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Billet de blog 10 août 2010

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Locarno : les monstres du cinéma ne sont plus ce qu’ils étaient

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Chiara Mastroianni vient d’être célébrée à Locarno: elle parle de son travail de comédienne avec simplicité, racontant ses amitiés pour les metteurs en scène, ses doutes récurrents (« ne faudrait-il pas refaire cette prise ? »), son amitié avec Melvil Poupaud (ils étaient au lycée ensemble) qui l’a décidée à se lancer. Le cinéma, elle l’a appris comme une chanson douce, avec ses parents Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve. Élevée plutôt strictement – pour preuve, elle a porté ces horribles cagoules qu’affectionnait toute mère inquiète des amygdales et des végétations de sa fille, pourquoi les garçons y échappaient, qu’on me le dise –, elle avait la permission de se coucher tard pour profiter du Ciné-Club de Claude-Jean Philippe, tous les vendredis soir à la télévision. Catherine Deneuve n’hésitait pas alors à braver l’interdiction faite aux moins de 13 ans pour emmener safille voir Le Bal des Vampires, dusse-t-elle batailler longuement avec l’ouvreuse. Un vrai privilège ! Spontanée, passionnée, pudique, Chiara Mastroianni séduit. Nous aimerions la voir au théâtre, cela viendra peut-être.

Jia Zhang-Ke a reçu un Léopard d’honneur, c’est un grand cinéaste. Nous avons vu à Locarno l’excellent Platform, qui raconte l’histoire d’une troupe de jeunes comédiens au tout début de l’ouverture de la Chine. Ce qui intéresse Jia Zhang-Ke, c’est la façon dont chacun se débrouille face aux changements ultra-rapides de la société chinoise. Même si le taoïsme le dit depuis longtemps, « les changements règlent l’univers », nous savons tous combien il nous est difficile de nous changer, de nous adapter. Et l’histoire a pas mal secoué la Chine depuis une centaine d’années…

Dans Platform comme dans ses autres films, on est ému par l’affection que le cinéaste porte à ses personnages. Il travaille d’ailleurs depuis le début de sa carrière avec les mêmes acteurs et les mêmes techniciens, ses amis.

Jia Zhang-Ke dit s’être peu soucié d’avoir été interdit, pour lui l’ouverture de la Chine était en marche. C’était une évidence, il n’a fait que ce qu’il avait à faire : du cinéma. Aujourd’hui, la censure n’a vraiment plus aucun sens, car, où que sorte un film dans le monde, deux jours après, on trouve le DVD pirate partout en Chine. Jia Zhang-Ke a d’ailleurs chez lui une véritable cinémathèque : il souhaite s’inscrire comme « un réalisateur de l’histoire du cinéma » plutôt que comme « un réalisateur chinois». Il dit avoir beaucoup appris du cinéma muet, notamment d’Eisenstein. Aura-t-il eu le temps de voir à Locarno les films muets que Lubitsch a tournés à Berlin ?

Ce qui l’intéresse dans le documentaire – son dernier film, I wish I knew, retrace l’histoire de la ville de Shanghaï à travers de longs récits de vie –, c’est le travail de mémoire que permet le cinéma. Aussi regrette-t-il d’avoir raté les précieux témoignages qu’il aurait pu filmer s’il avait fait ce film dix ans plus tôt. Documentaire et fiction sont pour lui complémentaires et lui permettent d’exprimer la tension entre l’intimité d’un personnage et son être social. Un sinologue pourra peut-être me dire si Malaise dans la civilisation, de Sigmund Freud est traduit en chinois ?

Françoise Mona Besson

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