est la création d'une nouvelle protection qui fasse le pari de l'avenir.

L'allocation d'autonomie coûte cher mais rapportera plus !

Attribuée à chaque jeune en formation ou en insertion en fonction de sa situation (logement, coût de la vie) et des ressources dont il dispose (rémunération de stage, transfert de la famille...) l'allocation d'autonomie coûte environ 15 milliards d'euros pour verser une prestation variable allant jusqu'à 900 euros par mois. La moitié de cette somme peut être amenée par une meilleure utilisation des fonds publics consacrés à la jeunesse : qui sait par exemple que la «demi-part fiscale» qui donne lieu à des exonérations d'impôts dirigées vers les parents d'étudiants les plus riches représente plus d'argent que l'ensemble des bourses ? Il reste à trouver 8 milliards. On peut envisager la mobilisation de ressources fiscales et la création d'une nouvelle cotisation sociale pour les employeurs qui bénéficieront directement des qualifications des futurs salariés. Trop cher penseront-certains ? Chaque année l'Etat dépense 15 milliards d'euros d'exonération d'impôts aux plus riches pour un plan de relance qui n'a pas franchement fait ses preuves...et chaque année un jeune sur quatre arrête ses études pour des difficultés financières. Pourtant, permettre à un jeune d'obtenir une qualification ou d'étudier un an de plus c'est augmenter sa « productivité » de 8% .

Alors qu'est ce qui est le plus couteux ? Faire le pari de l'émancipation et de la formation qualifiante pour chaque jeune ou jouer la carte de la précarité.

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