Avec près d’une quinzaine de romans, certains primés (Ganesha, Mémoires de l’homme-éléphant, Prix Gérardmer 2000, La vénus anatomique, Prix Rosny aîné 2005), d’autres coécrits avec Johan Heliot (notamment la série Le bouclier du temps) Xavier Mauméjean est l’un des auteurs majeur des imaginaires francophones contemporains. Son dernier roman, le tragique Lilliputia a fait dans cette édition l’objet d’une chronique. Néanmoins, c’est en tant que directeur de la collection Royaumes perdus, aux éditions Mango, que nous l’interrogeons pour Littératures de l’imaginaire.
Comment êtes-vous devenu directeur de la collection Royaumes Perdus ?
J’ai été contacté par Christophe Savouré, directeur éditorial de Mango, et Danielle Védrinelle, éditrice à l’origine du projet. Mango souhaitait développer son pôle jeunesse fiction, déjà bien représenté par notamment la collection de science-fiction Autres Mondes, dirigée par Denis Guiot et reprise récemment avec brio par Audrey Petit. L’idée était de créer un domaine Fantasy. Bien sûr, chacun avait conscience que lancer une collection Fantasy parmi d’autres ne rimait à pas grand-chose, dans un marché déjà bien occupé. Il fallait donc qu’elle soit originale, que Royaumes Perdus présente une spécificité au sein de la littérature jeunesse. D’où l’importance du choix des thèmes et de la qualité des récits.
La mythologie, les légendes sont très présentes au sein des différents romans qui composent la collection. Qu’est-ce qui vous a orienté vers ces choix ? Pourquoi ?
Rapidement, nous avons décidé de développer les grands thèmes de la Fantasy (Quête, héros solitaire, affrontement Bien et Mal etc.) dans des mythes et cultures authentiques. Ainsi, nous pouvions présenter au jeune lectorat des civilisations et légendes appartenant à la culture mondiale : Chine ancienne, Grèce antique, légendes nordiques etc. L’autre souhait était de confier la rédaction de ces romans à des plumes françaises, qui se sont déjà illustrées avec talent dans la Fantasy. Ce qui n’empêche évidemment pas la recherche de nouveaux auteurs, ou la possibilité de publier des traductions.
La plupart des récits de cette collection mettent en scène des personnages qui sont assez loin des archétypes liés aux héros habituels des ouvrages destinés à la jeunesse, et, de manière générale (hélas), aux lecteurs de fantasy. Niréus (La dernière Odyssée, Fabien Clavel) est un jeune homme complexe, assez sombre. Djeren (Le jour du Lion, Nicolas Cluzeau) est obsédée par la vengeance. Quant à Marcus Servius (La légion écarlate, Johan Heliot), l’univers même dans lequel il est plongé est brutal … N’est-ce pas un peu risqué ? Pourquoi avoir tenté ce pari ?
Parce que l’impératif de la collection Royaumes Perdus est d’être respectueux du lecteur. Il va de soi qu’avoir quinze ans à l’époque médiévale déchirée par les guerres n’est pas avoir le même âge aujourd’hui. Sans compter par exemple la civilisation maya mise en scène par Claire Panier-Alix dans Les Songes de Tulà, dont les référents culturels sont carrément aux antipodes des nôtres. Pas la même jeunesse au même âge, cela le lecteur d’aujourd’hui le sait. Et ce même jeune lectorat est tout à fait capable de comprendre des récits exigeants, dans la forme et le fond. Par exemple, jusqu’où pouvions-nous aller dans la violence, qu’elle soit physique ou psychologique ? Nous pouvions le faire, dès lors qu’elle était justifiée. Si vous décrivez une guerre, il faut le faire avec réalisme, c’est une question d’intégrité vis-à-vis du lecteur. Je pense par exemple à La légion écarlate de Johan Heliot. Par contre, le lecteur adolescent peut retrouver des préoccupations identiques avec le héros (identité de soi, découverte de l’autre, de la sexualité, de la responsabilité de ses actes, de ceux des parents, etc.), préoccupations qui sont universelles à travers l’espace et le temps. Nous en avons une belle illustration avec L’héritier du Chaos de Laurent Queyssi qui aborde les difficultés relationnelles entre un fils et son père coupable à plus d’un titre.
La collection Royaumes perdus peut-elle être considérée comme un outil pédagogique pour les professeurs? Pourquoi ?
Absolument, notamment pour les enseignants de lettres et d’histoire. De langue, aussi, nous avons reçu le témoignage enthousiaste d’un professeur d’italien qui a travaillé avec ses élèves sur Le cercle des Myosotis de Nicolas Bouchard, qui se passe à l’époque de Pétrarque. Chaque roman présente donc un mythe et une culture authentique, revisite des légendes comme le fait Guillaume Lebeau dans Iceland, ou un conte essentiel comme dans le très beau Le chemin des Ombres de Jérôme Noirez qui propose une relecture de la légende fondatrice du Japon.
Elément fondamental dans la finalité pédagogique, s’ajoute en fin de volume un lexique incluant les noms des dieux, quelques indications culturelles, historiques et géographiques, le détail d’objets usuels sous leur nom de l’époque, etc. Enfin, les auteurs participent régulièrement à des interventions scolaires, animent des débats en classes, et nous allons développer très prochainement des fiches pédagogiques sur le site de la collection Royaumes Perdus, mais aussi sur celui d’Autres Mondes.
Merci, Xavier, d’avoir bien voulu répondre à nos questions.
Un grand merci à vous. J’en profite pour vous donner l’adresse des sites :
Royaumes Perdus : http://www.royaumesperdus.com/
Autres Mondes : http://www.autresmondes.org/