Vous allez voir qu’ici notre témoin anonyme, que nous nommerons X (il n’y a là aucun jeu de mot de bas niveau je vous l’assure), va nous raconter une épreuve, un des « 69 travaux » comme il le dit lui-même : aller chercher des préservatifs pour la première fois ! Tout le monde connaît ça, tout le monde a déjà entendu sa moitié dire que c’est nous qui devions s’enquérir de cet accessoire puisqu’on a tant insisté. Enfin bref l’idée est là c’est un supplice connu de tous. Le No Comment va donc vous dévoiler le premier jet de ce témoignage saisissant de vérité.
<< Bonjour, je me nomme Monsieur X. C’est vrai qu’au début c’est moi qui voulais le faire mais c’est ma copine qui a pris les choses à deux mains et qui en a parlé. Du coup ça lui a permis de prétexter que comme j’avais pas les « cojones » (la censure ne marche pas dans les langues étrangères ☺) pour le dire c’est moi qui irai chercher les préservatifs. Réfutant de suite cet argument, elle commença à me faire un chantage à propos de la chose dont je n’osais parler.
Je me suis donc résigné et je partis une matinée de printemps (c’est beau la poésie) avec une assurance sans faille et un billet de cinq euros.
Plus je m’approchais de la pharmacie plus le trouble s’installa en moi : et si j’étais reconnu ? et si la joyeuse bande de commères (soit Jacqueline, Yvette ET mamie) qui constituait le centre d’information du village était venue chercher ses gouttes ? Et si maman avait un gros rhume et était à la pharmacie ? Pire encore, la belle-mère qui me connaissait et qui nous tenait un discours très catholique si vous voyez ce que je veux dire était une habituée des lieux ! Mes mains étaient moites, ma respiration haletante et la sueur perlait sur mon front : j’étais arrivé.

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J’observais la topographie des lieux : même si ça aurait été judicieux, impossible de passer par derrière. Il y avait toute fois bien une alternative : le distributeur de préservatif ! Alléluia me dis-je ! J’allai pouvoir faire mon achat sans devoir parler à personne ! En m’approchant je découvris une machine rouillée, dont l’éclairage rendait son dernier souffle et dont les tarifs était en Francs. Doutant soudain de la première fraîcheur de la marchandise que contenait l’épave et m’imaginant déjà les risques de déchirures, je n’eus d’autre choix que de rentrer dans la pharmacie.
La tension était palpable, elle me prenait au corps, je sentais mes pires criantes me pénétrer. Partout j’entendais mon prénom prononcé comme si quelqu’un me reconnaissait, je craignais la réaction de la pharmacienne qui à coup sûr me regarderait tel un détraqué sexuel, les petits commentaires choqués des gens qui attendaient derrières. Je mouillais le sol de ma sueur. Et encore ! Ce manque de confiance n’était qu’une mise en bouche de ce qui m’attendait : la pharmacienne ! Premièrement, je ne savais pas que cette pharmacie recrutait des mannequins ; deuxièmement, comment voulez-vous vous concentrer et parler préservatifs à une bonne (ie personne de type féminin présentant une attirance de nature sexuelle des personnes de type masculin ayant un excédent de testostérone) ??? C’était fini de moi, ce soir au lit ça allait être atelier lecture sur un air de reproche. Soudain je me résonnai : « Hey ! N’es tu pas là pour un manque de cojones ? Il est temps de montrer que tu n’utilises pas de patate pour tromper sur la marchandise ! ». Sur ce je me présentai au comptoir.
Timidement, j’esquissai ma demande et il me sembla qu’elle comprit au vu de mon regard voyageur, des mains qui ne savait plus où se mettre, tout ça associé à un volume sonore très bas : ces symptômes étaient ceux d’une « demandite de préservatifus aigue ». Sur quoi elle me demanda : « Et tu veux quel goût ? ». Habitude de fast-food oblige, j’allais lui répondre « sauce blanche » mais j’évitai ce lapsus désastreux de justesse en répondant que je désirais ce qui se faisait de plus simple. Croyant que j’étais au bout de mes peines, elle me demanda la taille. Il est impossible de se sentir plus seul que ça. Croyant cette fois être bel est bien au bout de mes peines, elle m’interrogea dans un souci de professionnalisme qu’elle pouvait se mettre où je pense (soit à la poubelle nous l’entendons bien): « Et tu veux que je te montre comment on le met ??? », ce à quoi je répondis que non, non sans esquisser une vulgarité.
J’achevai mon supplice ! Enfin c’est ce que je croyais avant d’entendre alors que je sortais la pharmacie : « Alors on ne dit plus bonjour à mamie Huguette ? ».
Ghost Bleu, No Comment, lycée du Sacré Cœur, Tourcoing.
Illustration : Margot