Lorsqu’en 2008 Barack Obama est élu président des États-Unis, il promet d’être le président de « l’espoir et du changement ». Il prend l’engagement de fermer la prison de Guantánamo à Cuba qui est réservé aux présumés terroristes arrêtés sans jugements et torturés, de retirer les troupes américaines d’Irak et de se dégager du bourbier afghan. Une seule de ces trois promesses n’a pas été tenue par le président américain : la prison de Guantánamo accueille toujours des prisonniers vêtus de la tristement célèbre tenue de couleur orange fluo.
Obama a par ailleurs réussi, après de longues années de traque, à faire tuer Oussama Ben Laden, chef de l’organisation terroriste Al-Qaïda, dans sa maison au Pakistan. La sécurité des États-Unis semble donc en bonne voie. Néanmoins, l’administration Obama souhaite toujours éradiquer la présence des Talibans et d’Al-Qaïda au Pakistan et en Afghanistan. Une nouvelle guerre mettant en œuvre une arme qui ne nécessite pas la présence de soldats américains sur le terrain débute.
Le drone est un avion sans pilote, téléguidé à distance qui possède la capacité de lancer des missiles sur une cible précise jusqu’à 8 kilomètres de distance. Dirigés depuis l’état du Nevada aux États-Unis, les drones présents en Afghanistan et au Pakistan traquent les terroristes au moyen de caméras, de radars, d’images infra-rouges, et peuvent également être armés de lasers guidant les missiles. Ils sont donc des armes d’une puissance incroyable qui permettent d’éviter des pertes du côté de l’attaquant. Ce genre de guerre devient une guerre à distance où les attaquants possèdent les moyens d’accomplir des raids de derrière leur console de pilotage. Car, commander un drone demande certes une formation poussée, mais le principe reste le même que de diriger un soldat sur une console de jeu grâce à une manette. De même que les pilotes qui ont lâché les bombes atomiques sur les villes de Hiroshima et Nagasaki - et qui n’ont pu, au moment de l’impact, voir les japonais mourir - les pilotes de drones tuent à distance avec pour seule vision de leurs dégâts une image sur leur écran du Nevada. Cette façon de tuer pourrait être qualifiée de meurtre passif, c’est à la machine d’accomplir l’acte sous les commandes de l’homme. La citation « guns don’t kill people, people kill people » commence à perdre de son sens avec ce genre de guerre à distance où l’attaquant tue sans jamais voir la mort, mais seulement une retransmission de celle-ci.
Les drones américains présents en Afghanistan et au Pakistan ont pour mission de traquer et d’assassiner les Talibans et les membres d’Al-Qaïda, mais cette guerre passive aérienne n’est pas sans conséquence pour la population locale. Un rapport rédigé par les universités de Stanford et New York fait état des dégâts provoqués par les drones, qui avec leur long et fin fuselage bombé à l'avant pour accueillir une antenne satellite, leurs ailes étroites et leurs dérives arrière inclinées ressemblent à d’inquiétants insectes. Les frappes des avions sans pilotes au Nord-Waziristan, région du Pakistan, effraient les familles pakistanaises qui « ont peur d'assister à des mariages ou des enterrements, du fait que les opérateurs américains au sol qui dirigent ces drones pourraient interpréter de façon erronée ces rassemblements comme étant ceux de militants talibans ou d'Al-Qaïda », précise le rapport. Car les dommages collatéraux des raids américains ne sont pas inexistants. Les chiffres exacts du nombre de pertes parmi les habitants pakistanais ne sont pas accessibles, car le programme de frappes américaines est obscur et habillement caché, mais selon des recoupements, entre 2.562 et 3.325 personnes ont été tuées au Pakistan entre juin 2004 et la mi-septembre 2012, dont entre 474 et 881 civils, incluant 176 enfants. La présence incessante des drones dans le ciel pakistanais « terrorise la population hommes, femmes et enfants, provoquant anxiété et séquelles psychologiques parmi les populations civiles », remarque le rapport universitaire. Celui-ci fait référence à « une autre étude qui montre que 74 % des Pakistanais considèrent maintenant les Etats-Unis comme un ennemi ». Car le taux de hauts gradés des organisations terroristes tués par les drones est très faible par rapport aux morts « collatéraux », il est seulement de 2%. Cette guerre qui use le moral des populations locales provoque infailliblement la haine des Afghans et des Pakistanais pour les Américains. Les attaques de drones ont ainsi eu pour conséquence de nouveaux recrutements parmi les organisations terroristes qui promettent de chasser « le diable américain ». Voici l’exemple d’une guerre contre-productive qui ne fait qu’attiser la haine pour les Américains. Ces derniers entretiennent leur image d’envahisseur qui impose son mode de vie à des populations qui ne demandent qu’à rester en paix et à s’occuper eux-mêmes de leurs affaires intérieurs. La technologie est malheureusement en train de permettre aux États-Unis de faire la guerre sur des terres étrangères sans y faire débarquer le moindre soldat, alors qu’elle devrait être source de progrès pour les populations. Il faut espérer que le second mandat de Barack Obama ne sera pas celui du prix Nobel de la paix aux drones du Pakistan et d’Afghanistan.
Sources : Rapport Living under drones de l’université de Stanford et New York (livinguderdrones.org), Le Monde, The Gardian, Le Monde Diplomatique, BBC world news.
Pablo Barnier-Khawam, Le Peuplier, Lycée Jean-Baptiste Dumas, 30100 Alès.