Billet de blog 8 mai 2013

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Rousseau et la démocratie

Le 3 avril, à Alès, M. Claude Mazauric, professeur agrégé d’histoire à l’université de Rouen et auteur d’articles sur la Révolution ainsi que d’une biographie de Jean-Jacques Rousseau, est venu donner une conférence sur Rousseau et la Révolution.

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Le 3 avril, à Alès, M. Claude Mazauric, professeur agrégé d’histoire à l’université de Rouen et auteur d’articles sur la Révolution ainsi que d’une biographie de Jean-Jacques Rousseau, est venu donner une conférence sur Rousseau et la Révolution.

Son propos portait principalement sur le rapport et l’influence de Rousseau sur la politique de la première République. M. Mazauric a également étudié l’intégration de la pensée complexe de Rousseau dans la culture populaire. Pour donner quelques exemples fournis par le conférencier, des médailles, des assiettes, des encriers, des cartes à jouer, etc., tout cela à l’effigie de Rousseau sur lesquels était parfois gravé un aphorisme résumant la pensée du philosophe, ont servi à diffuser l’image d’un grand penseur qui a permis l’avènement d’une révolution. La fin de l’ordre féodal et l’arrivée d’une République fondée sur les principes du Contrat social énoncés par Rousseau sonnent l’annonce de nombreux débats à propos des modalités de la démocratie dont fait partie le principe de volonté générale, qui occupe une place majeure dans le système politique qu’il a pensé.

M. Mazauric a délivré au cours de sa conférence de nombreux faits — comme le veut son statut d’historien — faisant le lien entre Rousseau et la Révolution, mais il serait affligeant pour le lecteur de devoir lire un récapitulatif de ces faits, d’autant que cette étude est trop spécialisée pour quiconque n’a pas appris la vie de Rousseau, l’histoire de la révolution et l’histoire de la première République par cœur. C’est pourquoi définir les termes du Contrat social est ici plus intéressant que d’apprendre que le 11 octobre 1794 les cendres de Rousseau ont été transférées de l’île aux Peupliers — Rousseau était déjà condamné à apparaître dans ce journal — au Panthéon.

Du Contrat Social ou Principes du droit politique est publié en 1762. L’ouvrage définit premièrement le droit comme fondé sur des conventions. Rousseau démontre que le droit ne peut émaner de la force et prend pour cela l’exemple d’un brigand qui contraint sa victime à lui donner son argent. Celui-ci agit selon aucun droit et ne fait qu’user de la force afin de s’approprier le bien d’autrui. Il n’est donc que dans un rapport de forces. « Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c’est tout au plus un acte de prudence », démontre Rousseau. Le deuxième objectif de l’ouvrage du philosophe des Lumières est de définir un système politique qui puisse assurer la liberté à l’ensemble du peuple ainsi que la participation de celui-ci à l’organisation de la cité. « L’homme est né libre ; et partout il est dans les fers », commence Rousseau dans Du Contrat Social. Il veut mettre fin aux régimes qui privent les hommes de leur liberté et les asservissent au nom d’une quelconque sécurité. « Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs », continue Rousseau. Il est donc de notre devoir d’être libre.

Rousseau part du principe que l’homme doit quitter son état de nature où il est en guerre perpétuelle avec ses congénères et ne fait que survivre grâce à sa ruse et à sa force. Il dispose à l’état de nature d’une liberté particulière illimitée mais vit dans le danger constant d’autrui qui peut le destituer de la place de maître qu’il avait auparavant acquise. Le concept de l’état de nature est un état fictif, que Rousseau reprend de philosophes qui l'ont précédé, afin de développer sa société du Contrat social. Le philosophe des Lumières pense donc un Contrat social, passé entre tous les individus d’une société, dont les clauses mettraient fin à la volonté particulière au profit d’une volonté générale, c’est-à-dire ce qui peut être voulu par tous. Le citoyen abandonne sa liberté précaire illimitée pour une liberté garantie par des droits. Il devient un membre de la société fondée sur le Contrat social et peut s’exprimer sur la gestion de celle-ci. La volonté générale transcende les volontés particulières. Elle est un consensus admis par l’ensemble des citoyens qui se retrouvent dans cette possibilité de faire abstraction de leur intérêt particulier pour le bon fonctionnement de l’ensemble de la société. C’est pourquoi Rousseau rejette toute démocratie représentative et fonde son Contrat social sur le principe moderne de démocratie directe où chaque citoyen est un acteur de la politique. Rousseau résume ainsi le pacte social établi entre les citoyens : « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. »

Les démocraties contemporaines sont toutes fondées sur un système démocratique représentatif. Aucun État ne fonctionne actuellement selon le principe de démocratie directe. La démocratie représentative conduit nécessairement à un abus du pouvoir par les représentants du peuple. L’affaire de fraude concernant Jérôme Cahuzac, qui est un exemple parmi tant d’autres, démontre parfaitement qu’il ne peut y avoir de représentativité politique qui puisse être légitime car ses représentants failliront toujours à exprimer une volonté générale mais seront toujours rattrapés par leur intérêt particulier qui passe par l’ouverture de comptes bancaires en Suisse. Lorsque Rousseau nous mettait en garde contre les dangers de la démocratie représentative il y a quatre siècles, il savait très justement qu’on ne représente jamais assez bien la volonté générale du peuple et que seul ce dernier a le devoir légitime de se prononcer sur la politique de sa société. La volonté générale est seule apte à gouverner. Elle est la voix du peuple qui s’exprime par consensus et se prononce sur la politique de sa société. Les dirigeants contemporains qui brandissent fièrement leurs principes démocratiques se pavanant comme les porte-paroles de la liberté et de l’égalité ne sont que les facettes d’un pouvoir élitiste dans lequel baigne la plus infâme corruption qui aliène toute représentation du peuple au profit d’intérêts particuliers.

Pablo, Le Peuplier, Lycée Jean-Baptiste Dumas, Alès.

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