Si vous êtes nés en 1996 et que vous êtes donc en Terminale, vous avez certainement dû tomber sur la case « JAPD » au cours de votre année. Egalement appelé « journée d’appel », des jeunes pour la plupart âgé de 17 ou 18 ans se rendent le temps d’une journée dans une caserne militaire. Le but étant d’apprendre le rôle de l’armée en France. Ces quelques heures seraient a priori considérées comme une « étape » pour devenir un vrai citoyen français. N’échappant pas à la tradition, ma JAPD s’est déroulée ce mercredi 29 janvier à la caserne militaire de Rueil Malmaison dans les Hauts de Seine (92).
Tout d’abord, se réveiller à 7h du matin alors que son emploi du temps nous fait exceptionnellement commencer à 10h… Autant vous dire que je l’avais mauvaise... A peine arrivé à la caserne, je me retrouve avec une quarantaine de jeunes de mon âge conviés à un petit déjeuner avant le démarrage de la journée. Venant de tous les horizons, il va de soi que personne ne connaissait absolument personne. Mis à part se regarder entre quatre yeux tout en mangeant ses croissants, la journée promettait d’être longue. Heureusement pour moi, j’ai échappé à cette « épreuve » en rencontrant une camarade de classe d’il y a quelques années. « Je lis tous tes articles ! » me dit-elle d’emblée. Cela a un peu permis de rattraper le dur réveil…
Comme prévu, la journée en elle-même n’a rien eu de très captivant… Plusieurs ateliers ont été mis en place. Le premier se concentrait sur le titre du citoyen autour de plusieurs thématiques : « Quels sont nos droits ? Quels sont nos devoirs ? ». Bref, un vrai cours d’ECJS puissance 10 mais enseigné par un militaire et un policier (et entre prof et policier, il y a un vrai fossé !). Les jeunes dans la salle semblent plutôt réceptifs répondant facilement à toutes les questions posées par ces deux derniers. On passe à un test de français pour vérifier nos capacités à maitriser la langue. Savoir si un mot existe, retrouver une information dans un document ou encore répondre à des questions après lecture d’un texte… Rien de bien méchant… L’après-midi est marqué par le rôle de l’armée en France. Ces trois heures dites d’ « informations », comme ils nous l’ont rappelé plusieurs fois, ressemblent plus à une propagande pour recruter. Jobs d’été, retraites payées ou jusqu’à bien manger le midi, la JAPD se sert de toutes les sauces possibles pour attirer les jeunes. Une sorte de Portes Ouvertes géantes de l’armée, sauf que celle-ci, contrairement aux autres, est obligatoire et concerne tous les jeunes de France.

Sur le fond donc, moyen… Mais sur la forme, c’est juste unique ! Se retrouver avec des jeunes de milieux totalement différents le temps d’une journée, c’est une expérience très rare de nos jours ! Pour l’exemple, au début de la journée chacun doit se présenter devant les autres. Une première donne immédiatement le ton : « J’ai 17 ans et je suis à Science Po Paris ». Stupéfaction et reconnaissance dans la salle. Le suivant : « J’ai 17 ans, et je ne fais rien dans la vie ». Le militaire réplique : « Tu es dans quelle école ? ». « Je ne suis plus à l’école » répond le jeune. Incroyable contraste entre ces deux jeunes assis face à face à la même table, qui, sans la JAPD, ne se seraient sans doute jamais rencontrés. Ceci est un des exemples les plus flagrants mais il est loin d’être un cas isolé. Des débats sur l’école explosent dans la salle au cours de la journée : « de toute façon l’école ça ne sert à rien ! », « ça sert à quoi qu’on nous apprenne ça ? ». Certains semblent choqués par des propos tenus par d’autres. On constate alors une vraie fracture entre cette génération de jeunes… Et cette fracture ne s’arrête pas là. Au repas du midi, et à chaque pause, les jeunes se rassemblent, plus ou moins inconsciemment, avec les jeunes qui leur ressemblent. On retrouve alors d’un côté des jeunes plongés à fond dans APB, et de l’autre, des jeunes en train de galérer dans leur job ou en recherche d’emploi. Pas le même monde…
Je garderai donc pour ma part plutôt un bon souvenir de ma JAPD. Même si c’est vrai que l’armée nous a bien bassinés durant toute une journée avec l’espoir de trouver ne serait-ce qu’un ou deux jeunes intéressés. Et même si c’est vrai que je n’ai pas pu avoir ma grasse matinée exceptionnelle du mercredi. Et même si c’est vrai que, comme beaucoup, je m’en moque de savoir ce que touche un sous-officier à la fin de chaque mois. Non, ce qui m’aura surtout le plus marqué, c’est d’avoir côtoyé des jeunes que je n’aurai jamais pu rencontrer en dehors de cette journée. Il faut se dire que la JAPD, bien que le programme ne soit pas top/top, reste une journée de rencontre. Une vraie rencontre entre tous les enfants et futurs citoyens de la République.
Pierre, Lepelletier, lycée Albert Camus , Bois-Colombes.