Les vampires existent, dans l'imaginaire de l'humanité, depuis bien plus longtemps - qu'il s'agisse de Lilitû (qui est devenue Lilith), de Lamia, des striges romaines ou des empuses. Mais leur nature de revenants en corps, buveurs de sang, capables de transmettre leur don/ malédiction est plus récent : 18ème siècle.
Pourquoi le vampire, après, donc, près de trois siècles d'existence durant lesquels il a été décliné sous toutes ses formes - du classique Prince de Valachie à l'Alien - continue-t-il de fasciner et de faire couler de l'encre (à défaut de sang) ? C'est l'une des questions auxquelles répond Jean Marigny dans Le vampire dans la littérature du 20ème siècle (Honoré Champion - grand prix de l'imaginaire2004). Il montre , après en avoir dressé un portrait littéraire, que le vampire concentre en lui la plupart des interrogations de l'homme sur lui-même et le monde qui l'entoure. Au-delà du sang "le sang, c'est la vie", le vampire questionne la mort et l'immortalité. Figure de vie et de mort entrelacées, il est à la fois tentation de vie éternelle et horreur d'une parodie de vie, d'une stagnation issue de siècles d'errance. Le vampire est également Altérité - "l'autre", l'étranger par qui le scandale arrive, l'ennemi (cf. littérature de l'entre-deux guerres + Guerre froide). En même temps, il est être d'exception, créature des seuils, capable de toutes les transgressions. C'est ainsi qu'il est fortement lié à la sexualité - pour le pire... et le meilleur. Au 19ème siècle, il permettait aux auteurs de l'ère victorienne (Stoker et Le Fanu en particulier) de traiter de sujets alors tabous - érotisme et homosexualité ("amour autre", selon les jolis mots de Roger Bozzetto dans son article "le trésor du vampire"). Aujourd'hui, en particulier grâce aux romans d'Anne Rice, le vampire ose sortir au grand jour - décliné sur tous les tons, en littérature mais également au cinéma - le vampire a acquis une âme. Reflet d'un idéal, tout autant qu'être incarnant nos pires cauchemars, il continue à interroger inlassablement l'humain sur sa propre nature. En conclusion de son essai, Jean Marigny se demande si le vampire, dans notre société en décomposition, n'est pas paradoxalement le dernier parangon d'humanité...
Le vampire dans la littérature du 20ème siècle est un excellent essai, très intelligent et très exhaustif sur les "enfants de la nuit".
Il existe également d'autres ouvrages de qualité sur le thème. Outre l'initiatique Sang pour sang (Découverte Gallimard) de Jean Marigny,on peut lireLes vampires (collectif -actes du colloque de Cerisy 1993), Vampires : portraits d'une ombre (coll, Oxymore) et l'excellent essai d'Estelle Valls de Gomis, Le vampire au fil des siècles, qui retrace d'une plume élégante le parcours des vampires tant en littérature que dans l'histoire. A noter : Estelle Valls de Gomis a également dirigé une anthologie, Vampires, aux édtions Glyphe.