Après deux romans remarqués et remarquables (La théorie des nuages - une quête quasi borgèsienne d’ouvrages de météorologie ; Fils unique - Jean Jacques vu par son frère) et une incursion, pour Les monstres, dans la série « Découvertes », parus chez Gallimard, Stéphane Audeguy, jeune écrivain trentenaire, s’emploie, sous forme d’abécédaire, à ce Petit éloge de la douceur, qu’il tient à ne surtout pas intituler « manifeste » ou « traité »…
Ni plus ni moins qu’une « introduction à la vie douce » ! Laquelle n’est pas, bien sûr, quelque mièvrerie impuissante, (elle a sa dose d’énergie, ses affirmations, ses choix...) mais le dédain de toutes ces positions de pouvoir qui nous privent d’une existence libre « aux contours incertains que la gaité inspire »…
Comme dans les stratégies taoïstes, le point le plus faible, le plus feutré, est aussi le plus solide, le plus retentissant. A condition de se défaire de la domination concurrentielle, de ne s’occuper qu’au jeu sans enjeu des nuances, des variations sensibles, de l’exceptionnel que nous offre chaque instant… Le nu, et non pas le « nudisme »… Le vivace, et non pas le » vitalisme »…Nous allons croiser, entre autres : le sucre aromatisé des friandises… l’intelligence des frôlements et des caresses, à la place de la bêtise des copulations fixes en technicolor… Chet Baker et Fred Astaire et Samuel Beckett… l’ascendance des inflexions… la tempérance des climats… la pratique de la poésie et de la politesse… l’oblique Ulysse vivant plutôt que le fonceur Achille, mis au tapis d’une maligne flèche lui perçant le talon… l’infini des préludes contre l’univers clos des objectifs… les déviances, déviations, masques et intermédiaires des plaisirs fluides… Et tant de zigzags, tant de rêveries…
Alors, profitons de ce souffle zéphyrien, qui s’insinue à rebrousse-poil sur l’échine de notre époque adoratrice des idoles carnassières ; profitons de sa couche moelleuse, elle nous invite aux délices d’un monde flottant, comme dans une chanson d‘Alain Souchon le ballon d’hélium de l’enfance… Stéphane Audeguy , Petit éloge de la douceur, Folio, 2€ Et, à paraître en janvier, Nous autres et In memoriam , Editions Gallimard.