Billet de blog 1 février 2016

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Voter ou ne pas voter?

Lorsque j’étais encore petite fille, je rêvais d’atteindre l’âge qui me permettrait de faire enfin comme mes parents : rentrer dans une cabine qui ressemblait à une cabine d’essayage et glisser un petit papier dans une petite enveloppe bleue. Par C. S

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Ce mois de décembre 2015 a vu se dérouler un événement, secondaire dans la vie d’un citoyen expérimenté, mais marquant pour la jeune citoyenne que je suis : les élections régionales françaises. Cet événement se trouve n’être qu’un prétexte pour introduire ma réflexion sur l’acte électoral. En effet, c’est dans l’attente des résultats, le 6 décembre 2015, qu’elle a commencé à murir dans mon esprit. Mais c’est surtout sur le sens et la portée de cet acte, qualifié de citoyen par toute la communauté journalistique, que j’ai commencé à m’interroger. Il se pourrait qu’au cours de mon discours, je heurte malencontreusement la sensibilité de celui qui trouverait ce texte, ce n’est définitivement pas mon objectif. Je lui présente donc mes excuses si mes hypothèses s’avèrent vraies.

Pour certains de mes compatriotes, ayant atteint la majorité il y a peu, comme c’est mon cas, aller aux urnes n’a aujourd’hui aucun sens et malgré mes efforts pour les comprendre, je n’y suis toujours pas parvenue. Alors que les femmes saoudiennes viennent à peine d’obtenir ce droit fondamental, comment peut-on, en France, se dire que ce n’est pas la peine d’aller exercer ce droit pour lequel nos ancêtres se sont battus avec vigueur? Certes, la majorité de ces personnes a été déçue par les politiques menées jusqu’alors. Mais cet argument ne me semble pas valide car je crois que s’ils ne profitent pas de ce moment pour aller manifester leur désaccord, leur déception, et leur colère, rien ne pourra changer. Ils resteront donc en désaccord, déçus et en colère.

Prenons un exemple concret de changement engendré par le vote : le 12 décembre 2015, les femmes saoudiennes, ont pour la première fois, pu choisir leurs représentants et se présenter comme candidates à l’occasion des élections municipales du pays, scrutin à la portée limitée mais symbole d’une grande avancée dans ce royaume ultraconservateur. 130 000 femmes avaient leur carte d’électrices, 1 000 se sont portées candidates et 14 ont été élues grâce au vote ! Cet exemple peut paraître ridicule et je peux comprendre l’étonnement d’une personne découvrant ce petit nombre, je me suis moi-même demandée s’il était réellement significatif d’un véritable changement. C’est alors que j’ai lu un article du journal Le Monde dans lequel le rédacteur raconte qu’il a interpelé une femme à la sortie du bureau de vote pour lui demander pour qui elle avait voté, et ce serait avec un large sourire de satisfaction qu’elle aurait répondu « Une femme évidemment ! […] Il est temps que notre voix soit entendue. ». J’aime croire que ce n’est pas la seule à avoir pensé ainsi, ce qui est, je le concède une faiblesse dans mon raisonnement mais sans laquelle je ne peux pas faire de corrélation, entre l’ouverture du vote aux femmes en Arabie Saoudite et l’élection de 14 d’entre elles dans les conseils municipaux. Corrélation qui est, je crois, nécessaire pour démontrer ici l’importance du vote. Toutes ont été victimes d’une politique discriminatoire pendant longtemps, toutes ont de bonnes raisons de ne pas croire en la politique, mais pourtant, elles se sont levées et ont fait entendre leur colère. Pourquoi n’est-on plus capable de le faire en France ? Ce qu’on appelait la culture du vote serait-elle en train de disparaître ?

Mon incompréhension face au refus de certains d’aller aux urnes est d’autant plus importante que deux souvenirs d’enfance m’habitent et me hantent lorsqu’on me parle des élections. Lorsque j’étais encore petite fille, je rêvais d’atteindre l’âge qui me permettrait de faire enfin comme mes parents : rentrer dans une cabine qui ressemblait à une cabine d’essayage et glisser un petit papier dans une petite enveloppe bleue. Ce rêve d’enfant a commencé lorsque nous rentrions de vacances avec mes parents, à peine descendue de l’avion, toute la famille avait couru vers mon école primaire transformée en ce que mes parents appelaient « bureau de vote » pour y être avant la fermeture. Mon rêve a été renforcé quelques années plus tard. Un dimanche, avant d’aller au parc, mes parents nous avaient, mes frères et moi, demandé de nous arrêter à l’école, de nouveau transformée en bureau de vote. Ils devaient répondre à une question qui leur était directement posée par le Président de la République. Je ne connaissais alors pas son rôle précis mais il me semblait savoir que c’était un grand monsieur qui était responsable de l’ensemble de la France, et il demandait leur avis à mes parents! Je trouvais ça fantastique, d’autant plus qu’il allait devoir attendre la réponse de tous les citoyens français pour prendre sa décision et ne la prendrait pas seul. C’est par l’attitude de mes parents et grâce aux quelques explications qu’ils nous ont données que j’ai saisi l’importance de ce geste dont je ne saisissais pourtant pas toutes les nuances, voire même aucune. Alors le 6 décembre, je suis allée faire entendre ma voix et ma colère, avec ces deux souvenirs dans un coin de ma tête. Mais pourquoi sommes-nous seulement la moitié de la population en âge d’accomplir nos devoirs de citoyens à nous être mobilisés? Je ne compte pas ici trouver une explication rationnelle des faits, ce serait trop prétentieux, mais seulement en donner mon interprétation. Nous pouvons d’abord dresser un constat simple : le paysage politique n’a pas changé depuis de nombreuses années et les tenants du pouvoir n’ont jamais été au bout de leurs promesses. Il se peut alors que les citoyens français se sentent trahis par les personnes à qui ils ont confié la responsabilité de diriger le pays. Par ailleurs, les premiers partis créés ont beau changer de nom, l’illusion ne prend pas puisque les grandes figures du parti et les idées restent les mêmes. Il semble que les français demandent à voir sur la scène politique de nouvelles personnes avec de nouvelles idées car les anciennes n’ont pas respecté leurs engagements. Mais ces anciens partis avec leurs dirigeants ne veulent pas céder la place, les petits partis qui tentent de trouver la leur sont donc invisibles pour le grand public qui voit toujours la scène politique divisée entre deux, voire trois partis et refusent donc d’aller voter. Pourtant, ces petits partis sont représentés lors des élections, mais étant inconnus, ils ne peuvent recueillir assez de suffrages pour chambouler le paysage politique. En effet, il semblerait que les citoyens déçus des partis dits traditionnels jugent que ces nouveaux partis resteront minoritaires quoi qu’il arrive et préfèrent ne pas voter. Tout ceci témoignerait d’une vision trop utilitariste et rationnelle du vote qui en négligerait les aspects symboliques. Les femmes saoudiennes élues ne vont pas, à court terme, engendrer de grands bouleversements, mais ne vaut-il pas mieux 14 femmes élues qu’aucune ?

Malgré cette interprétation, sûrement hâtive et erronée, qui m’a poussée à réfléchir comme quelqu’un qui choisirait de ne pas voter, je reste convaincue de l’importance d’aller glisser une enveloppe dans l’urne. La faible participation lors de ces dernières élections a fait émerger en moi un grand nombre de questions mais aussi et surtout une envie, un désir de me battre pour rappeler à mes amis, à mes compatriotes, l’importance de ce geste. S’ils veulent du changement, c’est à eux de le provoquer et les urnes nous permettent à tous de faire entendre notre cri de colère ou de joie face aux politiques menées. Le paysage politique ne changera pas si les citoyens n’acceptent les moyens qu’on leur fournit pour se battre. Antoine de Saint Exupéry disait que nous n’héritions pas de la terre de nos ancêtres mais que nous l'empruntions à nos enfants. Je crois que grâce à ce petit bulletin glissé dans l’urne, nous pouvons être en mesure de leur offrir un monde meilleur.

C. S, journaliste lycéenne.

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